GALERIE
haut et court

A travers une enquête sur l’assassinat d’une jeune femme brûlée vive, Dominik Moll signe un polar prenant, à la mécanique scénaristique imparable, qui raconte aussi et surtout un service public en totale déshérence.

En découvrant La Nuit du 12 à Cannes, en 2022, Première était impressionné par l'audace de son réalisateur, Dominik Moll, déjà acclamé pour son génial thriller Harry, un ami qui vous veut du bien, en 2000.

"L'audace du jour, écrivions-nous, on la doit à Dominik Moll pour son grand retour à Cannes, 17 ans après Lemming, avec La Nuit du 12, présenté dans la section Cannes Première. Il en faut en effet pour oser placer au tout début de son film un carton… qui nous révèle sa fin ! A savoir que l’enquête sur la mort d’une jeune femme brûlée vive par un pyromane ne sera pas résolue. Un parti pris gonflé donc mais payant.

D’abord parce que le film, l’un des meilleurs depuis le début de ce festival, transcende le résultat de cette enquête pour s’emparer plus largement de la question des violences faites aux femmes et montrer en quoi le fait que les investigations sur ces féminicides soient menées par des policiers majoritairement masculins influe sur les interrogatoires et donc le résultat de l’enquête en lui- même. Ensuite, parce que même si on en connaît donc l’issue, La Nuit du 12 est traversé de part en part par une tension qui ne cesse de nous faire croire qu’on a mal lu le panneau initial. Le réalisateur de Harry, un ami qui vous veut du bien, retrouve les sommets, à mi-chemin entre L627 et un Memories of murder made in France."

Alain Chabat a failli jouer dans Harry un ami qui vous veut du bien

Depuis cette découverte marquante, La Nuit du 12 a cartonné aux César 2023 (il y a remporté six prix, dont le meilleur film, le meilleur réalisateur, le meilleur scénario adapté et le meilleur second rôle pour Bouli Lanners), et il sera diffusé ce dimanche, pour la première fois en clair, sur France 2, suivi d'un autre film cannois de cette année-là : Coupez !, de Michel Hazanavicius. Première vous conseille chaudement cette belle soirée cinéma. 

La Nuit du 12 commence par un geste audacieux qui témoigne de la confiance de Dominik Moll et de son complice de plume Gilles Marchand en leur scénario, adapté d’un livre de Pauline Guéna. D’emblée, un carton nous révèle la conclusion du récit qu’on s’apprête à suivre : cette enquête autour de l’assassinat d’une jeune femme brûlée vive en pleine rue ne sera pas résolue.

On imagine que cette décision n’est pas allée de soi. Mais ce parti pris gonflé se révèle totalement payant. Tout d’abord parce que bien qu’on en connaisse donc l’issue, La Nuit du 12 est traversé par une tension permanente qui ne cesse de faire croire qu’on a mal lu le carton initial. Ensuite et surtout parce qu’on comprend très tôt que ce film va transcender l’enquête sur cet homicide pour s’emparer plus largement de la question de la violence faite aux femmes et montrer en quoi le fait que les investigations sur ces féminicides soient menées par des policiers majoritairement masculins influent sur les interrogatoires et par ricochet sur le résultat des enquêtes. Ne serait-ce que par les questions posées aux proches de la victime qui, ici, semblent maladroitement vouloir chercher à expliquer cette agression par le côté en apparence volage de celle- ci, introduisant un aspect moral incongru dans un geste de pure sauvagerie.

Dans ce récit à l’os servi par une mise en scène maîtrisée, distillant avec précision dans un univers ultra- réaliste des moments d’onirisme traduisant les pensées intérieures d’un enquêteur de plus en plus perdu, le réalisateur d’Harry, un ami qui vous du bien ne reste jamais arc- bouté sur son sujet. Il dézoome toujours à bon escient pour montrer, à travers lui, combien le manque de moyens impacte ces flics payés au lance pierre, sacrifiant leurs vies personnelles à leur travail au nom d’une certaine idée de leur métier. Sous ses allures de film noir, de polar, La Nuit du 12 se révèle donc aussi un brillant plaidoyer pour la sauvegarde d’un service public en péril. Le tout servi par un casting remarquable (Bastien Bouillon, Bouli Lanners et Anouk Grinberg en tête) qui participe grandement à cette quête d’authenticité érigée ici en priorité. Sa place dans la compétition sur la Croisette – où il a été présenté dans la section Cannes Première- n’aurait été en rien usurpée.

Bande-annonce :


Dominik Moll : "Rodrigo Sorogoyen a été une influence majeure de La Nuit du 12"