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Révélé voilà un an par Le Lycéen de Christophe Honoré, sa composition de jeune homme en pleine métamorphose impressionne dans le film de Thomas Cailley. Portrait.

Voilà un garçon qui met en PLS le chœur des rageux voyant en chaque « fils de » ou « fille de » un pistonné sans talent. Car bien présomptueux celui de ces Robespierre coupeurs de tête aux petits pieds qui prendra la parole pour prétendre que Paul Kircher, le fils des comédiens Jérôme Kircher et Irène Jacob (et frère de Samuel, révélé par L’Eté dernier de Catherine Breillat, dans un rôle au départ prévu pour lui, avant que le temps long du financement fasse qu’il soit trop âgé pour l’incarner !) manque de talent.  Et il n’aura suffi que de deux films – Le Lycéen et Le Règne animal - pour mettre tout le monde d’accord.

Dans ses plus jeunes années, il ne s’imagine pourtant pas acteur, conscient avec l’exemple de ses parents sous les yeux que ce métier n’a rien d’un long fleuve tranquille et peut se révéler source de nombreuses frustrations. Lui se voit alors plutôt rocker, prend des cours de chant, se produit avec un groupe dans des bars en reprenant en mode guitare-voix des tubes de rap de Booba ou Aya Nakamura. Avant que le goût du jeu ne rattrape celui qui, gamin, aimait faire le clown en famille et faire se gondoler de rire ses proches.

Il n’a que 17 ans et est encore en terminale lorsqu’il décroche son tout premier rôle sur grand écran dans le teen movie T’as pécho ? : un ado amoureux d’une camarade de classe d’autant plus inaccessible qu’elle est déjà en couple avec le beau gosse du collège. Et ce grâce au directeur de casting David Bertrand qui, après l’avoir découvert lors d’une audition pour une série pour ados (où il n’avait pas décroché le rôle), a tenu à le présenter à la réalisatrice Adeline Picault. 


 

Paul Kircher vit ce tournage sans penser à un éventuel après. Il y va juste pour s’amuser, vivre une expérience. 

Mais Grégory Weill, l’agent de Léa Seydoux et Louis Garrel, le repère. Et lui, une fois le bac en poche, commence à s’ennuyer dans ses études d’économie et de géographie à la fac. C'est là que les choses vont s’accélérer. Il commence à passer de plus en plus d’auditions, suit des stages de théâtre avec Jordan Beswick à la Manufacture des Abbesses et regarde de plus en plus de films, déclic cinéphile notamment déclenché par La nuit nous appartient de James Gray, A bout de course de Sidney Lumet, Arizona dream d’Emir Kusturica et le cinéma de Gus vant Sant.

Et puis arrive le casting du Lycéen de Christophe Honoré. Pour trouver l’interprète de Lucas Ronis, ado de 17 ans frappé de plein fouet par la mort de son père et flirtant avec l’abîme pour tenter tant bien que mal de se (re)construire, le réalisateur des Chansons d’amour auditionne plus de 300 candidats mais c’est lui qui sort du lot. « Je n’avais pas un physique en tête », expliquait le cinéaste à la sortie du film, « je savais juste que le rôle était difficile par son ampleur et qu’il fallait que je trouve quelqu’un capable d’assumer à la fois des scènes d’une certaine gravité et en même temps des scènes plus quotidiennes, légères, gracieuses. Et Paul a cette capacité. C’est un acteur à la sensibilité bouleversante. Je me sais privilégié de l’avoir filmé alors qu’il avait à peine 20 ans et qu’il portait encore en lui des expressions venues de l’enfance. »

Avec ce film, Paul Kircher passe un cap. Encensé par la critique, il décroche une nomination au César du meilleur espoir que remportera Bastien Bouillon pour La Nuit du 12.  


 

« J’ignore si le cinéma sera à la hauteur de ce que lui peut offrir au cinéma » confiait alors Christophe Honoré. Grâce à Thomas Cailley, Le Règne animal n’a pas tardé à apporter la preuve que oui. Un projet de longue, très longue haleine puisque Paul Kircher avait même décroché ce rôle d’un ado de 16 ans atteint par la vague de mutations transformant peu certains humains en animaux avant même que Christophe Honoré ne l’engage sur Le Lycéen, au terme là encore d’un casting disputé, avec plus d’une centaine de candidats en lice !

« Il dégage quelque chose de fort et maladroit à la fois qui m’a immédiatement séduit », explique Cailley. « Il a par ailleurs des ressources insoupçonnées. Il peut donner l’impression de ne pas savoir où il va, d’être flottant, alors qu’une lame de fond le porte, puissante et tranquille. En fait, Paul n’a pas conscience de sa puissance. On sent que quelque chose bouillonne en lui, une énergie indomptable, une part sauvage. » Soit précisément ce qui anime le personnage qu’il incarne à l’écran. Sans pour autant que cette composition ne tienne de l’inné.

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A Cannes, en mai dernier, lors de la présentation du Règne animal en ouverture de la section Un Certain Regard, Paul Kircher nous détaillait avec gourmandise tout le processus de travail qui a conduit au résultat époustouflant qu’on découvre à l’écran.

« Avec Thomas, l’une des questions centrales était de savoir comment amener cette transformation animale à l’écran. C’est passé par des films qu’il m’a demandé de voir : La Mouche de David Cronenberg en tête Mais aussi par la rencontre avec une chorégraphe Stéphanie Chêne, grâce à laquelle j’ai pu explorer en amont tout le ressenti corporel, ce qui m’a donné des clefs tout au long du tournage. » Sans compter évidemment la complicité avec Romain Duris qui joue son père et avec qui il partage le même rire joyeux et enfantin.

LE REGNE ANIMAL: UN CHEF D'OEUVRE ETOURDISSANT [CRITIQUE]

 

Depuis, celui qu’on a aussi vu en 2022 dans Petite leçon d’amour d’Eve Deboise, a retrouvé le chemin des plateaux. Il vient de terminer le tournage de Leurs enfants après eux, l’adaptation du Prix Goncourt 2018 de Nicolas Mathieu par les frères Boukherma (Teddy, L’Année du requin) aux côtés notamment de Gilles Lellouche et Ludivine Sagnier. Celui-ci sortira en salles le 18 septembre 2024. Mais d’ici là, il y a de grandes chances qu’on retrouve en février prochain Paul Kircher dans la salle et même sur la scène de l’Olympia. Pas pour y donner un concert mais comme candidat à un possible César de la révélation face sans doute à son petit frère Samuel. Un duo-duel jamais vu dans l’histoire de cette catégorie. De quoi faire s’étouffer encore un peu plus de rage les pourfendeurs des fils et filles de. Et rien que pour ça, on a hâte !