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Avec la minutie d'artisans perfectionnistes, Hélène Cattet et Bruno Forzani construisent leurs films comme des patchworks, empruntant divers éléments au cinéma populaire italien de la fin des années 60. S'ils étaient musiciens, on les qualifierait de néopsychédéliques. Jusqu'ici, ils ont proposé des exercices de style somptueux mais hermétiques, à savourer pour le plaisir des sens. Celui-ci, adapté d'un roman de Jean-Patrick Manchette, pouvait laisser présager un film plus classiquement narratif. On y suit une bande de braqueurs qui ont trouvé refuge dans un château en ruine occupé par des artistes lorsque surgissent deux flics à moto. La suite est un jeu de cache-cache mortel dans une forteresse remplie de cachettes et de pièges. Avec Cattet et Forzani, le thriller penche encore vers l'abstraction, et chaque situation est un prétexte pour expérimenter. C'est donc un peu déroutant, mais il est facile de se laisser séduire (ou hypnotiser) par le rythme étrange et répétitif, parsemé de visions baroques qui témoignent de l'état d'esprit des occupants des lieux, dominés avec beaucoup d'autorité par Elina Löwensohn. Vers la fin, le délire s'intensifie pour aboutir à un stupéfiant climax au cours duquel les couleurs de divers liquides corporels se confondent avec des gerbes de lumières pour évoquer un feu d'artifice psychédélique. La musique, essentiellement puisée dans les classiques du giallo, confirme le fétichisme assumé du projet.