Oscars 2023 : pourquoi Barry Keoghan a déjà gagné
Abaca/Walt Disney Company

S'il a peu de chance de remporter la statuette du meilleur second rôle face à Ke Huy Quan, sa nomination est déjà une victoire en soi.

A tout juste 30 ans, Barry Keoghan est nommé à l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour le film de Martin McDonagh, Les Banshees d'Inisherin. Un film au casting particulièrement juste, ses partenaires Colin Farrell, Kerry Condon et Brendan Gleeson étant eux aussi en lice pour des statuettes (ce dernier concourt d'ailleurs dans la même catégorie que lui). Si Gleeson a un rôle plus conséquent que Keoghan à l'écran, celui-ci interprète en revanche le personnage le plus touchant de l'intrigue, un jeune Irlandais paumé, élevé par un père violent, qui cherche un peu d'amour et d'attention sur une île au quotidien monotone. Cette première nomination aux Oscars lui offre déjà une belle reconnaissance de l'industrie, alors qu'il n'a débuté sa carrière d'acteur qu'en 2011, après une enfance difficile. A peine remarqué par le public, il a multiplié les choix audacieux, entre films d'auteur ambitieux (71, Mise à mort du cerf sacré...) et blockbusters qui l'étaient tout autant (Les Eternels chez Marvel, The Batman chez la concurrence, mais aussi Dunkerque de Christopher Nolan). Ses apparitions à la télévision relèvent aussi de choix réfléchis, comme dans la série choc Chernobyl.

Voici le message qu'il a partagé en découvrant qu'il était en lice pour les Oscars 2023 :

Les Banshees d'Inisherin: Colin Farrell à son sommet [critique]

D'après les bookmakers, Barry Keoghan a cependant peu de chances de remporter la statuette le 12 mars prochain. Il est en effet en concurrence directe avec Ke Huy Quan, un comédien très populaire dans sa jeunesse (il est célèbre pour avoir joué Data dans Les Goonies et Demi-Lune dans Indiana Jones et le Temple Maudit, deux films cultes des années 1980). Depuis qu'il a fait son come-back dans Everything, Everywhere All at Once, des Daniels, celui-ci n'a cessé de recevoir des prix lors de la saison des cérémonies : un Gotham Award, par exemple, ou encore un Saturn Award et finalement un Golden Globe qui fut l'occasion de remercier tous ses partenaires et ceux qui avaient cru en lui, tout en rappelant que la route avait parfois été longue pour retrouver la voie du succès. Hollywood adore les come-backs, et après la nomination de Mickey Rourke à l'Oscar du meilleur acteur pour The Wrestler, en 2008, il paraît inévitable que 2023 soit l'année de la victoire de Ke Huy Quan.

Les deux artistes se sont d'ailleurs croisés plusieurs fois à Hollywood lors de cette saison des prix, et ont même partagé un selfie :

Des Goonies aux Golden Globes, retour sur la résurrection miraculeuse de Ke Huy Quan

Mais au fond, même sans obtenir la statuette, Barry Keoghan peut faire figure de gagnant à sa manière, lui qui n'était initialement pas voué à connaître un tel succès en tant qu'acteur. Né à Summerhill, un quartier pauvre de Dublin, en 1992, il a perdu sa maman, qui était accro à l'héroïne, à seulement 12 ans. Il a ensuite été trimballé de famille en famille durant sept ans, avec son frère Eric, avant qu'ils ne soient finalement récupérés par leur grand-mère, une tante et leur soeur aînée (qui était mineure au moment de leur placement et n'avait pu officiellement les adopter). Un début de vie difficile qu'il a raconté, sans pathos, sur le plateau du Late Show de RTE One, il y a quatre ans : "J'ai de bons souvenirs de ma maman, je suis très fier d'elle", répondait Keoghan, avant de saluer sa mamie et sa tatie dans le public : "J'ai de bons souvenirs aussi dans les familles d'accueil, vous savez ? Mais quand vous êtes enfant, vous ne comprenez pas trop ce qui se passe. Vous êtes touché (par leur gentillesse), et boom, on vous dit que vous allez vivre dans une autre famille. Résultat, je n'ai pas de ville où j'ai grandi. Mais c'est bien qu'ils nous aient toujours laissé ensemble avec mon frère. C'est juste que gamin, on ne comprenait pas tout ce qui se passait, et c'est seulement en grandissant qu'on a eu une nouvelle perspective sur notre enfance."

 

Se montrant intéressé par le théâtre dès son jeune âge, Barry Keoghan est trop dissipé pour terminer ses études, mais parvient à se créer une solide culture cinématographique en fréquentant assidument le Cineworld de son quartier, quitte à y entrer en fraudant. C'est en 2011 qu'il obtient son premier rôle dans un film, une courte apparition dans Between de Canals, de Mark O'Connor, après avoir répondu à une annonce qu'il avait repérée sur une devanture de magasin. Bien lui en a pris, puisqu'au même moment, il a pu rejoindre la distribution du soap opera Fair City, lui permettant de s'inscrire dans un cursus de comédie à la Factory, une école d'acteurs. Repéré par des producteurs irlandais dès son rôle de Wayne dans Love/Hate, une série sur des jeunes délinquants créée par Stuart Carolan (et portée également par Robert Sheehan de Misfits), il est engagé rapidement pour des productions acclamées par la critique telles que le musclé 71, de Yann Demange.

2017 est une année charnière de sa carrière, puisqu'il signe coup sur coup pour le film de guerre de Christopher Nolan, Dunkerque, et pour Mise à mort du cerf sacré, de Lorgos Lanthimos. Le réalisateur y refait alors équipe avec Colin Farrell, comédien irlandais de renom, après le succès critique de The Lobster, mais le public retient surtout la performance de Keoghan, malaisant à souhait en adolescent tourmenté. Un rôle fort, qui sort de l'ordinaire et qui lui offre un premier prix prestigieux aux Irish Films and Television Awards, les César de son pays d'origine. Peu après, il sera nommé pour la première fois aux Bafta, son équivalent britannique, à la fois parmi les "rising stars", soit les meilleurs espoirs, et plus précisément pour son rôle dans Calm with Horses. Dès le début des années 2020, il devient un visage familier du grand public, en signant notamment pour Les Eternels de Marvel, une production super-héroïque de Chloé Zhao (oscarisée juste avant pour Nomadland) qui tranche avec les précédentes adaptations de comics du studio. Un rêve qui se réalise pour celui qui interpellait Stan Lee en 2013 sur Twitter pour lui dire qu'il rêvait de devenir un super-héros du studio ! 

2022 est une nouvelle année importante pour lui, car en plus de participer aux Banshees d'Inisherin, qui est en train d'attirer plus que jamais l'attention sur lui, il est devenu père pour la première fois durant l'été, avec sa compagne Alyson Kierans, et il a aussi accepté de devenir l'ambassadeur d'une association caritative irlandaise, à Berreston, dédiée aux enfants placés dans des familles d'accueil. Il apparaît aussi dans The Green Knight, film médiéval attendu de David Lowery, ainsi que par surprise dans The Batman, en caméo dans la peau du Joker, qu'il incarne en souffrance, son visage recouvert de cicatrices et enfermé dans l'asile d'Arkham. Pour l'instant, il s'agit d'un tout petit rôle, mais on imagine mal Matt Reeves teaser une telle apparition pour ne plus le remettre en scène face à Robert Pattinson en Chevalier Noir...
Après cette belle expérience sous la direction de Martin McDonagh, on le retrouvera prochainement dans la mini-série historique Masters of the Air, aux côtés d'une autre révélation de l'année dernière, Austin Butler (Elvis) et dans le drame Saltburn, d'Emerald Fennell (Promising Young Woman). En attendant The Batman 2, qui reste l'une des priorité de la Warner Bros malgré les chamboulements actuels du DCEU ?

Terminons sur une photo récente partagée par l'acteur, qui semble profiter pleinement de l'accueil phénoménal reçu par Les Banshees... par les critiques et par le public. Sur ce cliché, on reconnaît le lac où il a tourné des scènes clés du film de McDonagh :

The Batman : l'histoire du Joker de Barry Keoghan révélée