Dahmer, sur Netflix : ce qui est vrai, et ce qui a été inventé pour la série
Netflix

Les crimes du serial killer ont été reconstitués avec minutie, mais sa voisine Glenda Cleveland est en fait un mélange de deux personnes ayant réellement existé.

Attention, spoilers + descriptions sordides ! Cet article est destiné aux spectateurs ayant vu la série Dahmer : Monstre - L'histoire de Jeffrey Dahmer, et dépeint précisément certains crimes du tueur en série.

Dahmer : Monstre - L'histoire de Jeffrey Dahmer, la nouvelle série de Ryan Murphy (American Crime Story, Hollywood, Ratched...) et de Ian Brennan (Glee), fait actuellement un carton sur Netflix. Sur dix épisodes, elle retrace le parcours sanglant du serial killer qui a assassiné 17 jeunes hommes entre 1978 et 1991, incarné avec brio par Evan Peters. L'acteur, déjà au coeur d'American Horror Story, est troublant dans la peau de cet être monstrueux, resté célèbre pour avoir démembré et mangé ses victimes. La série relate ses crimes de façon brutale, sa construction plongeant crescendo, au fil des épisodes, dans le fonctionnement de son esprit malade et montrant au passage comment il a pu s'en tirer durant une si longue période, alors qu'il était loin d'être discret. Le show critique le climat anxiogène, raciste et homophobe qui a permis à Dahmer de continuer à tuer de jeunes gays, principalement des hommes noirs, latinos ou asiatiques, malgré les appels fréquents de sa voisine à la police, la plainte déposée par un garçon qui avait réussi à lui échapper et même une condamnation à la prison pour avoir agressé sexuellement un mineur.

S'il s'agit d'une fiction, ses créateurs ont essayé de reconstituer son histoire au plus près de la vérité, même les scènes les plus dingues de la série ont toutes réellement eu lieu : des policiers ont bien ramené une de ses victimes, mineure, au tueur, il a également été arrêté, alcoolisé au volant avec des sacs remplis de membres humains dans sa voiture, et pourtant relâché immédiatement, il a effectivement téléphoné aux parents de certains des hommes qu'il avait assassinés, s'est fait baptiser le jour où un autre tueur, John Wayne Gacy, était tué par injection léthale, et a été lui-même éliminé par un co-détenu ne supportant pas son comportement en prison. Dans le détail, cependant, quelques aspects de la série ont été inventés ou modifiés pour gagner en fluidité, ou pour insister sur certains aspects socio-politiques de l'affaire. Les voici, dans l'ordre chronologique des épisodes.

Notez que le 7 octobre, Netflix mettra en ligne Jeffrey Dahmer : autoportrait d’un tueur, un documentaire en trois parties pour compléter les éléments montrés dans la série de fiction. Son réalisateur, Joe Berlinger (qui a déjà signé des programme similaires sur Gacy et Ted Bundy), a eu accès à des archives vocales inédites, des extraits de conversations entre Dahmer et ses avocats, enregistrées juste après son arrestation.


 

Episode 1 : Pilote (Pilot)
Dans son livre "Monster: The True Story of the Jeffrey Dahmer Murders", la journaliste Anne E. Schwartz, qui a longuement enquêté sur cette affaire sordide, livre de multiples précisions sur la vie du tueur. On y apprend notamment que si Glenda Cleveland, la voisine jouée par Niecy Nash dans la série, a réellement existé, elle vivait en fait dans l'immeuble en face de chez Dahmer. Sa voisine de palier s'appelait Pamela Bass, et elles ont toutes les deux appelé la police à plusieurs reprises, Bass ayant réellement été gênée par les odeurs nauséabondes provenant de l'appartement de son voisin. Cleveland a été choisie pour représenter un mélange des deux femmes dans la série, certainement pour simplifier l'intrigue et qu'elle ne se répète pas trop. C'est aussi elle qui était présente lorsque sa jeune victime Konerak Sinthasomphone est sortie nue et incapable de parler de son appartement, et qui a appelé les secours et les autorités (voir l'épisode 2). Et elle a bien été décorée par la mairie du Milwaukee. On ne sait pas si Dahmer lui a effectivement proposé un sandwich au contenu douteux, mais il a bien été rapporté à l'époque par d'autres voisins qu'il leur avait cuisiné des sandwichs après avoir nettoyé son appartement, pour s'excuser des odeurs.

Pour le reste, l'histoire de Tracy Edwards, l'homme qui a réussi à échapper à Jeffrey Dahmer et qui a entraîné son arrestation est parfaitement retranscrite, à partir de son témoignage, mais aussi des preuves relevées dans l'appartement et des photos prises par la police. Un seul détail a été davantage appuyé : Dahmer n'avait pas plusieurs serrures, comme vu dans la série, mais deux fermoirs seulement. Un changement qui peut être lié au changement de versions d'Edwards au fil des interviews, qui, choqué par cette agression, a expliqué avoir dû ouvrir deux verrous, puis trois ou plus. Tous les détails les plus glauques vus dans la scène finale sont réels : la découverte de restes de corps humains, notamment une tête dans le frigo, de clichés morbides et pornographiques et d'objets de torture ensanglantés... Tout est vrai. Ses goûts en matière de cinéma aussi : lors de ses auditions, il a bien cité L'Exorciste III comme étant son film préféré, et il appréciait aussi Le Retour du Jedi

Episode 2 : Ne me laisse pas (Please Don't Go)
C'est sans aucun doute la scène la plus marquante, et la plus choquante de la série : oui, les officiers appelés par Glenda Cleveland pour tenter d'aider un garçon de 14 ans, nu et au crâne ensanglanté, sortant désorienté et incapable de s'exprimer de l'appartement de Dahmer, l'ont bien raccompagné chez le tueur. Dans les faits, ils étaient trois : John Balcerzak et Joseph Gabrish, qu'on voit dans la série, et Rick Porubcan. La voisine avait également appelé une ambulance, qui a été renvoyée par les officiers quand Dahmer les a convaincus qu'il s'agissait de son petit ami de 19 ans et qu'il avait simplement trop bu. L'un d'entre eux a bien évoqué une odeur étrange dans l'appartement, mais ils ne l'ont pas fouillé. Puis ils ont effectivement fait des blagues homophobes à la radio de la police en quittant l'intervention. L'échange téléphonique entre Glenda et Balcerzak a bien eu lieu, comme cela est stipulé dans la série : il s'agit d'une véritable conversation.

A leur sujet, le principal changement est qu'ils n'ont pas été décorés par leurs supérieurs suite à l'arrestation de Dahmer. Cette scène a certainement été ajoutée pour créer un parallèle dérangeant avec la décoration en tout petit comité de Glenda, qui elle, a bien eu lieu. Après ces événements, ils ont été mis à pieds, puis réintégrés au sein de la police du Milwaukee en 1994 tout en ayant conservé leurs salaires. John Balcerzak a même par la suite fait carrière, devenant chef de brigade et prenant sa retraite en 2017.

Au cours de cet épisode, on voit aussi Dahmer voler un mannequin dans une boutique de vêtements de Milwaukee, ce qui est bien arrivé. La scène avec les têtards a elle aussi eu lieu, sauf qu'il les a tués en versant de l'huile de moteur dans leur bocal directement chez son camarade de classe, vexé que la maîtresse lui ait remis son cadeau.

Autre incident grave évoqué : avant de s'en prendre à Konerak Sinthasomphone, Dahmer a effectivement attaqué son frère, en 1988. Il a parlé d'une coïncidence, expliquant qu'il ne connaissait pas Konerak et n'avait pas fait le lien avec sa précédente victime. Il a bel et bien été condamné à 1 an de prison pour l'agression sexuelle de son frère, peine durant laquelle il pouvait sortir en journée pour travailler. Un aménagement couramment proposé à l'époque. En revanche, les parents de la victime n'ont pas assisté au procès, car ils n'avaient pas été tenus au courant par leur avocat. Le passage de l'épisode 5 où le juge demande à l'un des frères de traduire les propos du père est inventé.

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Episode 3 : Faire un Dahmer (Doin' A Dahmer)
Toute la scène avec sa première victime, Steven Hicks, s'est passée exactement comme ça : elle a été recréée à partir des témoignages de Dahmer en personne. Donc oui, il a bien été arrêté ivre au volant, le corps démembré du jeune homme réparti dans des sacs poubelles, à l'arrière de son véhicule. Et oui, il s'en est tiré, a brûlé les restes du corps avant de briser ses os et de les répartir dans le jardin de ses parents. Son fantasme avec le joggeur vient lui aussi de ses propres révélations. Si on le voit dans la série brandir une batte de base-ball face à lui pour l'effrayer, ce n'est jamais arrivé dans la vraie vie, car il ne l'a plus recroisé. 
La manière dont il s'est incrusté sur une photo de la classe des élèves surdoués de son lycée est elle aussi parfaitement crédible.

Episode 4 : La Boîte d'un bon garçon (The Good Boy Box)
La scène de la poche de sang ne s'est pas passée dans sa salle de bains, mais sur le toit de l'hôpital dans lequel il travaillait. Après avoir goûté l'hémoglobine, il l'a recraché.
Il a effectivement été arrêté pour exhibition lors d'une fête foraine, et a dû payer 50 dollars de réparation au manager. Celui-ci a d'ailleurs par la suite été entendu lors de son procès.
Le meurtre de Steven Tuomi a eu lieu à l'hôtel, mais peu de détails sont connus, étant donné que Dahmer avait lui-même consommé de la drogue par erreur et oublié une grande partie de ce qu'il a fait ce soir-là.

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Episode 5 : Du sang sur les mains (Blood On Their Hands)
Dans son livre, Schwartz explique que Dahmer a finalement décidé de ne pas tuer Ron Flowers parce qu'il était trop baraqué pour lui et qu'il craignait de ne pas pouvoir déplacer son corps. La version montrée dans la série, avec sa grand-mère qui veille le jeune homme endormi, a-t-elle eu lieu ? Dans sa déposition, la victime ne parle pas de la vieille femme, mais explique avoir été droguée chez elle, quand Jeffrey lui a proposé de l'aider à dépanner sa voiture. Il s'est réveillé à l'hôpital en pensant avoir été agressé. La police a bien interrogé Dahmer à ce sujet, mais les excuses de ce dernier ont semblé crédibles et il n'a pas été arrêté.
Donna Chester, officier de probation, avait été engagée à la suite de la condamnation de Dahmer pour le suivre régulièrement. Malgré leurs discussions fréquentes, elle a été dupée et n'a pas signalé de comportement étrange, ni douté de ses propos. Comme le juge vu dans la série, elle a été beaucoup critiquée à l'époque pour son manque de clairvoyance, mais elle n'apparaît pas dans le show.

Episode 6 : Passez sous silence (Silenced)
Après 5 épisodes à relater les crimes violents de Dahmer, cette sixième histoire offre quelques instants plus doux, en racontant le parcours de Tony Hughes, l'une des victimes de Dahmer, devenue sourde dans son enfance suite à une surdose de médicaments. Les éléments relatés ici sont vrais : ils ont notamment été détaillés par sa famille et ses amis. Une seule chose a été changée : Tony Hughes et Jeffrey Dahmer se sont rencontrés plusieurs fois avant que ce dernier ne l'assassine. Si le tueur a assuré dans sa confession qu'ils ne se connaissaient pas avant qu'il ne l'invite chez lui, une amie proche de Hughes a de son côté raconté que Dahmer était venu chez elle à six reprises entre octobre 1989 et décembre 1990 à la recherche de Tony. Ils étaient donc en contact régulier depuis plus d'un an avant le crime.

Détail glaçant de cet épisode, Dahmer a bel et bien téléphoné à plusieurs proches de ses victimes pour leur conseiller d'arrêter de les chercher. Comme on le voit dans la série, en plus de conserver une partie de leurs squelettes, il avait gardé leurs pièces d'identité. 

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Episode 7 : Cassandre (Cassandra)
Glenda a appelé la police encore et encore pour leur faire part de ses suspicions. Très inquiète pour Sinthasomphone, elle a insisté pour qu'ils enquêtent sur lui et vérifient son âge, car elle ne croyait pas qu'il avait 19 ans, mais le soupçonnait d'être plus jeune. Elle a même appelé le FBI, et s'est vue répondre que cela ne relevait pas de leur juridiction. Il s'est encore écoulé sept semaines (et non plusieurs mois, comme on l'entend dans la série) avant que Dahmer soit arrêté. Sa rencontre avec le Révérend Jackson et son combat pour faire ériger un monument en souvenir des victimes est parfaitement retranscrit. Glenda Cleveland n'a jamais déménagé, puisqu'elle habitait dans l'immeuble d'en face et non dans celui qui a été détruit. Elle est décédée en 2011.
Les plaintes du voisinage direct de Dahmer sont bien remontées jusqu'aux oreilles du gérant des appartements d'Oxford, qui lui en a parlé directement à trois reprises. Il l'a même aidé à nettoyer son frigo...

Episode 8 : Lionel (Lionel)
Les témoignages de la famille de Jeffrey, mais aussi de celles de ses victimes, sont repris quasiment mot pour mot dans la série. Rita Isbell (jouée par DaShawn Barnes), la soeur d'Errol Lindsey, était folle de colère contre Dahmer lors du procès. Des vidéos comparant la scène de la série et le véritable procès montrent à quel point les créateurs du show ont respecté son déroulement. Ces séquences douloureuses ont en revanche réveillé la colère de certains proches des victimes, qui regrettent que la série ait été tournée sans en informer les familles, ni leur demander leur avis ou les dédommager. Vue la popularité grandissante de Netflix, ce type de "true crime" réveille une nouvelle fois les douleurs liées aux crimes de Dahmer. Car de nombreux proches sont encore en vie.

Dahmer sur Netflix provoque la colère des familles des victimes

Au sein de la famille du tueur aussi, ses crimes ont fortement impacté l'avenir de ses proches. Son frère, qui n'était pas proche de lui en grandissant -on le voit d'ailleurs à peine dans la série- a changé de nom peu après le procès et vit sous une identité secrète depuis. La mère de Jeffrey Dahmer est décédée en 2000 d'un cancer du sein, après avoir travaillé dans un centre de détection du VIH, mais son père est toujours en vie. Sa dernière interview remonte à 2020. Comme cela est montré dans la série, il a bien écrit au Juge Gardner quand son fils avait écopé d'une peine de 1 an de prison pour tenter de le faire suivre par un psychologue durant son incarcération, comprenant qu'il avait des troubles psychologiques et qu'il ne saurait pas l'aider. Il a également écrit un ouvrage sur son fils, s'interrogeant sur ce qui l'a poussé à commettre ses crimes, et sur sa propre culpabilité (son comportement violent est-il lié à son éducation ?). Il a aussi participé à plusieurs émissions et documentaires sur Jeffrey Dahmer, en espérant ainsi que d'autres parents pourraient repérer chez leurs enfants des signes avant-coureurs de psychopathie.

La série de comics revenant sur les "exploits" du tueur n'a rien d'une invention, elle a été publiée en 1992. 

Episode 9 : Le Croque-mitaine (The Bogeyman)
Deux inventions dans cet épisode : la décoration des deux policiers n'a pas eu lieu (voir l'épisode 2) et Sandra Smith n'a pas été arrêtée pour avoir détruit l'appareil photo d'un "fan" de Dahmer. Elle était bien présente le soir où Konerak Sinthasomphone a été "rendu" à Dahmer, et comme sa mère, cet événement l'a traumatisée. Cet incident illustre la véritable curiosité morbide de certaines personnes, un sujet qui est d'ailleurs de nouveau au coeur de l'actualité ces jours-ci, alors que la série cartonne et que de jeunes spectateurs avouent "craquer" pour Dahmer, et partagent des messages sur les réseaux sociaux dans lesquels ils expriment leur admiration pour lui. Un comportement inquiétant qui rappelle les lettres d'amour qu'il recevait en cellule, et qui sont évoquées justement à la fin de la série.

Le terrain sur lequel se trouvait l'appartement de Jeffrey Dahmer est effectivement resté en friches, n'accueillant pas de nouvelle habitation, ni de parc, ni de monument en souvenir des victimes. 

Episode 10 : Dieu de pardon, Dieu de vengeance (God of Forgiveness, God of Vengeance)
Toute l'histoire du baptême est vraie, même l'éclipse, qui a bien eu lieu le jour de la mort de John Wayne Gacy. Une coïncidence qui est utilisée dans la série comme une métaphore de la mort d'un tueur en série, et de la renaissance d'un autre, qui a trouvé la foi en prison. Des séquences qui font couler beaucoup d'encre, mais qui correspondent à la réalité racontée par Dahmer.

Christopher Scarver a de son côté avoué avoir tué Jeffrey Dahmer parce qu'il ne supportait pas son comportement en prison : plusieurs histoires où il jouait avec sa nourriture à la cantine pour choquer ses co-détenus ont été racontées. Son assassin souffrait lui aussi de problèmes psychologiques, croyant être le fils de Dieu et être doté d'une âme de plusieurs millions d'années. Il a été condamné à une double peine de prison à vie, après celle qu'il purgeait déjà pour avoir tué son patron. L'absence de surveillance lors de ses deux crimes n'a pas entraîné de conséquences pour les employés du centre pénitencier.

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