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Elle s’appelait Eleanora Harris Fagan. Mais c’est sous le nom de Billie Holiday qu’elle a par sa voix écrit quelques-unes des plus grandes pages de l’histoire du jazz. Avec Billie, James Erskine ambitionne de résumer son œuvre impressionnante et sa vie mouvementée en 98 minutes. Et ce n’est pas la moindre de ses gageures ! Car, en lieu et place d’une biographie classique, de sa naissance en 1915 à sa disparition à seulement 44 ans, le réalisateur choisit un récit sortant des sentiers battus. Où il se fait télescoper l’histoire de la chanteuse avec celle de Lipnack Kuehl, une journaliste qui avait enquêté sur elle pour une biographie qu’elle n’a pas eu le temps d’achever avant de mourir dans des circonstances mystérieuses. Billie mêle donc images d’archives (restaurées et colorisées) de la chanteuse et témoignages sonores (Count Basie, Charlie Mingus, les avocats, les agents du FBI et les proxénètes de la diva du jazz…) d’une valeur inestimable recueillis par Kuehl. Ce documentaire rappelle que derrière la chanteuse culte, il y a une vie à la fois cabossée (viol dans sa pré-adolescence, drogues…) et engagée (sa chanson Strange Fruit, censurée par de nombreuses radios, est devenue au fil du temps l’hymne de la lutte pour l’égalité des Noirs américains). Mais il raconte aussi comment, en cherchant à retracer sa vie, Lipnack Kuehl a fini par perdre la sienne. Sur le papier, le geste peut paraître aussi capillotracté que confus. Mais la manière subtile dont Erskine joue avec les archives comme d’un puzzle, dont on sait qu’il restera toujours des pièces cachées, emporte le morceau.