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Victime d’un buzz trop grand pour lui, Hors-la-loi n’est rien de ce que prétendait la rumeur. Ni le brûlot révisionniste censé faire de la police française le croquemitaine de l’émancipation algérienne, ni l’objet de controverses sur les agissements du FLN, ni le cobaye sacrificiel que la presse, à Cannes, prend parfois un malin plaisir à étriper vivant. Non, le vrai problème est ailleurs : dans la difficulté du film à exister par lui-même. La force relative de l’avant-dernier film de Rachid Bouchareb, Indigènes, tenait à un mélange de naïveté, d’inspiration, de casting futé et d’humanisme militant difficilement contestable. La naïveté est toujours là, l’inspiration s’est transformée en une certaine virtuosité (le massacre inaugural), mais le casting n’est que recyclage et l’humanisme se limite à une rédaction un peu trop scolaire sur le mode « Il y a du bon et du mauvais partout ». À l’arrivée, il reste une tranche de cinoche joliment ripoliné, pas désagréable à suivre au demeurant mais néanmoins à des années-lumière du Il était une fois en Algérie, du Independence Now ou du Gangs of Sétif qu’un Leone, un Coppola ou un Scorsese auraient pu tirer de la même histoire.
Toutes les critiques de Hors-la-loi
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Ni épopée, ni film à thèse pontifiant, Hors-la-loi est le portrait d'une génération éprise de liberté et d'idéal. Dans cette quête jusqu'au-boutiste, Jamel Debbouze, Roschdy Zem et Sami Bouajilia impriment la justesse d'un trio soudé, à la vie à la mort. La promesse d'une fraternité reconquise au glas de la lutte armée et de la décolonisation.
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La référence évidente, c'est L'Armée des ombres, de Melville. Comme lui, Hors-la-loi croise le film noir avec la fresque historique. Rachid Bouchareb montre ces résistants de l'ombre comme des fantômes avec du sang sur les mains, des vivants déjà morts qui ont renoncé à toute existence « normale ». La blessure originelle, c'est Sétif, dont le souvenir resurgit lorsque la mère, survivante intraitable, dit à Abdelkader en prison : « Sois un homme ! » Parole terrible qui scelle le destin violent de son fils.
Les épisodes s'enchaînent vite, implacables. Le film devient d'autant plus poignant que les personnages, machines de guerre ou gangster, se doivent de réprimer toute émotion. Sami Bouajila, intransigeant fiévreux, et Roschdy Zem, humain malgré lui, donnent beaucoup d'intensité à leur sacrifice. « Qui a gagné ? » demande, à un moment, le colonel Faivre (Bernard Blancan), un flic intelligent qui finit en barbouze infâme. Les cadavres, répond Bouchareb. Il est rare d'avoir sur un mouvement de libération une vision aussi sombre et glaçante. -
Bouchareb donne à voir l'ambivalence déchirant son microcosme familial et, à travers elle, les difficultés à venir de l'Algérie indépendante. Même si le film souffre d'une certaine raideur didactique et paraît moins inspiré qu'Indigènes, son importance "sur le fond" ne fait pas l'ombre d'un doute.
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Des scènes spectaculaires font flirter Hors-la-loi avec le film de guerre ou le polar. Bouchareb a sans doute pensé au Martin Scorsese de Gangs of New York et au Sergio Leone d'Il était une fois l'Amérique pour mêler grande et petites histoires.
Sans atteindre le souffle de ces films, ces aventures romanesques témoignent d'un beau sens de la mise en scène et offrent un divertissement de qualité. «Je voulais avant tout que le public éprouve des émotions», déclare le cinéaste, qui profite de l'occasion pour dénoncer la violence des extrémistes de toutes nationalités. Ne serait-ce que pour cela, son film mérite le respect. -
Et le film dans tout ça ? C’est du cinéma carré (un peu trop, parfois, à voir l’interprétation un peu amidonnée de Sami Bouajila), avec une charpente classique ponctuée de scènes d’action et de virgules sentimentales. Polémique ou pas, le grand public devrait y trouver son compte.
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Tant que le film approche de son sujet - la guerre d'Algérie telle que l'ont vécue les Algériens vivant en métropole -, ces archétypes restent vivants. L'évocation du massacre de Sétif, les parcours d'Abelkader et de Messaoud adhèrent strictement aux conventions romanesques, mais ils sont portés par un mouvement et une volonté de montrer ce qui est resté longtemps caché qui font oublier la frugalité des situations, les personnages sommaires.
C'est sans doute en arrivant dans le bidonville de Nanterre (où s'entassèrent pendant des décennies les immigrés des "trente glorieuses") que Hors-la-loi s'effondre sous le poids du spectacle. Les artifices de cette misère de chef décorateur étouffent les efforts des acteurs, neutralisent les situations les plus dramatiques. Le scénario égrène sans faiblesses son chapelet de dilemmes moraux et politiques, que les deux frères aînés résolvent toujours en faveur de la cause, contre les individus.
Il montre bien sûr la brutalité des forces de répression qui se moquent autant de la loi que les insurgés. Ancien résistant, le policier qui représente l'appareil d'Etat dans Hors-la-loi est incarné par le même comédien qui jouait le sous-officier d'Indigènes. Bernard Blancan est un acteur de grand talent, pourtant son travail est ici infiniment moins convaincant qu'il ne l'était dans le film précédent. C'est une mesure comme une autre du semi-échec de Hors-la-loi. -
vant même d’être présenté en mai à Cannes, le nouveau Rachid Bouchareb se voyait précédé d’une polémique malveillante et stérile, l’accusant d’offrir une vision orientée de la colonisation. Il est clair que le réalisateur d’Indigènes refuse une fois encore de se montrer tiède. C’est bien une guerre civile qu’il nous décrit, renvoyant dos à dos les extrêmes des deux camps avec un sens plutôt sûr du spectacle – en dépit de variations de tension et d’infimes longueurs. Car Hors-la-loi, c’est aussi ça, un film de genre avec gangsters sans pitié et clins d’oeil aux classiques du genre, de Sergio Leone à Jean-Pierre Melville.
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(...) le souffle de l'épopée et l'émotion cèdent la place à une illustration pédagogique de cette période troublée avec message lénifiant à la clé : personne n'a le monopole du Bien et du Mal. A défaut de s'enthousiasmer, donc, on ne s'ennuie pas.
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La déception que suscite Hors-la-loi est à la mesure de l'ambition du projet de Rachid Bouchareb. (...) le film, en présentant un itinéraire truffé de raccourcis, paraît parfois aller contre la cause légitime qu'il veut défendre.
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Fort du succès mérité d'Indigènes, Rachid Bouchareb s'est lancé à corps perdu dans une fausse suite. Rached Bouchareb a dû beaucoup regarder Il était une fois en Amérique et Raging Bull. Mais il n'est ni Sergio Leone ni Martin Scorsese.
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L’absence de rigueur historique amoindrit la démarche entreprenante de présenter la guerre d’Algérie d’après le point de vue d’activistes du FLN.
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C'est sûr, les scènes d'action ont de l'allure - elles étaient, déjà, très convaincantes dans Indigènes. Mais, cette fois, Rachid Bouchareb les noie dans un cours d'histoire à la fois superficiel et poussif. Hors-la-loi, c'est la guerre d'Algérie façon zapping : dix minutes pour le massacre de Sétif, cinq minutes pour la Toussaint rouge de 1954, dix minutes pour la rivalité entre le FLN et le MNA... Le réalisateur propose bien une piste de réflexion intéressante - l'analogie entre la lutte anticoloniale et la résistance au nazisme -, mais il la plombe par une scène lourdement didactique entre Sami Bouajila (pas assez charismatique pour incarner un leader politique) et Bernard Blancan (monolithique). La volonté d'aborder l'histoire dans sa complexité se heurte également aux stéréotypes des personnages. Le plus intéressant des trois frères, le plus incarné - et, hélas, le moins présent - est celui, interprété par Jamel Debbouze, qui préfère le cabaret et la boxe à la cause indépendantiste. Vu le sujet du film, c'est pour le moins gênant.
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Cette reconstitution sans souffle, plombée par des tirades politiques ampoulées, ne donne même pas une chance à ses interprètes de s'en tirer, excepté Roshdy Zem.
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Rachid Bouchareb hésite entre film historique et film de genre. Et cette indécision condamne le film. D'où cette impression étrange d'assister à une soirée déguisée sur le thème du film de gangster où les invités réciteraient un cours d'Histoire dur l'Algérie. Hors-la-Loi n'est pas un film antifrançais : c'est un film raté.