France 5 diffuse ce soir un documentaire inédit autour de la figure de Jean-Luc Godard. Un joli travail d’archives.
En 2006, l’impossible « Expo Godard » au Centre Pompidou avait abouti à une sorte d’installation bordélique, pompeusement intitulé Voyage(s) en Utopie, à la recherche d’un théorème perdu… Ce non-évènement - qui est en fait en était un -, révélait à la fois l’impossibilité pour Jean-Luc Godard de s’auto-muséifier et donc de présenter un portrait lisible de lui-même. Son cinéma fait d’incessantes recherches ne peut s’accommoder d’une finitude. Le documentaire que présente le président de la Cinémathèque Française Frédéric Bonnaud et réalisé par Florence Platarets, a le mérite de ne pas contourner l’obstacle, mieux, de faire comme s’il n’y en avait pas. « Raconter Godard simplement? C’est possible! » Et en une heure chrono qui plus est ! Ce portrait s’apparente à un Godard illustré, où chronologiquement (sagement) nous suivons le fil d’un parcours qui va d’A bout de Souffle (1960) au Livre d’image (2018). Extraits de films, saillies godardiennes et témoignages (que de l’archive, Dieu merci !) permettent de toucher du doigt le déroulé de cette œuvre immense.
Ce déroulé, par essence, en masque l’essentiel, c’est-à-dire le monde qu’il y a derrière chaque image. Cette idée de « monde » revient d’ailleurs souvent. Godard explique ainsi avoir entrevu la possibilité de faire du cinéma après avoir vu Voyage en Italie de Roberto Rossellini (1954) : « Un homme, une femme dans une voiture et à l’extérieur, le monde. Ce n’est pas très compliqué et très cher à mettre en place. Je peux moi-aussi réunir un homme et une femme. Le monde, je verrai comment le mettre… » Plus loin, Louis Aragon (de mémoire) : « Lorsque je vois un bout de trottoir dans un film de Godard, je sais que derrière il y a la mer, il y a un monde... » Puis re-Godard citant Novalis : « Le monde devient rêve et le rêve devient monde. » Enfin, voilà JLG du côté de chez Francis Ponge, se place en, « réparateur de l’univers. » Il y a aussi cette pudeur que Godard savait masquer par une fausse décontraction, balançant des axiomes en forme de bons mots. Un journaliste de la télévision américaine s’en amuse. Godard précise discrètement : « Derrière la boutade… » La phrase reste en suspension, pourtant il ne manque aucun mot pour la comprendre.
Ce Godard par Godard est un film amoureux qui offre une approche disons – scolaire – de Godard. Celles et ceux qui voudraient se mesurer au Golem peuvent dès à présent plonger dans les Histoire(s) du Cinéma qui, à elles seules, valent tous les portraits du monde.
Godard par Godard écrit par Frédéric Bonnaud, réalisé par Florence Platarets… Le 8 septembre sur France 5, à partir de 22h50
Dix moments godardiens
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