Avec Brad Pitt, Shia LaBeouf et Logan Lerman.
Brad Pitt sera en concurrence avec lui-même, ce soir à la télévision : alors que L'Equipe rediffusera Snatch, de Guy Ritchie, TF1 Séries Films proposera Fury, le film de guerre de David Ayer sorti au cinéma en 2014. Voici la critique de Première.
Snatch : Brad Pitt et son sens aigu de l'accentLa bataille vient de s’achever. Aucun survivant. Dans une lumière de fin du monde, un cavalier allemand erre parmi les carcasses de blindés encore fumantes. Un homme surgit et tue sauvagement le cavalier au couteau. Il s’agit de la scène d’ouverture de Fury, elle est terrassante et elle nous prévient d’emblée : ça va saigner.
Du sang pour les braves
Certaines visions de Fury vont rester longtemps dans les mémoires : les cadavres de civils pendus à des poteaux électriques, le corps écrasé par la chenille d’un tank et mêlé à la boue, Brad Pitt qui s’effondre en larmes en cachette de ses hommes et devant des prisonniers allemands, etc. Des visions qui éclatent au milieu d'un film assez classique, où l’équipage du tank massacre le plus d’ennemis possibles dans des gerbes de sang. Les scènes de guerre sont particulièrement bien shootées, évitant l’addition illisible shaky cam/jump cut au profit d’une utilisation intelligente de l’espace et du rythme. Au dernier tiers du film, les tanks américains se font piéger par un Tigre allemand et leur affrontement est une vraie réussite en termes de découpage et de suspense. Du point de vue de l’action pure, Fury est un carton brutal et souvent impressionnant.
Une seule mission : tuer des nazis
Et du point de vue de la morale ? Du fond ? Ici, c’est simple : il faut buter les nazis, le chef du tank Wardaddy (Brad Pitt, mâchoires et jeu carrés) nous rappelant tout au long du film que les Allemands/nazis sont des êtres répugnants qui ne méritent que d’être passés au napalm. D’autant que les personnages n’ont pas le choix, coincés avec le spectateur dans l’habitacle étouffant d’un tank Sherman - l’impression de proximité est effectivement très bien rendue, les acteurs sont crades et impliqués comme il faut. De tous, c’est Shia LaBeouf qui est le plus impressionnant. Avec les rumeurs qui couraient sur son method acting crado, on craignait qu’il n’en fasse trop. Perdu. Dans les rangers du canonnier du char religieux citant l’Ecriture (notamment la première épitre de Jean : "et le monde passe, et sa convoitise aussi") et surnommé La Bible, Shia est exemplaire de sobriété et de naturel.
The Bible and Gun Club
Deux heures de massacre. Une longue scène au milieu de métrage où les soldats mangent chez deux civiles allemandes assez classique (la guerre qui sépare les peuples, les hommes et le femmes, tout ça) essaie de faire respirer le film, mais Fury ne joue pas la rupture. Avec ses citations récurrentes et littérales de la Bible, Ayer s’inscrit dans la tradition religieuse - voire déiste - du film de guerre américain, où le conflit est vu comme une expérience quasi mystique : affrontement du bien contre le mal et transformation de l’homme par le combat. A l’arrivée, on peut ainsi voir Fury comme le récit de la transformation d’un jeune homme à peine pubère (Logan Lerman, très bon) en machine à tuer (le surnom qu’il gagne auprès de ses camarades à la fin du film est éclairant) par le truchement de l’industrie lourde. Le film s’achève là-dessus et ne pousse pas plus avant l’analyse, non pas de peur qu’elle n’embourbe le tout dans les tranchées de l’intellectualisme mais bien parce qu’il ne s’agit pas du but de David Ayer avec Fury. Qui est avant tout de livrer un gros film de guerre bourrin et explosif. C’est à la fois sa limite, et sa qualité. Et le monde passe, et sa convoitise aussi.
Bande-annonce de Fury :
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