Le bon, la brute et le truand
Première Classics/Les Artistes Associés

Le western culte de Sergio Leone était en une de Première Classics n°2. Nous en partageons un extrait pour patienter jusqu'à sa rediffusion sur France 3.

Le bon, la brute et le truand, de Sergio Leone, reviendra ce soir à la télévision. C’est le second rôle de Clint Eastwood chez le cinéaste italien. Il y joue le bon, Eli Wallach le truand et Lee Van Cleef la brute épaisse qui n’a aucun scrupule. Tous trois sont à la recherche d’un coffre rempli de pièce d’or. Si le bon et le truand ont besoin l’un de l’autre pour obtenir l’argent, la brute s’incruste et compte bien avoir sa part du butin. Le maître du western nous livre ici le plus gros succès de sa trilogie dite du "dollar". Celle-ci est composée de deux autres films : Et pour quelques dollars de plus et Pour une poignée de dollars assimilés à celui-ci en raison de nombreux points communs dans leur scénario. Dévoilés précédemment sur France 3, ils laissent ce soir leur place au film le plus populaire de la "saga". 

Laissez-vous transporter par la musique inimitable du grand Ennio Morricone avec ce western-spaghetti mêlant violence et humour. Une fois encore, Leone prouve sa maîtrise technique et son sens du rythme. Il alterne avec justesse scènes de grandes violences et longs silences. La séquence d’ouverture en est l’exemple parfait : il faut bien attendre 10 minutes pour entendre la première phrase du film. Un classique.

D'ailleurs, Le bon, la brute et le truand était en une du deuxième numéro de Première Classics (janvier-mars 2018, disponible dans notre kiosque en ligne). Au sein de notre dossier spécial consacré au film, nous avions publié une interview de son scénariste, Luciano Vincenzoni, décédé en 2013. La voici à (re)lire, pour tous connaître des coulisses de ce western, avant de le revoir ce soir.

 

Trilogie du dollar : Comment Sergio Leone et Clint Eastwood ont révolutionné le western

 

Luciano Vincenzoni scénariste de Et pour quelques dollars de plus et du Bon, la Brute et le Truand revient sur la naissance de ce chef-d’œuvre.
« J’étais ami avec presque tous les gens de la United Artists et, en voyant le succès du de Et pour quelques dollars de plus, j’ai appelé Ilya Lopert, le vice-président d’United Artists, qui se trouvait à Paris. Je lui ai dit : “Viens à Rome, le film que je viens de faire avec Sergio Leone est un triomphe.” Il se fait prier, alors je lui dit que s’il ne vient pas, je vais être obligé d’appeler la Paramount et Warner Bros, (je m’occupais des ventes à l’étranger), et que si quelqu’un achetait le film, et qu’il devenait un succès aux Etats-Unis, ce qui était inévitable, il se ferait virer pour avoir laissé les dollars lui passer sous le nez. Il débarque finalement à Rome avec tous les gros pontes de la United Artists. Au lieu des les inviter dans une salle privée, je les amène au Supercinema, la plus grande salle de cinéma de Rome. J’ordonne au directeur du cinéma de réserver impérativement six sièges, et d’utiliser la police pour faire de la place si besoin est. Le film faisait toujours salle comble. On trouve finalement six places et on assiste à une projection de folie, où les spectateurs hurlent, rient, applaudissent à tout rompre.

A la sortie, les gens d’United Artists se tournent vers moi et me demandent “combien ?” Je demande 1 million de dollars pour le monde entier, excepté l’Italie, la France, l’Espagne et l’Allemagne, le film étant une coproduction. C’est littéralement trois fois plus que ce qu’espérait le producteur Alberto Grimaldi. Ils me répondent “d’accord” et on part signer le contrat au Grand Hotel. Et là évidemment, au moment de signer, la première question est : “Quel sera le prochain film ?” Sergio Leone est pris de court. Il n’en a aucune idée, alors il se tourne vers moi et me dit : “Ben oui, c’est quoi ? Allez, dis-nous.” Je n’en ai aucune idée non plus, alors j’improvise. Je raconte que c’est l’histoire de trois filous qui cherchent 200 000 $ pendant la Guerre de Sécession. Ils se moquent de la politique et de la guerre et ne sont intéressés que par l’argent. En réalité c’est l’histoire d’un autre film que j’ai écrit, La Grande Guerre, qui se passe pendant la première guerre mondiale, que je suis juste en train de transposer en direct à la réunion pendant la guerre de sécession. Les gens de United Artists n’ont pas vu La Grande Guerre, donc ils n’y voient que du feu et ils me répondent : “Très bien, ca marche, on finance. Combien ?” Je me tourne vers Alberto Grimaldi, qui est éberlué. Il est en train de signer un contrat d’un million de dollars, et on lui propose en même temps un autre contrat. Il n’en croit pas ses yeux et ses oreilles. “Alors, combien ?”, je lui demande. “Combien quoi ?”, me répond-il sans comprendre. “Combien coûterait l’histoire que je viens de raconter ? – Euh, 800 000 $ ?” Je rétorque : “C’est un film de guerre, qui demande des plus gros moyens, disons plutôt 1 millions et 100 000 $.” United Artists approuvent, et font rédiger le contrat, que l’on signe sur place. Et c’est ainsi que Le Bon, la Brute et le Truand est né, alors qu’aucune ligne ne scénario n’avait encore été écrite ! »