Voici l'incredible top Pixar de Première.
Comment classer des chefs-d’œuvre ? Comment décider qu’un mélo ultime est meilleur qu’une comédie géniale ? En clair, comment lister les 15 Pixars du pire au meilleur ? D’abord, en les revoyant tous (en trois jours, c’est possible). Ensuite, en mélangeant un sérieux esprit critique, un sens aigu du contexte de production et un pur feeling – avec la parfaite conscience, donc, que ça va en énerver certains (oui, Toy Story 3 est TRÈS bas, MAIS on explique pourquoi). Et puis en décidant que le top 5 doit résumer "l’esprit" maison. Que les 5 meilleurs films doivent, chacun, incarner un aspect des principes fondateurs du studio à la lampe. Il y a donc un authentique et indéniable chef-d’œuvre, une merveille conceptuelle (le versant Vice Versa), une comédie punk, un film-monde et un pur trip « d’émotions ». C’était une mission impossible ; voici donc les 21 Pixar (sans En Avant, c'est trop frais) classés dans l’ordre croissant. Évidemment, tous ces films sont à retrouver sur la plateforme de streaming Disney+, tout juste arrivée en France.
21 - Monstres Academy
Pas le moins bon Pixar, non. Le pire. Avec la pire histoire (une origin story pourrie), les pires gags et la pire mise en scène. Produit comme un Dreamworks médiocre. La vraie daube du studio. Si l’erreur est humaine elle est aussi Pixar.
20 - Le Voyage d'Arlo
Sorti la même année que Vice Versa, le contraste entre ce Voyage d’Arlo et le film mental de Pete Docter est saisissant. Le Voyage d’Arlo n’a de "pixarien" que le logo du pré-générique. L’histoire de ce petit dinosaure qui trace son Odyssée pour retrouver sa famille baigne dans une ambiance Western amusante, mais est à des années lumières des standards de la compagnie. Contrairement à Monsters U qui ressemblait vraiment à ce qu’il était (une suite pensée comme un sous-produit), Arlo est un authentique fiasco. L’incroyable photo-réalisme des décors (qui posait la question de la superposition de cette esthétique hyperréaliste avec le look très cartoon des dinos) et la puissance émotionnelle de la fin ne parviennent jamais à racheter la naïveté abyssale des personnages secondaires, l’absence d’enjeu et l’inexistence criante du héros débile. On connaît l’histoire compliquée de la production, mais pas d’excuse : Arlo est le premier vrai désastre (économique et) artistique de Lasseter qui floutait à l’époque la ligne de séparation entre Disney et Pixar.
19 - Toy Story 3
Pour la plupart des gens Toy Story 3 est le dernier grand Pixar. L’acmée avant la chute. Ici, on pense plutôt que c’est le premier vrai fail du studio, un film facile et cheap. Trop de personnages, trop de scènes, trop de Grand-corps Malade, trop de Ken, trop de Barbie, trop de Ken&Barbie. Et tout ça trop vite. Revoyez-le : TS3 donne l’impression que Lasseter recycle les formules pixariennes sans inspiration. Une scène de train (Les Indestructibles), une évasion (Nemo), un personnage qui reboot (Wall-E), une évasion (Nemo) et le résumé d’une vie en 2 mn (Là-haut). “Pourquoi?” est la question qui revient souvent. Pourquoi deux évasions ? Pourquoi adopter le point de vue d’Andy dans les 5 dernières minutes ? Pourquoi les jouets n’ont pas pris la poussière ? Pourquoi l’escapade de Woody chez Bonny ? Le pire n’est pas que le film ne réponde JAMAIS à ces questions, mais qu’il ne raconte finalement pas grand chose. Entre le moment où ils rentrent dans les cartons (la fac ou le grenier ?) et l’instant où ils en sortent 90 mn plus tard, les jouets auront vécu une aventure qui ne les aura jamais transformés. N’aura servi à rien. Le problème c’est la redondance mythologique, l’incapacité de Lasseter à justifier son film avant les 10 dernières minutes (faramineuses, ok) qui auraient dû fonctionner comme un court-métrage. Toy Story 3 ? Un 3, un numéro 3. Certainement pas la fin d’une trilogie.
18 - Cars 3
Chez Pixar les deux sont (parfois) mieux. Les trois ne fonctionnent pas. Alors qu’on tente désespérément d’imposer l’électrique ou de rouler propre, Pixar recycle ses vieilles guimbardes rouillées. Ce n'est pas forcément dans les vieux pots (même pas catalytiques) qu'on fait les meilleurs confitures, la preuve avec cet opus paresseux et indigent qui examine la crise existentielle de Flash McQueen (miroir de celle du studio ? de celle du patron ?). Le film enfile les clichés (fatigue du champion, émergence d’un nouveau héros, renaissance), tente d’évoquer les problèmes internes de la compagnie (l’absence des filles chez Pixar, le besoin de se regénérer), mais ne parvient jamais à créer la moindre émotion. Aussi lisse qu’une carrosserie de Nascar, le film n'a qu'un mérite : il file vite. Aussi vite qu’il s’oublie.
17 - Toy Story 4
Fallait-il vraiment continuer ? C’est la grande question qui entoure Toy Story 4, dernier volet (jusqu’ici) de la franchise fondatrice de Pixar. La belle idée du film est de resserrer l’intrigue sur la quête existentielle de Woody, désormais privé de son rôle de leader (peut-il s’inventer un nouvelle vie et penser à lui avant les autres ?). Une aventure intérieure rythmée, qui semble cependant avoir une peur panique de sa propre dramaturgie, systématiquement désamorcée par des passages comiques aléatoirement drôles (le duo de peluches fantasques doublées par Key & Peele). Plus embêtant, le réalisateur Josh Cooley semble n’avoir aucune ambition de raconter quoi que ce soit à travers les scènes d’action, qui se transforment dans la deuxième partie du film en péripéties répétitives, destinées à rallonger la sauce et à donner à quelques personnages secondaires une raison d’exister. Reste un divertissement haut de gamme, visuellement ébouriffant et très touchant dans ses dernières minutes. Le contrat est rempli mais on aurait cependant aimé voir Toy Story 4 creuser des sujets plus profonds, comme celui à peine effleuré de la décrépitude des jouets (que deviendrait Forky si on le démontait ?) et de leur espérance de vie.
16 - Rebelle
Les gros problèmes de prod (la réalisatrice Brenda Chapman a été virée en cours de route) ont durement abîmé Rebelle, à ce jour le seul vrai “film-malade” du studio. La belle relation mère-fille et le récit d’un empowerment féminin ne sauvent pas ce long schizo qui ne parvient jamais à faire le point sur son sujet. Sur le plan de la comédie, Rebelle n’est jamais satisfaisant (trop long, mal rythmé malgré les 3 frères hilarants). En tant qu’épopée mythologico-homérique (les 4 Royaumes, l’Ours-roi, la mère et sa tapisserie) le film est faible, plombé par une écriture qui manque de souffle et surtout de cohérence narrative. Reste la production design hallucinante. Chez Pixar, le décor est aussi un sujet de film (Cars et Ratatouille). Ici ça tourne à vide.
15 - 1001 pattes
Sorti en même temps que le Fourmiz de Dreamworks (sans doute meilleur), 1001 pattes est le grand oublié de la filmo Pixar. Le design a vieilli, l’histoire aussi. Reste la déclaration d’intention. Sorti juste avant, Toy Story infusait l’esprit Disney dans un grand 8 anar. 1001 pattes rappelle que l’identité Pixar prend également ses racines chez les génies du cartoon - Chuck Jones et Tex Avery - et chez Jim Muppet Henson. Avec son concept génial - filmer l’infiniment petit de manière épique (avec en prime un score flamboyant de Randy Newman) - et sa morale anticonformiste (les incertitudes genrées) le film fonctionne surtout à un niveau programmatique (annoncé dès le titre VO, A Bug's Life, bug, comme le grain de sable dans la machine). En tout cas beaucoup plus que par ce qu’on voit vraiment à l’écran. La preuve que les vrais chefs-d’œuvre maison sont ceux qui transcendent leur note d’intention.
14 - Cars 2
Cars 2 est loin d’être la croute cynique et mercantile unanimement détestée. Une fois admis que c’est l’inverse du 1 (trépidant, voyageur, centrifuge), sa coolitude de spy-flick et son génie esthétique emportent définitivement le morceau. Après la main street de Radiator Spring, Lasseter nous offre le monde, ses voitures, ses panneaux de signalisation, son architecture avec une passion de fétichiste qui frise la névrose (Tokyoooo !). C’est un peu long, parfois touffu, mais le film possède deux armes fatales. 1/ Avoir évacué Flash pour faire de Martin - la dépanneuse demeurée - le vrai héros du film. Lorsque le thriller prend le pas sur la course, lorsque McQueen comprend qu’il n’est plus le boss, il se passe quelque chose de fou : on devient comme Flash. On a tout à coup très envie de savoir ce qu’il va se passer. Et 2/ si Paul Newman n’est plus de la partie, le super-espion britannique est doublé en VO par Michael Caine. Très grosse classe. Allez : un dernier argument pour la route (ah ah). Cars 2 possède de loin l’ouverture la plus bandante de tous les Pixar (Finn McMissile sur la plateforme pétrolière). Vous n’avez pas envie de le revoir là ?
13 - Le monde de Dory
Drôle de film qui industrialise l’idée prototypale à l’œuvre dans Cars 2. Chez Pixar, plutôt que de capitaliser sur un univers prééxistant, pour les suites, on préfère tout reprendre à l’envers. La team ne fait donc pas des sequels, mais des films qui renversent les concepts du précédent. La courbe émotionnelle et les idées du Monde de Dory sont donc exactement inverses à ceux du Monde de Nemo. Là où Nemo était un ride aventureux qui faisait passer le personnage et le spectateur dans l’immensément grand et l’épique, ici, on part de l'Océan pour finir par jouer dans des bassins riquiquis ; l’aventure se situe dans un aquarium et le temps ralentit. Grâce à son personnage central génial, Dory aurait dû explorer les grandes notions pixariennes (le temps, la transmission, la mort), mais Stanton préfère se concentrer sur son héroïne et son jeu de piste mémoriel. Comme une face B de Vice Versa, ou comme une version animée de King Kong (le centre aquatique ressemble à Skull Island), Le Monde de Dory est une nouvelle exploration conceptuelle un peu folle, une dérive mentale saisissante.
12 - Coco
Pixar regarde la mort droit dans les yeux. Une jolie petite fable, parfois réellement touchante, mais qui la joue "safe", en régurgitant des thématiques déjà longuement explorées par le studio. Reste cette splendeur visuelle de tous les instants et la belle idée de faire du repos éternel un monde en technicolor.
11 - Les Indestructibles 2
Quatorze ans après, Brad Bird vient chercher son sceptre de roi de l’animation. Et pour mieux enfoncer le clou (comme s’il ne s’était rien passé depuis le premier film, RIEN en 14 ans) Les Indestructibles 2 commence là où s’arrêtait l’original. L’histoire surfe avec malice sur les grands thèmes du moment (la charge mentale, l’empowerment des femmes) mais, à force de balayer trop de sujets, Bird ne parvient pas toujours au bout de ses idées - qu’est-ce qu’on aurait aimé voir le film de M. Indestructible coincé à la maison ! C’est un peu comme le point de vue politique qu’on ne décrypte jamais clairement. Bird est un libertarien avec des idées très arrêtées sur le sujet et il a même fait un film autour de ce thème (le sous-estimé A la poursuite de demain). Ici, son point de vue n’est pas toujours très clair : la population vit à l’heure d’une dictature médiatique (où les sondages d’opinion font loi) mais personne ne songe à s’en libérer ; les superhéros veulent sortir du placard, mais réclament surtout le droit de pouvoir CHOISIR librement leur destin ; et parallèlement le vilain (aux motivations confuses) veut montrer aux gens que les superhéros les empêchent de réaliser leurs propres vies et qu’ils ne sont que des catharsis sur qui on ne peut pas vraiment compter.
10 - Ratatouille
C’est avec celui-là, qu’on rentre dans la catégorie Premium. En partant d’une histoire archétypale (un héros qui refuse de se plier aux codes de la société et décide d’accomplir son destin) qu’il subvertit en la peuplant de visions cauchemardesques (des rats dans des cuisines ! et qui préparent à manger !), Brad Bird signe un Pinocchio inversé. Extase visuelle, tour de passe-passe techno, jouissance cinétique et aventure au ras du parquet… Au-delà du ride : une belle réflexion sur la condition d’artiste et une mise en abyme. Rémy, c’est les créateurs de Pixar, les types d’Emeryville qui promettent une extase simple, des génies qui s’attachent avec un soin de chimiste à la découverte d’une nouvelle texture ou d’une couleur qui pourrait faire frémir les pupilles (tiens, ça rime avec papille). Ah oui. Il y a aussi l’une des plus belles scènes Pixar ever : la révélation proustienne d’Anton Ego. Maintenant, le vernis vintage appuyé et l’esprit Pixar disneyifié en font quand même le moins bon Brad Bird animé.
9 - Toy Story
L’acte fondateur et un coup de maître. Au-delà de l’aspect purement techno du projet, de la naissance d’un nouvel âge d’or du cinéma numérique, le film marque d’abord la naissance de l’esprit Pixar (humour cynique et décalé, manière de questionner la réalité, l’émotion intime…). Objectif affiché : booster le Disney spirit d’un trait punk. Dès ce numéro 1, Lasseter impose des personnages aux tourments existentiels bouleversants (Buzz qui réalise qu’il n’est pas un héros ; Woody, métaphore de l’histoire américaine, qui doit faire le deuil de ses croyances) et invente en passant des icones pop (ce ne sont pas que des jouets !!). A revoir, d’urgence, pour redécouvrir aussi l’ironie amblinesque de ce film cadré au ras du lino qui transforme les humains et spécialement les gosses en monstres sans tête, en prédateurs chaussés de Nike ou de chaussons claquette.
8 - Wall-E
Techniquement, esthétiquement, les 37 premières minutes du film sont ce que le studio a produit de plus dingue. Dès ses premières secondes - on fonce au-dessus d’une Terre désolée - la matière du monde est concrète, familière mais étrangement différente. Notre planète a changé de nature. C'est ce choc qui fonde le rapport stupéfiant qu'on entretient avec le début film. Mais à ces images folles, kubrickiennes, dans laquelle Stanton a mis son génie visionnaire, le cinéaste rajoute ce petit tas de ferraille, cette boîte rouillée qui chemine comme un grelot, une merveille conçue par les Dieux du design (Ben Burtt, Ralph Eggleston…). Pendant 37 minutes donc, Wall-E est une splendeur, pessimiste et muette, mélancolique et joyeuse, où se conjuguent un désastre écolo et la solitude éternelle d’un Pinocchio futuriste qui a eu le malheur de développer une sensibilité. Mais quand Wall-E s'envole dans l’espace accroché à la carlingue d'une fusée, le spectateur redescend sur terre et le film s’écroule - un peu. La fable SF devient pensum écolo, les hommes (au graphisme vraiment laid) prennent le contrôle du vaisseau et du film qui devient une poursuite ininterrompue de robots déglingos. Le vertige du début paraît loin.
7 - Vice Versa
Après quelques sorties de route, le film du retour. Pixar redevenu Pixar. Un Là-Haut version teen, un Nemo où l'océan aurait été remplacé par le cortex, le Toy Story des émotions… Avec en prime, l’art de la caricature, le talent pour synthétiser les idées les plus complexes à travers le mouvement, le volume et la vitesse. Bref, la marque de fabrique de Pete Docter, le meilleur auteur-maison. On devrait tout acheter, ne pas se poser de questions et se laisser aller aux « émotions ». C’est fait pour. Mais deux problèmes empêchent de lâcher toute retenue et d’avaler totalement le storytelling du come-back. D’abord les personnages, uni-dimensionnels et uni-émotionnels (Joie est joyeuse, Tristesse est triste), qui ont précisément pour fonction d’illustrer que les êtres humains – et les grands films – ne le sont pas. Et puis cette idée de voir dialectisé le génie Pixar (et avant, de Disney). Chefs d’orchestre de nos émotions, manipulateurs géniaux de nos cerveaux, ils réussissent à faire de leur job un film qui laisse un gout étrange au fond de la gorge…
6 - Monstres et compagnie
Film high concept (que se passe-t-il derrière la porte du placard ?), satire sociale (même chez les monstres, on n’échappe pas à l’éthique du travail Weberienne), mélo terrassant (l’amitié entre une petite fille et ses peurs)… Monstres et compagnie est un peu tout cela, mais c’est d’abord une comédie suprême (Bob Razowski ou le personnage le plus drôle de la galaxie Pixar) et un film d’équilibriste. Par la grâce d'une porte qui s'ouvre, on a envie de rire, comme chez Lubitsch, et envie de pleurer, comme chez Chaplin. Cette nuance fait la richesse du film. Il y a quelques baisses de rythme, mais Monstres… se regarde aujourd’hui comme le blueprint de Là-Haut et Vice Versa. Et puis : la scène du restaurant, celle des portes, les incroyables moments d’émotions entre Sully et Booh… Vous aviez remarqué que Monstres et compagnie est le premier Disney qui se déroule en entreprise ? D’une richesse infinie on vous dit.
5 - Là-Haut
Le plus émouvant. De loin. Impossible de ne pas craquer quand on découvre qu’Ellie, toute sa vie durant, a rempli l’album photo et que sa plus belle aventure aura été son couple. Ou quand Karl vide sa maison de tous ses meubles, de tout son passé, pour prendre un peu d’air – et de l’altitude. Mais avant il y aura eu ce prologue, la vie de Karl et d’Ellie qui défile sous nos yeux. Ce passage déchirant mais doux montre comment une vie entière peut se résumer en quelques polaroïds forts et cruels. Derrière le trait moelleux, derrière la douceur des couleurs, se cachent une telle brutalité et de telles émotions que le film devrait ne pas s’en remettre (comme Wall-E). C’est presque le cas. Presque : le film d’aventure en Patagonie paraîtrait convenu (quoique : une poursuite entre deux vieux grincheux sur le toit du monde ??!!), sans la noirceur initiale. La mélancolie de l'ouverture dope l'épopée de Karl et lui confère une couche supplémentaire de réel qui permet au spectateur de connecter, non plus avec un univers fantaisiste ou des personnages rigolos, mais avec un destin. Chialant.
4 - Le Monde de Nemo
On a longtemps hésité entre Monstres… et Nemo. Et puis, non. Nemo. Devant. Parce que c’est le Pixar le plus fou. Le plus aventureux. L’aisance comique, l’aventure roller-coaster, le concept qui tue, l’esprit cartoon. Tout tombe juste, émouvant quand il faut, rapide et inventif toujours. Drôle constamment. Une fois passé la mort de la mère (bonjour Bambi) vous plongez dans le plus beau film-univers de ces 20 dernières années (avec Avatar) pour rider un Pixar véritablement magique. Ce sont les cavales du Little Nemo de McCay, c’est le meilleur Walt Disney, doublé d’un suspense kubrickien, blindé de courses-poursuites et de clins d'oeil cinéphiles (Les Dents de la mer, Abyss). Et surtout : cette drôlerie imparable. Le ga(n)g des requins (« les poissons sont nos amis »), Dory l’amnésique, Dory l’enquêtrice (« P. Sherman, 42 Wallaby Way, Sidney »), les pélicans, l’évasion du bocal, l’instit qui chante, les « bubulles », les tortues, Darla… Un film-monde. Inépuisable.
3 - Toy Story 2
A l’origine, Disney voulait que ce soit un DTV. Lasseter et son crew refusent et signent un chef-d’œuvre méta (les jouets essayent d’échapper à leur devenir « boîte »), une déclaration de guerre au studio Mickey (en renversant ses valeurs de manière archi violente). Et une merveille de mise en scène. Une scène au hasard : la chanson de Jessie où l’on voit Woody au comble de son questionnement existentiel. La caméra reste fixée sur son visage de très longues secondes, guette ses expressions, ses réactions, son regard. Comme dans un grand Capra ou un beau Ford, Lasseter offre au public le temps de scruter, d’examiner, de deviner les pensées du personnage dont le visage devient un Monument Valley d’émotion. Cette scène allait changer pour toujours le cinéma d’animation. Mais ce qui frappe aujourd’hui c’est le sous-texte. L’homme à chemise hawaienne s’offre à travers son dessin animé une satire de la collectionnite aigue et de l’esprit de lucre qui agitent les spéculateurs. Une critique folle d’une société stérile (sur le plan créatif) où tout et n’importe quoi, y compris des des jouets en plastique, peut entrer au musée. Waouh.
2 - Cars
Deuxième sur la ligne d’arrivée, pour la puissance de l’oxymore poétique (le sentiment de la perte qui rugit sous les capots des winners), la beauté chromée et le fétichisme 50's. Mal-aimé et généralement abonné au bas de classement des tops Pixar, Cars est en réalité une vraie merveille si on accepte son rythme et ses présupposés. John Lasseter signe un grand caprice auteurisant, un film-concept flamboyant (un road movie qui ne bouge pas), une merveille technologique (encore aujourd’hui la course du début n’a pas été surpassée) et une ode renversante à l’Americana. Cette virée nostalgique est une rêverie conceptuelle de 120 minutes objectivement plus proche du Lynch d’Une Histoire vraie que des Fous du volant. La Route 66, les enseignes de néons, le zinc 50’s et Paul Newman… Pixar en roue libre, à son plus haut sommet conceptuel et à son top technique.
1 - Les Indestructibles
Le vrai. Le seul. L’authentique chef-d’œuvre du studio. Ce qui frappe d’abord c’est l’aisance (on devrait dire l'élasticité) avec laquelle Bird passe du film d’espionnage au drame intime, du classicisme technicolor au design cartoon (les séquences de bureau). C'est au fond l'application idéale du premier commandement Pixar : transcender l’humanisme et l’émotion dans une réalisation surpuissante (action, fluidité et explosion : la touche Bird). Toutes les scènes sur l’île sont d’une perfection jubilatoire, jouant à la fois sur une efficacité totale (la poursuite dans la forêt) et sur l'effet de sidération du spectateur. Le sentiment de flottement et de suspension (les arrivées dans la base sous une nuit étoilée), de vertige et de vitesse (le jeu suffocant sur les profondeurs de champ) s’appuie sur un plaisir simple, enfantin. Mais cette fantaisie, héritée de Chuck Jones, de Miyazaki et du muet, n'est jamais gratuite et s’ajuste constamment à son vrai sujet (la famille, les émotions et la vacance des superhéros). Les Indestructibles c’est le meilleur James Bond. Le meilleur film de superhéros jamais produit. L’un des meilleurs films sur l’adolescence (Violette c’est Riley avec 10 ans d’avance). Le meilleur Brad Bird (oui, mieux que Le Géant de fer). Les Indestructibles, c’est le meilleur Pixar.
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