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Bertrand Bonello présente aujourd'hui au festival de Cannes 2011, L'apollonide - souvenirs de la maison close. Rencontre avec un cinéaste qui aime les marges et qui après avoir filmé les transsexuels et la pornographie, s'intéresse au bordel des années 1900.(avec le Hollywood Reporter)D’où vient l’idée de faire un film sur un bordel ?Bertrand Bonello: Au départ, je voulais faire un film sur un groupe de femmes – un film féministe. La maison close est un lieu sociologique et historique très réel, mais qui a nourri beaucoup de fantasme. Je voulais jouer là-dessus. Ca me permettait notamment d'utiliser des contrastes – la disparité entre le luxe des salons et la vie que menaient les filles.Quelles furent les difficultés de faire un film historique ?Bonello : J’espère que le film est contemporain. Quand on fait un film historique, on doit toujours parler de l’époque dans laquelle on vit. Le tournant du XXème siècle était passionnant à travailler justement pour ça.Pouvez-vous nous parler des lieux du tournage ?Bonello : On a loué un château près de Paris et on l’a transformé en mini studio. Le défi, c’était de faire en sorte que le film ne semble pas être recontruit en studio mais semble contemporain. Tout était fermé pour qu’aucune lumière ne filtre des fenêtres. Le film se déroule au moment où l’électricité arrive. Il y a encore des bougies, et je voulais utiliser le contraste de lumière.Vous avez mené des recherches sur les bordels ?Bonello: Beaucoup ! Historiques – j’ai lu des livres sur les bordels, mais aussi je me suis servi de sources littéraires et artistiques. Il y a une profusion de sources sur le sujet. Les écrivains s’y rendaient fréquemment et beaucoup de romans en parlent. Mon approche était finalement journalistique, mais j’ai essayé d’écrire une histoire personnelle. Il y a beaucoup de détails vrais, mais je pense que le résultat est à mi-chemin entre le style romanesque et la précision journalistique.Est-ce que c’était compliqué de diriger un tel groupe de femme ? Vous étiez intimidé ?Bonello : Un peu au début, parce qu’elles étaient nombreuses. Mais au bout de quelques jours quelque chose s’est produit entre elles. Elles se sont libérées. Presque comme chez les vraies prostituées. L’idée c’était de montrer ce groupe tout en montrant les individualtés…A quoi ressemblait le casting pour les filles ?Bonello : Ce fut très, très long. On a eu en tout 9 mois de casting - il y a beaucoup d’actrices en France. Je cherchais des filles qui puissent amener une certaine modernité tout en restant crédibles dans un environnement 1900. Je cherchais aussi des filles qui existent individuellement mais puissent apporter quelque chose à une dynamique de groupe. C’est comme un bouquet de fleur : vous devez avoir des fleurs complètement différentes, mais qui soient belles ensemble. Chaque personnage est donc un mélange entre la façon dont j’ai écrit le rôle et comment l’actrice l’a incarné.Vous êtes musicien : avez-vous apporté votre savoir-faire musical à la BO ?Bonello : c’est de la musique contemporaine. Un mix entre des choses que j’ai écrites et 3 chansons de soul 60’s. L’alliance marche bienLe film parle de prostituées. Le sexe est donc partout. Mais comment avez-vous envisagé le problème ?Bonello : Le problème m’a hanté. Je ne voulais pas de scènes de sexe classique, où deux corps se scotchent. Le bordel est comme un théâtre – on est coupé du reste du monde et les scènes dans les chambres deviennent des petites mise en scène. Mais une mise en scène des fantasmes masculins. Les gens de cette époque étaient très nus. Ils portaient tellement de vêtements que c’était compliqué de se rhabiller juste après. Il y avait quelque chose de très sensuel là-dedans. Du coup, à mon sens, le film traite plus du fétichisme que de la sexualité. C’est un film prude...Ce n’est pas votre première fois à Cannes. Ni même en compétiton. Vous sentez quelque chose de différent cette fois-ci ?Bonello : Pour mes précédents films, je n’étais pas aussi conscient de ce que ça représente que d’être à Cannes. Aujourd’hui, je suis vraiment très fier d’amener ce film en compétition parce que je comprends la beauté du geste et je vois surtout ce que c’est que d’être projeté dans ce cinéma. C’est la plus belle salle du monde. Et puis, cette année, la sélection est très excitante. Elle est risquée. Et voir mon nom au milieu de tous ces grands cinéastes, c’est génial !