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Parce qu’on en est là, parce qu’il paraît que Cannes est une femme, ou peut-être pas, on se retrouve presque contraint de juger le retour de Maïwenn par le prisme du gender. Quoi qu’en dise son auteure, il se trouve que Mon roi est une histoire d’amour vécue dans la peau d’une femme, filmée par une cinéaste et incarnée par une autre. Mais Mon roi, c’est surtout le portrait d’un homme, d’un homme compliqué, ambivalent, charmant, détestable, beau et dégueulasse, un portrait qui tourne même au procès. Elle, Tony, incarnée par Emmanuelle Bercot, est d’ailleurs avocate et lui, Giorgio (incroyable Vincent Cassel comme – presque – toujours) lui renvoie dans la gueule lors d’une des nombreuses crises que traverse le couple et qui rythment le film. L’homme pris en faute, acculé, qui parvient à faire passer sa femme pour une hystérique quand elle lui reproche de s’être barré.Autant de raisons qui nous obligent (franchement malgré nous) à recevoir et évaluer ce film pollués par ce débat qu’avec Maïwenn, on trouve pourtant "insupportable".

"Le débat sur les femmes en compète est insupportable"

Défense et accusation

Pourtant on trouvera le moyen de s’en sortir. Car la femme n’est pas irréprochable non plus, elle est effectivement un peu hystérique, excessive, irresponsable, victime ; une victime qui avait quand même vu arriver l’accident. Le roi du titre, c’est pour « le roi des connards », ce que Cassel admet être dès le départ ; pourtant, il reste décliné au possessif. Elle va donc juger un connard, mais son connard, avec ce que ça implique de mauvaise foi et de circonstances atténuantes : elle l’accuse ou le défend selon les phases de l’histoire et on imagine que son personnage est avocate pour mieux souligner l’idée que le film est un procès. C’est à la fois une belle idée et une grosse faiblesse du personnage de Bercot et du film tout entier : on ne croit pas à son métier, il ne figure que symboliquement en planant sur l’histoire mais ne s’incarne jamais. On peut finir par décréter que c'est accessoire et, sans doute parce qu’on nous dit que l’amour emporte tout, on décidera d’accepter ces défauts d’écriture là.

"Mon roi aurait dû être mon premier film"

Torts partagés

Pour la première fois, Maïwenn ne se met pas à l’écran. Mais elle choisit justement sa partenaire d’écriture sur Polisse (par ailleurs réalisatrice de La Tête haute, le film d’ouverture) pour en faire son double. Car la cinéaste ne se met pas en scène mais elle met en revanche, comme toujours, ses tripes, son hystérie, son égo et sa sensibilité, et elle ne pouvait sans doute pas laisser une autre actrice qu’Emmanuelle Bercot, en qui elle a confiance et qui est aussi réalisatrice, les prendre en charge. Mon roi est un regard féminin et les moments où Maïwenn tient cette promesse sont des instants de grâce : quand la caméra caresse le visage, les mains, la nuque de Cassel à la fin, après dix ans de drame et de fureur, avec un amour et un désir intacts, on touche à une vérité troublante. D’autant plus qu’on a passé le film à penser que le mec finirait condamné sans possibilité de faire appel. On se quitte sur un constat, apaisé et pourtant effrayant, de l’impossibilité d’être heureux en amour. Mais malgré le parti pris et les maladresses d’une femme qui a entrepris de juger un homme (tous les hommes ?), les torts sont finalement partagés. Il est insupportable mais elle le savait et est bien obligée de se rendre compte que c’est précisément pour tous les défauts qu’elle lui reproche, dix ans après, qu’elle est tombée amoureuse de lui. Finalement, à la question de savoir s’il faut être une femme pour aimer Mon roi, on répondra non : il faut avoir envie de se laisser toucher par cette histoire en dent de scie, puissante et faible parfois, qui va chercher du côté des symboles mais reste en vrai toujours trivial. Comme la vie. Homme ou femme peu importe, il faudra juste être capable de répondre à la question de savoir si tout ça suffit à faire un bon film.

Nous, on dit oui.

Vanina Arrighi de Casanova

Mon roi de Maïwenn avec Emmanuelle Bercot, Vincent Cassel, Louis Garrel, Isild Le Besco était présenté en compétition à Cannes et sortira dans les salles françaises le 21 octobre 2015. Emmanuelle Bercot a reçu la Palme de la Mailleure actrice ex aequo avec Rooney Mara dans Carol.