Première
par Gérard Delorme
En surface, Después de Lucía traite de harcèlement (ou bullying), sujet d’autant plus dérangeant qu’il est aggravé par l’utilisation de moyens de communication contemporains – Internet y est représenté comme une sorte de Far West virtuel qui, en l’absence de règles, incite à faire n’importe quoi, surtout le pire. C’est ce que va endurer Alejandra lorsque, à la suite d’une série de choix malheureux, elle découvre que ses ébats avec un garçon ont été postés sur la Toile. Sa réputation est ternie et elle devient la cible d’une série de vacheries, d’abus et d’humiliations dont le spectacle cruel exige d’avoir l’estomac bien accroché. Mais, en fi ligrane, se dessine un thème encore plus fort, celui du deuil, comme l’indique le titre suggérant que, après la mort de Lucía, le père et sa fi lle entament une nouvelle vie. Pourtant, alors qu’ils essaient de se ménager l’un l’autre, ils obtiennent l’effet inverse, les silences et les mensonges bien intentionnés ayant des conséquences dévastatrices. Dans la lignée de Daniel y Ana, son premier film, Franco confirme sa maîtrise du hors-champ, de la litote et du non-dit. Il est particulièrement doué dans la gestion des situations où le spectateur sait des choses que certains personnages ignorent (et vice versa). C’est le cas dans la relation du père avec sa fille. Mais lorsque les informations cachées finissent par remonter à la surface, la situation s’inverse, et les intentions du personnage deviennent imprévisibles. Le drame y gagne en intensité, jusqu’à la conclusion brutale et logique.