Le plus gros succès de Ridley Scott revient ce week-end à la télévision.
TF1 rediffusera Seul sur Mars dimanche soir. Qu'en avait pensé Première à sa sortie ? Voici notre verdict.
Matt Damon : "Seul sur Mars, ce n'est pas Seul au monde"
Laissé pour mort sur Mars, Mark cherche à faire du feu. Mais tout son équipement est ignifugé pour éviter les risques. La seule chose qu'il peut faire brûler : le crucifix qu'un de ses camarades a laissé à la base. Mark taille des copeaux dans l'objet et le fait brûler. Ca n'a l'air de rien mais c'est le genre de détails qui contient toute l'idée de Seul sur Mars, et son mouvement, et son mécanisme. Sans l'aide de Dieu, l'astronaute-botaniste Mark voit la mort comme inévitable et définitive, et le monde comme une succession de problèmes à résoudre pour pouvoir avancer. On a bien compris que le film est au fond entièrement cohérent avec le reste de la filmo farouchement positiviste - limite athée - de Ridley Scott (Prometheus, Exodus et leur refus explicite du divin). Au-delà du pitch de Matt Damon bloqué sur une planète lointaine, le dernier Ridley partage surtout avec Interstellar un horizon hard science. Mais le film de Christopher Nolan nous forçait à courber le front face à la puissance divine de l'Amour (=Dieu) qui transcende le temps et l'espace dans un twist final incompréhensible. A la morale et à la bondieuserie, Seul sur Mars oppose le monde tel qu'il est. Démontrable, explicable. Pas d'"êtres du bulk ont fermé le tesseract" mais le rappel de la formule chimique de l'eau.
Quoi ? Seul sur Mars n'est pas une histoire vraie ?
Véritable anti-Interstellar donc, le très carré Seul sur Mars a des ambitions plus terre-à-terre : une ode à la science, un film de propagande pro-NASA situé dans un futur très proche, où tout le cast cogite pour essayer de sauver un pauvre bonhomme coincé à 225 millions de kilomètres. Plus Apollo 13 que Gravity, Seul sur Mars est un vrai divertissement avant toute chose, un blockbuster tous publics du dimanche soir au pitch hyper simple façon années 90, où chaque second rôle est joué par une tête plus ou moins connue (Jessica Chastain bien sûr, Sean Bean, Jeff Daniels, Mackenzie Davis, Kristen Wiig, Chiwetel Ejiofor). Un bon vieux NASA-flick où il y a des comptes-à-rebours, des montages alternés au son de "Starman" de Bowie, des discussions angoissées sur la conso de carburant pour un trajet Terre/Mars, les vitesses d'approche ou la chimie organique, des répliques ciselées par le petit malin Drew Goddard ("Fuck you, Mars") qui a dégraissé le film de toute guimauve malvenue. Des sentiments simples, quoi, peut-être au détriment de la profondeur psychologique du cast - pourtant indispensable à l'intrigue car chacun aidera à son niveau Mark à rentrer (peut-être) vivant.
Seul sur Mars : Matt Damon fait vendre des patates
Et une dramaturgie alimentée par un héroïsme très présent (le sacrifice de beaucoup pour un seul) mais finalement peu hollywoodien. Il y a des Chinois, des Indiens, des immigrés, un Allemand, mais pas d'antagonisme autre que celui de la survie sur la planète, pas de trahison, pas de personnage fourbe. Même la solitude n'est pas tellement une menace : Mark (Damon est parfait, très crédible en american hero de la patate martienne), dépouillé d'attaches terrestres (pas de meuf, de copain ou de chien) papote avec sa GoPro (donc avec le spectateur) pour tenir son journal de bord, et sa santé mentale n'est pas menacée (pas comme dans Seul au monde ou 127 heures) parce qu'il n'a pas le temps de s'apitoyer. Comme le très beau et très simple générique de fin nous l'indique, il faut avancer, s'unir pour conquérir l'espace indifférent et écrasant -tel est le message frontal du film, forcément à rebours des nolaneries cyniques de notre temps. Cinoche bien fait, carré et boulonné par Sir Ridley. L'efficacité 90's de Seul sur Mars en fait aussi sa beauté.
Sylvestre Picard (@sylvestrepicard)
Bande-annonce de Seul sur Mars :
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