- Fluctuat
Tonie Marshall est une bonne ouvrière. Elle réalise tous ses films honnêtement. Son seul savoir-faire : la direction d'acteur. Là encore elle offre à son actrice principale l'occasion d'exprimer pleinement son talent, ce qui nous permet de retrouver notre monument national, une Catherine Deneuve simplement bouleversante.
Malgré ses quatre Césars, Vénus Beauté (Institut) n'est pas une grande oeuvre. Tonie Marshall n'a pas le génie de la réalisation, ou peut-être n'est-il pas arrivé à maturité. Sans doute reste-t-elle à une distance trop respectable de ses sujets, sans doute pose-t-elle sa caméra de manière trop banale. Il est indéniable qu'elle ne pénètre jamais la matière de ce qu'elle filme. Pourtant il est une chose qu'elle sait faire : diriger ses comédiens.A l'écran ils existent pleinement. Même si on peut aussi discuter de cette position créatrice, on est toujours touché par cette sorte de générosité d'un réalisateur, toujours plus au service d'un acteur qu'au sien. Parfois cela va même jusqu'à le desservir, qu'on se souvienne de La Repentie, qui ressemblait plus à une ode à Isabelle Adjani qu'à un film. Une caméra au petit soin de l'acteur ne lui rend pas service. Il faut plutôt qu'elle le force à se donner et que celui-ci soit dans les dispositions favorables à ce petit viol. La rencontre entre ces deux états conduit à l'enchantement.Tonie Marshall donne à ses comédiens suffisamment d'espace et de latitude pour qu'on les trouve formidables. On se souvient d'Anémone dans Pas très Catholique de Jean Yanne dans Enfants de Salauds, de Nathalie Baye dans Vénus Beauté (Institut). On se souviendra de Catherine Deneuve dans Au plus près du Paradis comme on se souvient d'elle dans Place Vendôme. Face à l'actrice, les sentiments sont souvent mitigés, fanatiques. Précisons alors que je ne suis pas une inconditionnelle de son travail, que certaines fois elle m'exaspère. A ceux qui se demandent pourquoi, cette actrice fait partie de notre patrimoine, on pourra leur dire d'aller voir ce film. Qu'elle retrouve ici sa pleine vigueur et puisse exprimer tout son talent d'actrice, suffit à faire évènement. Petite pierre dans la carrière de La Deneuve, ce long-métrage n'est ni à la mesure de Répulsion, des Demoiselles de Rochefort ou du Dernier Métro, pourtant il tient un vrai discours sur la place de la femme d'aujourd'hui.Justement revenons en trois mots sur la carrière de l'actrice. Jolie blonde au début des années soixante, elle est plutôt employée pour incarner des femmes passives, c'est l'époque Parapluies de Cherbourg. Puis Belle de Jour, Le Sauvage, elle campe, peu à peu, des personnages de plus en plus affirmés, enflammés, vifs, terriens. Aujourd'hui Catherine Deneuve est toujours aussi belle tout en ayant changé. Elle a vieilli mais c'est toujours cette star au charisme incroyable. Elle n'est plus cette beauté éthérée au visage d'ange. Elle le dit d'ailleurs dans le film, déclarant à sa fille qui aimerait avoir une autre place dans sa vie : « je ne suis pas une fée ». La salle rit, complice de ce qu'elle dit là, comprenant au quart de tour les multiples sens d'une telle réplique écrite sur mesure. L'actrice semble avoir accepté le temps qui passe. Elle affirme ses rondeurs généreuses, plutôt que de les cacher, assume ses rides, son corps humain si humain.Bien sûr, ce n'est pas aujourd'hui que l'association des maires de France élirait l'actrice afin qu'elle incarnât, comme dans les années quatre-vingt, notre Marianne. C'est pourtant aujourd'hui qu'elle pourrait tout aussi bien représenter la femme de notre temps, libérée de tous les jougs sans être "chienne de garde", assumant ses désirs, ses frustrations, sa beauté, son âge et ses imperfections, les magnifiant en ayant envers elles une saine insouciance. Il faut croire que tout vient du prénom. De nos jours c'est des Catherine que viennent les discours les plus intéressants sur la position de la femme dans notre société moderne. Breillat, bien sûr, en pleine préparation de Pornocratie, Millet, la critique d'art qui en écrivant sa vie sexuelle signe un surprenant succès de librairie et puis Deneuve, entre légende vivante et femme libérée, un peu des deux, elle incarne ici l'équilibre parfait, composant avec toutes les faces de ces créatrices homonymiques.Alors le film ? Bien peu de choses. Une ode à un vieux film hollywoodien un peu trop surestimé à mon goût. En 1957 Léo McCarey signait un remake de son propre film avec Deborah Kerr et Carry Grant Elle et Lui (an Affair to Remember). L'histoire d'un rendez-vous d'amour en haut de l'Empire State Building, manqué par accident. C'est un film romantique dans lequel on peut se plonger en souhaitant que la vie soit comme sur l'écran. Fannette (Catherine Deneuve), est une femme qui va devoir se confronter au réel en constatant que ni la vie, ni l'amour ne sont comme dans les films. Si on le savait déjà, on constate avec plaisir que Catherine, elle non plus, n'est pas comme au cinéma...
- Tout sur Catherine Deneuve, le site.