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Présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, Fais de beaux rêves de Marco Bellochio est une oeuvre complexe et virtuose.

En ouvrant la Quinzaine des réalisateurs, Fais de beaux rêves, le dernier film de Marco Bellocchio est parfaitement à sa place, ne serait-ce que pour rappeler l'envergure exceptionnelle de ce cinéaste italien, révélé dans les années 60. D'ailleurs, en racontant la relation traumatisante d'un fils avec sa mère morte lorsqu'il était enfant, ce dernier film résonne avec son premier, dans lequel une famille était déjà confrontée à la mort de la mère, cette fois dans des conditions beaucoup plus brutales. On peut aussi trouver des échos avec Le Sourire de ma mère (2002) qui suivait, sur un mode sceptique et désabusé, un peintre athée obligé de suivre l'enquête du Vatican en vue de la béatification de sa mère. Cette fois, c'est sur un ton essentiellement émotionnel qu'il adapte un roman de Massimo Gramellini pour retracer le parcours psychologique d'un enfant qui sombre dans l'instablilité après la mort brutale et jamais expliquée ("un arrêt cardiaque foudroyant") de sa mère. Devenu journaliste sportif à l'âge adulte, il reste muré derrière une sorte de mélancolie morbide qui nuit à sa vie sociale et sentimentale. Jusqu'à sa rencontre salutaire avec une femme médecin (Bérénice Béjo, lumineuse) qui le guide sur la voie de la guérison.

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Bellocchio raconte ce parcours complexe et chaotique à coups de flash backs, sans jamais se perdre, variant les registres avec virtuosité. Si le ton exige de faire appel à l'émotion, le cinéaste se garde bien de verser dans la sentimentalité. Le contexte historique est évoqué de façon précise à coups de références culturelles (musique, feuilletons télé) même si certaines références elliptiques peuvent échapper à certains (comme la catastrophe aérienne qui a anénati une équipe de foot). Un épisode montrant les méthodes douteuses des photoreporters de guerre rappelle la verve caustique de Bellochio, qui ne se prive pas non plus de saillies fantastiques. Il y a des réferences à Belphégor, et aussi à Jacques Tourneur, l'occasion d'une scène de piscine de toute beauté.

Gérard Delorme