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Quinze moments qui ont fait Cannes 2015

La brume d’Assassin

Dans le somptueux The Assassin, Hou Hsiao Hsien nous gratifie d'un de ces moments prodigieux dont on pensait que seul <strong>Terrence Malick</strong> était capable d'en capturer. La magie survient lorsque Yinniang (<strong>Shu Qi</strong>) s'entretient avec sa préceptrice, la nonne qui lui a enseigné les arts martiaux. La rencontre a lieu sur un piton rocheux surplombant une vallée profonde. Lorsque la nonne a fini de parler, une brume surgit des profondeurs et emplit l'espace situé derrière la nonne, au point d'effacer tout le décor derrière elle.  L'effet est magnifique, mais parfaitement naturel, comme nous l'a confirmé Hou Hsao Hsien : "Nous-mêmes avions l'impression que quelqu'un organisait ça pour nous tellment c'était magique. Le lieu est assez élevé et la vallée très profonde. Du coup, cette brume arrive du bas et monte rapidement avant de se disperser. Lorsque nous nous somme srendu copte que le phénomène se répètait plusieurs fois, nous avons demandé à <strong>Shu Qi</strong> qui attendait en bas, de prendre sa place. Et quand nous avons filmé, c'est comme si c'était sur commande".<strong>G.D.</strong>

Le jongle de Maradona

Comme son nom l?indique quand on est familier du langage de Sorrentino, Youth parle de la vieillesse. La vieillesse de deux génies, un compositeur et chef d?orchestre (<strong>Michael Caine</strong>) et un cinéaste (<strong>Harvey Keitel</strong>). Dans l?hôtel-thalasso de luxe où ils profitent des bienfaits de la Suisse, on croise également un acteur en pleine crise de sens (<strong>Paul Dano</strong>), une femme blessée (<strong>Rachel Weisz</strong>) et? Maradona. Pas Diego himself mais son double fictif : démarche éléphantesque, cheveux en bataille, tatouage de <strong>Karl Marx</strong> dans le dos (Vs Le Che sur le bras pour le vrai footballeur), le cinéaste italien embarque une de ses idoles dans sa réflexion sur le temps qui passe et lui offre une séquence de grâce, à la symbolique très forte. Alors qu?on le voyait se traîner péniblement sur les pelouses de l?hôtel avec sa bombonne d?oxygène, on le retrouve tout à coup sur un terrain de tennis pour une séance de jongle où il prend visiblement son pied, filmé dans une alternance de plongée / contre plongée qui suit les mouvements de la balle. Une scène isolée mais pas si anecdotique, puisqu?elle montre que faute de la jeunesse le génie, lui, est éternel.<strong>VAC</strong>

Vincent Lindon

De loin, sa Loi du Marché ressemblait au pire du ?film social à la française?. Brizé montre le quotidien de Thierry, chômeur de longue durée. Rendez-vous à Pôle emploi, entretiens d?embauche par Skype, vie de famille avec épouse et fils handicapé, nouveau job de vigile? De près, Brizé réussit un exploit puisque tout est traité de façon sobrement comportementaliste. Pas de lourdeur idéologique, pas d?insistance dégueulasse ou mélo, mais au contraire : de la finesse, de la dignité, un regard. Et Lindon. Impérial. Puissant. Emouvant. D?autant plus qu?il est privé de ses prérogatives habituelles (le naturel, l?explosion, l?influx nerveux) puisqu?il joue face à des non-professionnels et doit s?adapter.La scène la plus impressionnante dans ce registre est celle où une employée du magasin fête son départ avec tous ses collègues. Lindon observe, regarde, témoin souriant d?un moment de vie communautaire. Par un effet de montage hyper subtil, Brizé oppose les acteurs qui n?en sont pas, les employés, le patron (le côté documentaire), à Lindon, saisi en gros plan, seul, aspirant à intégrer ce groupe (il vient à peine d?être embauché). Chimie cinématographique passionnante, Brizé inscrit son corps de fiction dans un environnement documentaire et son personnage isolé à la lisière du groupe. Le symbole d?un film passionnant et d?un acteur fascinant qui prend ici un des risques les plus fous de sa carrière.<strong>GG</strong>

Les prégénériques de Mad Max et de Sicario

Frémaux en sait quelque chose : une ouverture, c?est essentiel, stratégique, programmatique. La rater c?est risquer de voir le spectateur s?enfuir ou plus souvent s?endormir. On ne parle pas de celle des festivals en l'occurrence mais des films eux-mêmes. Dans le genre deux prégénériques ont mis le feu à l?amphithéâtre Lumière. Dans Sicario, il aura suffi d?une rythmique aux fréquences basses et sourdes pour réveiller immédiatement un Cannes tiède. Dès les logos des studios (Lionsgate), résonne un rythme percussif et lancinant comme venant d?outre-tombe; un leitmotiv musical vaudou, étrange et hybride, qui tape dans le bide et prend à la gorge. On ne sait pas où on est, d'où ca vient, mais on sait que la descente aux enfers va faire mal, que le Carnaval va être sanglant. Qu?un voile de poussière et de sonorité sourde va recouvrir le thriller mexicain.Dans Mad Max, c?est le WB de la Warner qui descend, customisé façon bolide. En bande-son les moteurs qui hurlent, les cris qui fusent? Une certaine idée (sonore) de la sauvagerie. Une façon aussi pour <strong>George Miller</strong> de reprendre les choses là où il les avait laissé. De remettre les pendules à l?heure et de se hisser au niveau du fantasme. Dans les deux cas, le film s?installe avec violence. Et il ne recrachera le spectateur que deux heures plus tard. Lessivé, secoué.<strong>Pierre Lunn</strong>

La mort de Marguerite et Julien

Marguerite et Julien sont condamnés à mort pour inceste. Enchainés dos à dos, ils arrivent sur le lieu de leur exécution comme deux sorciers sur un bûcher. Julien est le premier. Il regardera Marguerite jusqu?au bout, jusqu?à la tête dans le sac. Au moment du couperet, Marguerite a été foudroyée. De battre son c?ur s?est arrêté. Ses bourreaux l?allongent, déjà morte à la place même où son frère a été décapité, le sang encore chaud coulant sur le billot. Ils sont nés du même sang, ils vont mourir dans le même. Leur autre sang mêlé, leur enfant, leur survivra. Scène sublime, terrifiante, frère et s?ur de sang(s).<strong>Stéphanie Lamome</strong>

La clémence pour Vincent Cassel

Mon Roi est le portrait d?un homme. Un homme au charme ravageur (au sens propre). Un homme sincèrement amoureux mais profondément égoïste. Un homme aussi haïssable qu?aimé de sa femme. On réalise en cours de route que le film de <strong>Maïwenn</strong> est une forme de procès et on attend que tombe la sentence. Mais non, la force de cette déclaration d?amour-haine foutraque mais viscérale réside dans l?absence de condamnation finale, dans la tranquille acceptation de l?impossibilité d?être ensemble comme de vivre loin de l?autre quand on s?aime. Ce brin de sagesse est condensé dans le plus beau plan de <em>Mon Roi</em>, lorsque Cassel et Bercot se retrouvent dans la classe de leur fils pour un bilan scolaire et qu?elle le regarde avec un amour et un désir intacts après dix ans de passion et de fureur. La caméra de Maïwenn caresse le visage, la nuque, les mains de Cassel et tient la promesse de tout le film : montrer un homme à travers le regard d?une femme.<strong>Vanina Arrighi de Casanova</strong>

La main dansante de Jaco Van Dormael

Une des « apôtres » du <em>Tout Nouveau Testamen</em>t du réalisateur belge est une très belle jeune femme que tous les hommes désirent mais dont la perte du bras, arraché par une rame de métro dans son enfance, a gâché la vie. Pour l?aider à sortir de son incurable mélancolie, Ea, la fille de Dieu (Benoît Poelvoorde en vieil alcoolo à la méchanceté pervers) partie pour poursuivre le travail de sauvetage de l?humanité entamé par son grand frère JC, lui "offre un rêve". Assise à la table de sa cuisine, la belle Aurélie observe une main, sa main perdue, exécuter un fabuleux ballet au son de Haendel. Elle sourit et laisse lentement couler ses larmes avec lesquelles partent 20 ans de mal-être.Poétique et trivial à la fois, cruel et bienveillant, le regard que porte <strong>Jaco Van Dormael</strong> sur l?humanité y est magnifiquement mis en scène.<strong>VAC</strong>

Le geste de Benicio Del Toro

On est chaque fois surpris par son charisme d?un autre monde. Mais dans Sicario, Del Toro atteint dans le registre des cimes stratosphériques et n?a littéralement besoin que d?un geste pour nous terrasser. On en retient un, à la fin du chef d??uvre de Denis Villeneuve, car il allie dans un même mouvement la grâce et la terreur que dégage et provoque son personnage pendant tout le film : alors qu?il a un flingue braqué sur sa gorge, il essuie délicatement les larmes de la femme qu?il tient à sa merci. Fascinant.<strong>VAC</strong>

Juarez dans Sicario

Sicario. Encore. Toujours. S?il ne devait en rester qu?un, ce serait celui-là. Déflagration de pur cinéma, traque haletante et film dostoievskien.L?histoire est celle de Kate (<strong>Emily Blunt</strong>, parfaite), une agent du FBI qui accepte d?entrer dans un groupe d?élite chargé de lutter contre les barons de la drogue. Au début du film, elle pense accompagner sa team à El Paso et se retrouve en partance pour Juarez, de l?autre côté de la frontière. Villeneuve suit leur convoi de 4X4 noir aux verres fumés escorté par les jeeps de la police. Les images vues du ciel (de satellite ?) de cette caravane noire, inquiétante, qui se glisse avec agilité dans les dédales des rues mexicaines est tétanisante. A travers les vitres, Kate aperçoit les cadavres qui pendent sous les ponts ou accrochés aux fenetres. Il leur manque un membre. La tête.Les voitures continuentS?enfoncent dans la ville. Comme Villeneuve qui engloutit le spectateur dans son intrigue-mentale à la façon d?un boa constrictor, les 5 ou 6 voitures noires de l?équipe serpentent dans la cité de la mort. Jusqu?à l?embouteillage sur l?autoroute. Jusqu?à la fusillade chorégraphiée comme dans les meilleures séquences de <strong>Michael Mann</strong> (pensez Heat porté à un degré d?incandescence affolant). Un assaut qui symbolise bien la puissance du film. <em>Sicario</em> dérive entre virée mentale, visions abstraites et thriller hyper efficace. Tu n?as rien vu à Juarez.<strong>Pierre Lunn</strong>

Quinze moments qui ont fait Cannes 2015

Le Festival de Cannes est toujours fait d'instant précieux, marquants, sur l'écran comme en dehors des salles. Des moments qui resteront en tête du festivalier des mois plus tard. Ce cru 2015 n'échappe pas à la règle : Maradona, <strong>Benicio Del Toro</strong>, <strong>Vincent Cassel</strong>, <strong>Vincent Lindon</strong>... Découvrez ceux qui ont touché la rédaction de <em>Première</em> cette année, parfois grâce à un simple geste.>>> <strong>Cannes 2015 : ce qu?on a vu, ce qu?il fallait voir</strong>

La déambulation de Cassel dans Le Conte des Contes

C?est l?une des scènes les plus frappante du festival. Cassel déambule dans une pièce où s?entassent des corps de femmes nues. L'image, belle comme une peinture baroque, provocante et bizarre comme un Caravage, violente et sensuelle comme du Goya, est à l?aune du film de Garrone : saisissant.Depuis L'Etrange Monsieur Peppino et, mieux, depuis l'ouverture féerique de Reality, on sait que <strong>Matteo Garrone</strong> est à l'aise dans le conte de fée. Le Conte des Contes radicalise cette démarche puisque l'Italien adapte ici le Pentaméron de Giambatista Basila, un conteur napolitain du XVIIème siècle. Il transforme son film en dédale narratif peuplé de monstres, de bêtes mythologiques, de géants et de rois, de jumeaux albinos et de parques tristes. Mais surtout de visions primitives, organiques et poétiques. On pense à Del Toro pour son baroque, à Cronenberg dans sa façon d'aborder le corps. Le cinéaste s'est d'ailleurs associé à <strong>Peter Suschitzky</strong> dont le sens de la couleur, sa manière de capter la richesse des textures tire le film vers des sommets de production design et de délire capiteux. En interview, Garrone nous précisait d?ailleurs qu?il ne fallait pas chercher de sens à ces tableaux. Qu?il voulait que le spectateur se laisse absorber par les images.Ce qui frappe rétrospectivement c?est qu?en plaçant le film au début du festival <em>Le Conte des contes</em> on serait tenté d'y voir un symbole. Cannes 2015 comme un univers clos sur lui-même. Comme un conte qui se suffit, un monde parallèle, beau, intense et sensuel, où tous les désirs s?exaucent au risque de s?y bruler (Cassel et ses deux vieilles Menines ou les fantasmes du roi), un espace où la mélancolie (<em>Youth</em>), l?amour (<em>The Lobster </em>et<em> </em><em>Mia Madre</em>) et le sang (<em>Sicario</em> ou <em>Macbeth</em>) auront pris une place démesurée. La question à laquelle Garrone ne répond pas (et ne veut surtout pas répondre) c?est : une fois que le tapis rouge est enroulé, une fois que le spectacle est fini et que le funambule a traversé, que reste-t-il du festival ? De ces images ? De ces sensations ? Ne pas oublier que Garrone est aussi un cinéaste de la métamorphose

Le langage des signes de The Lobster

Bing Bong dans Vice Versa

The Raid : Dheepan

L’ouverture du Fils de Saul

Brit pop attitude

Un groupe de jeunes Chinois exécute une chorégraphie enjouée sur le son de <em>Go west</em>, le tube nineties des Pet Shop Boys. Cette séquence qui introduit le nouveau<strong> Jia Zhangke</strong> est un peu trompeuse (va s'ensuivre un drame majuscule) mais surtout très ironique: elle souligne combien l'ouverture de la Chine s'est soldée par une perte d'identité et des valeurs de l'Empire du milieu. Pour le réalisateur, néanmoins, le choix de ce tube est purement intuitif. "<em>Quand j'avais une vingtaine d'années, les jeunes commençaient à aller en discothèque. A l'écoute de "Go West" en particulier, nous formions instantanément une queue-leu-leu ! C'est un souvenir très fort qui appartient à ma génération. A l'époque, on ne se posait pas vraiment la question de 'l'occidentalité' de la chose.</em>" <strong>CN</strong>

Le Festival de Cannes est toujours fait d'instant précieux, marquants, sur l'écran comme en dehors des salles. Des moments qui resteront en tête du festivalier des mois plus tard. Ce cru 2015 n'échappe pas à la règle : Maradona, Benicio Del Toro, Vincent Cassel, Vincent Lindon... Découvrez ceux qui ont touché la rédaction de Première cette année, parfois grâce à un simple geste.>>> Cannes 2015 : ce qu’on a vu, ce qu’il fallait voir