La fille de Tilda Swinton crève l’écran pour sa toute première expérience d’actrice dans The Souvenir, le diptyque de Joanna Hogg. Rencontre
A la ville, émane d’elle la force tranquille, enveloppante et instantanément empathique de celle qui n’a jamais rêvé de se trouver l’actrice principale d’un film et savoure donc sans pression, sans plan de carrière en tête ce moment de promotion. Car à aucun moment donc la fille de Tilda Swinton n’avait pensé suivre un jour les traces de sa mère et se retrouver à jouer devant une caméra. Sans doute d’ailleurs ne l’aurait t’elle jamais fait si cette proposition n’était pas venue de Joanna Hogg, une cinéaste qu’elle connaît dans la vie depuis des années, celle qui avait dirigé sa mère pour son court métrage de fin d’études. Devant sa caméra, Honor Swinton- Byrne incarne Julie dont on va vivre tout au long de ce diptyque la première grande histoire d’amour de son existence, sa fin, le deuil difficile à faire puis la reconstruction par… le cinéma. Et à l’écran, il suffit d’un plan pour comprendre qu’Honor Swinton- Byrne est the right (young) woman at the right place. Elle s’empare de ce rôle complexe, riche en émotions aussi fortes que contradictoires avec un naturel fascinant. Pas une seconde ou presque, la caméra de Joanna Hogg ne la quitte pas des yeux, comme aimantée par elle. Et comme spectateur, on vit ces secondes qui deviennent minutes et heures dont on rêverait que jamais elles ne s’achèvent comme un ravissement. Avec ce sentiment d’assister en privilégié à la naissance d’un talent comme il n’en existe qu’une poignée par décennie. L’avenir lui appartient.
Joanna Hogg nous a expliqué qu’elle a longtemps cherché l’interprète de Julie jusqu’à ce qu’elle tombe sur vous sur un quai de gare après avoir passé l’après-midi chez votre mère Tilda Swinton pour parler de son rôle à elle. Racontez - nous comment vous avez vécu ce moment de votre côté…
Honor Swinton- Byrne : Je connais Joanna depuis longtemps car c’est une grande amie de ma mère depuis qu’elle a tourné dans son film de fin d’études. Je ne me souviens plus en détails de nos échanges mais elle m’avait demandé de lui raconter comment je vivais mes 19 ans. Je lui ai notamment parlé de mes premières histoires d’amour. Et je crois qu’elle a vu sa Julie. Alors, elle a fini par me demander si ça m’intéresserait de jouer tout en me précisant que je n’avais vraiment beaucoup le temps de réfléchir car le tournage devait commencer dans… deux semaines ! Et j’ai spontanément dit oui…
JOANNA HOGG, DANS LES COULISSES DE THE SOUVENIRFille de comédienne, vous aviez depuis longtemps en tête l’envie de jouer ?
Non, pas du tout. Je n’ai jamais voulu être une actrice et même après cette expérience incroyable, je ne veux pas être qu’actrice. Joanna m’aurait demandé d’intégrer l’équipe technique du film, je lui aurais dit oui de la même manière. Pour faire partie de ce projet et parce que c’est elle qui était à la tête. C’est tout ce qui m’importait.
Joanna Hogg a pour principe de ne pas faire lire son scénario à ses comédiens. Comment avez-vous alors travaillé sur ce personnage de Julie pendant les deux semaines qui ont précédé le premier clap ?
On n’a pas cessé d’échanger. Son enthousiasme et la précision de ses réponses sur toutes les questions que je lui posais m’ont portée. Elle m’a aussi confié les carnets qu’elle tenait à l’âge de Julie et qui ont été une de ses sources d’inspiration pour The Souvenir. Et donné des films à voir, de New- York New- York de Scorsese aux Chaussons rouges de Powell et Pressburger
Vous étiez dans quel état à ce moment- là ?
Plus excitée que stressée, je crois. Le fait qu’il n’y ait que quinze jours avant de se lancer vous empêche de vous poser trop de questions sur votre propre angoisse. Vous n’avez pas le temps.
Qu’est ce qui vous a séduit dans ce personnage de Julie ?
L’empathie immédiate qu’elle suscitait. Et le fait que je retrouvais spontanément en elle énormément de choses de moi. Mon chemin vers elle a donc été tout sauf sinueux
Comment travaillait Joanna Hogg avec vous sur le plateau ?
Aucune scène ne ressemblait à une autre, de ce point de vue. Avec Joanna, il n’y a aucune règle préétablie. A une exception près : elle nous laisse libre de jouer la première prise comme on le sent pour voir où tout cela nous mène avant de nous orienter vers ce qu’elle veut. Mais en douceur, par des suggestions qui devenaient pour moi autant d’évidences.
Vous avez aimé jouer ?
Oui. Profondément. J’ai eu l’impression de grandir au fil du tournage. Une fois la première partie terminée, alors qu’il n’y avait pas encore de certitude qu’il y en ait une deuxième, je suis partie en Namibie pour deux années. Et, pour la deuxième partie du tournage, nous avons eu moins besoin d’échanger avec Joanna car les choses me venaient plus naturellement. J’avais aussi forcément plus conscience de ce qu’était le quotidien d’un plateau.
THE SOUVENIR: UN GESTE CINEMATOGRAPHIQUE FASCINANT [CRITIQUE]On imagine aussi qu’il devait y avoir quelque chose de forcément excitant à vous retrouver à recréer l’écran dans le rôle de la réalisatrice Caprice, le court métrage de fin d’études que Joanna Hogg avait réalisé avec votre mère comme actrice…
Totalement ! D’autant plus que c’est un film que je vois au moins une fois par an depuis que toute gamine. L’un des premiers rôles de ma mère… Et je pense aussi que j’a pris plus de plaisir dans cette deuxième car j’étais au diapason de l’humeur plus enjouée de Julia qui va trouver son chemin au fil de ce récit
Jouer avec votre mère fut foncièrement différent pour vous d’avec vos autres partenaires ?
C’est ma personne et mon actrice préférée dans le monde ! L’avoir comme partenaire est un atout hors du commun. On s’est follement amusés à jouer des personnages ayant une relation mère- fille aussi éloignée de la nôtre ! Je n’ai à aucun moment envisagé ces moments comme un challenge
Vous avez envie de continuer à jouer ?
Oui. Mais pour autant, je n’ai pas envie de prendre des cours de théâtre. Je crois vraiment que ce n’est pas fait pour moi. J’ai repris les études en fac que j’avais mises entre parenthèses le temps des deux tournages. Mais j’adorerais revivre une telle expérience.
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