C8 diffusera ce teen-movie très réussi dimanche soir.
Un nouvel élève arrive dans une classe de quatrième et déniaise une bonne fois pour toutes le « teen movie » à la française. A sa sortie fin 2015, le réalisateur Rudi Rosenberg et ses interprètes revenaient sur la création mouvementée de cette comédie réussie. Flashback, à l'occasion de sa première diffusion en clair, dimanche soir sur C8 à 21h.
Interview publiée dans le numéro de Première de décembre 2015 : Le Nouveau raconte l’arrivée d’un quatrième dans sa nouvelle classe et la naissance d’une bande de pote. Sensible, mais fou furieux, hilarant et toujours un peu douloureux. Néo Breakfast Club (l’angoisse de l’adolescence) ou nouveau La Boum (l’esprit générationnel) Le Nouveau carbure surtout à l’énergie de ses interprètes. Encadrés par un Max Boublil impérial, Rephaël Ghrenassia, le nouveau, Guillaume Cloud Roussel, le bon élève coincé, et Joshua Raccah, le bon copain spécial, sont d’une justesse et d’une drôlerie comique irrépressibles. En vrai, c’est encore pire, comme le prouve cette interview dont on a eu du mal à sortir vivant.
Euh… Ce sont tes acteurs qui défoncent la poubelle là ?
Rudi Rosenberg : Ouais… Vous allez apprendre à les connaître.
J’ai regardé Le Nouveau en me disant constamment qu’on ne savait pas faire ce genre de film en France.
Rudi : La preuve que si…
Ce que je veux dire c’est que pour définir ton film, la presse fait le parallèle avec Les Beaux gosses. Ce qui ne me paraît pas si pertinent… Il y a de la moquerie et de la distance chez Sattouf, alors que tu es vraiment avec tes personnages.
Rudi : Oui, je vois. Mes modèles sont ailleurs... La Boum d’abord. Et puis les films ado comme L’Esquive de Kechiche ou ceux de Larry Clarke. Fucking amal, aussi, un film suédois génial, un très beau film sur l’adolescence. Comme Les Doigts dans la tête le meilleur Doillon, celui qui m’a en tout cas donné envie de faire du cinéma et de parler des ados… Mais ma vraie référence, c’était mon adolescence.
Tu ne cites jamais John Hughes. On y pense tout le temps, même ton distributeur parce que la bande-annonce…
Rudi : Je t’arrête : j’aime pas trop le trailer… Mais t’as raison, mon distributeur ne me parle que de Hughes… J’aime ses films, Breakfast Club évidemment parce que c’est un peu triste, un peu maladroit… Et je vois bien comment ça peut faire écho au Nouveau. Mais… C’est bête à dire. Moi, j’ai besoin d’humour. Encore une fois, l’idée de départ c’est…
(Les ados débarquent)
Rephaël Ghrenassia : Bonjour !
Guillaume Cloud Roussel: Salut la compagnie !
Joshua Raccah : C’est vous les journalistes de Première ?
Oui… Vous étiez vraiment en train de défoncer les poubelles ?
Rudi : OK. Là, ça va être bizarre, je vous préviens tout de suite. Ils sont spéciaux. Ils retournent tout à l’heure à l’institut…
Joshua : Marrant ta vanne Rudi !
Première question : est-ce que c’était vraiment de la bière sans alcool dans la séquence de fête ?
Joshua : Mais non ! Y avait vraiment de la bière. 14 degrés ! Truc de ouf ! (silence) Mais non t’es con… T’as pas compris la blague ou quoi ? Hey Rephaël, t’as vu ce truc ? (ils se plongent dans leurs portables)
Rudi : Je t’avais prévenu…. Bon… Je voulais d’abord raconter des souvenirs d’enfance. Mes souvenirs d’enfance. J’avais la trouille que mon film ressemble aux films américains qu’on voit tous les mois ou aux comédies françaises comme LOL. Et encore, LOL c’est loin d’être mauvais. Je déteste les films qui essaient de ressembler aux ados d’aujourd’hui. Le truc racoleur, où on parle comme vous, on écoute la même musique que vous… Pour moi, c’est ça le vrai cauchemar de la comédie teen française. Je ne supporte pas les « yo », les « zyva ». Quand je vois un truc où les ados jouent juste, je me dis « putain, enfin ! ». Je ne pouvais pas leur imposer des expressions, des attitudes. En faisant ça, j’aurais trahi mon sujet : Le Nouveau, c’est l’histoire d’un gamin qui apprend progressivement qu’on n’a pas besoin de ressembler aux autres pour exister, pour s’intégrer. Je le sais, je l’ai vécu.
On l’a tous vécu. C’est ça le plus fort : quand je vois tes scènes de cours j’ai l’impression de revivre les miens. Ta soirée foirée, il m’est arrivé la même chose…
Joshua : hinhinhin. Hey, les mecs, vous entendez : la soirée lose, il l’a vécue…
Guillaume : Ah ah ah tu voulais les ken ? Sans tes parents ! Rhoooo. Les meufs sont pas venues à ta soirée parce qu’elles sentaient que c’était foireux.
(Joshua à l’attaché de presse : Greg, tu peux aller demander des bonbons. Plein de bonbons. Une tonne ! Vazy. Tu mettras sur le compte de euh… de Rudi)
Rudi : C’est paradoxal, mais j’ai remarqué que les gens se reconnaissent dans les trucs les plus personnels. Sans doute parce que, ce qu’on a tous de commun, à l’adolescence, c’est l’amitié, les conneries et puis le malaise de débarquer dans un lieu que tu connais pas et cette folie d’essayer de plaire. On l’a tous vécu.
J’adore la scène de la piscine : les héros, qui sont les ringards, là, se transforment en freaks. On comprend alors que tous les ados, TOUS, sont cruels.
Rudi : Cruel c’est trop fort. Je dirai que c’est le manque d’empathie qui les définit. C’est plutôt de la maladresse et il y a la même chose chez la bande des « cools ». Tu vois des trucs affreux sur les vidéos qui circulent sur le web commentés par des MDR ou des PTDR… Ils n’ont pas d’empathie. Mais c’est un truc de protection. On se moque des autres pour se protéger aussi.
(Guillaume : viens on retourne à la poubelle ! 10 keuss si tu mets la jambe dedans !
Joshua : M’en fous de ta poubelle. Tu sais quoi ! J’ai péta un zip avec deux copains. J’ai changé les fils du Piaggo. T’enlèves le pare-brise, enfin le truc-là, et y a un fil vert et un fil blanc. Tu coupes, tu mets vert et blanc ensemble. Tu les tords. Tu remets le capot. Tu kick 5 ou 6 fois et hop…)
Comment s’est passé le casting ?
Rudi : Ça a été le plus compliqué. Il me fallait des acteurs « nature » qui aient envie de jouer les ringards. Il nous a fallu plus d’un an de recherche. On a vu 5000 jeunes, dans toute la France. On allait dans les collèges et on disait aux proviseurs : « je voudrais voir vos pires élèves ». Les mecs hallucinaient au début, et puis ils nous amenaient le pire.
Joshua Raccah : hinhinhin : Je te confirme !
Rephaël : Sérieux, t’as vraiment demandé ça ?
Rudi : Pas pour toi, mais pour ces deux-là oui ! Il me fallait des voyous, des… (le paquet de bonbon arrive. Joshua : arigato (il se précipite sur le paquet, le déchire et le bouffe) – Guillaume : oh putain, mais regardez moi ce gros porc qui capte tout – Rudi : on propose aux invités d’abord ! Aucune manière ! Des bonbons ??!! On va faire une boum là, c’est ça ? Demande à ce qu’ils éteignent la lumière…). Hmmm… pardon. Ils sont loin, très loin de leurs rôles. Lui (Guillaume, qui joue le premier de la classe), dans la vie, il deale du shit… Mais le plus important c’était de savoir s’ils allaient s’entendre pour de vrai.
Jusqu’à quel point le film était écrit ?
Guillaume : Y avait rien d’écrit ! On n’a rien lu. De toute façon, toutes les vannes qui marchent dans le film, c’est nous. Les deux ou trois pourris c’est Rudi qui les a écrites
Rudi : Je ne leur ai rien donné parce qu’ils savent pas lire.
Tu vannes comme eux en fait
Rudi : Il faut. Pour se défendre…
Donc vous arriviez et vous ne saviez pas ce vous alliez jouer ?
Rudi : Il exagère un peu. Je leur expliquais la scène au début de journée… mais il y avait des scènes importantes très écrites. Les scènes avec Aglaé (le rôle d’une jeune handicapée) étaient très écrites. Guillaume avait même une oreillette pour que je lui dicte ce qu’il fallait dire, comment le jouer, la mise en place. Les scènes avec Max (Boublil) étaient aussi très scénarisées… Mais il y a des petits miracles dans le film que je n’aurais jamais pu imaginer. Quand il parle à sa bière par exemple… (il se tourne vers Joshua) Ah mais putain ! Tu veux une cuillère pour les bonbons ? C’est dégueulasse comme tu manges !
Comment tu les « contrôlais » ?
Rudi : Avec des bonbons !
Guillaume : il a fait un truc de ouf. Il y avait des bonbons qu’il nous distribuait. Mais bon, c’est vrai, on s’en gavait. Un jour ils ont mis du liquide vaisselle dessus pour pas qu’on les bouffe.
Rudi : ils mangeaient tout ! Y avait plus rien… Mais même avec du liquide vaisselle lui (il montre Joshua) il continuait de les bouffer.
Joshua : Mais c’était pas du produit vaisselle. Ils ont mis un truc, un liquide pour laver les caméras et ça les rendait plus moelleux. Y avait plus de goût... tu sais que Haribo ils mettent plus de gélatine de porc ?
C’était vraiment un enfer ?
Rudi : Pas totalement, ils s’entendaient bien ! Ça nous a sauvé. Mais c’est vrai que c’est des gamins qu’on a trouvés dans la rue. J’avais l’impression d’être parfois un éducateur dans une ZEP. Mais il y a des moments de grâce.
Comme la scène de la cuisine ?
Rudi : Ça c’est génial. Et c’est eux. Quand il se met dans l’évier, c’est son idée.
Joshua : hinhinhin… Ouais je me suis glissé dedans, mais j’étais gros alors…
Guillaume : T’es toujours gros mec.
Joshua : Ta gueule ! Et après il a allumé le robinet sans que je le sache mais j’arrivais plus à sortir ! (il se lève) Hey viens Guillaume, t’as raison ! On retourne à la poubelle. Y a un zip, je te montre mon truc… (il sort avec Guillaume)
Certains de tes acteurs sont très forts… Tu penses avoir découvert le nouveau Vincent Lacoste ?
Rudi : Je sais pas. Rephaël, tu veux faire du cinéma ?
Réphaël : Ouais… Mon père connaît bien l’agent de Kev Adams, il va lui parler je crois.
Rudi : Ah cool. On a eu des propositions pour toi, faudra que j’en parle à ton père… Mais pour l’instant je les préserve un peu. J’aimerais pas les voir dans des pubs pour un camembert avant que le film sorte. Ça gâcherait le truc.
Ce fut quoi le plus dur à gérer ?
Rudi : Leur insolence. Ils étaient géniaux quand tu disais action, mais la rigueur après, c’était compliqué. J'ai l’habitude de tourner avec des ados. Je savais que c’était dur à gérer. Mais à ce point là, j’avais jamais vécu ! Jamais. Ça a été un bordel indicible.
Tu te souviens d’un vrai moment cauchemar ?
Rudi : Le bus ! On tournait en été et le car n’avait pas la clim. Je crois qu’à ce moment là, on a atteint le pire. J’avais une jeune stagiaire qui devait les encadrer et qui a fini par craquer. Ils l’ont littéralement fait chialer… On n’a jamais pu tourner la scène et j’ai fini par arracher la page du scénario. C’est vraiment le moment où je me suis dit que je pouvais ne pas y arriver. Eux ne jouaient pas leur vie. Moi, c’était mon premier film, je racontais l’histoire de mon enfance et chaque scène, c’était ma vie qu’on mettait à plat. Ils faisaient la première scène bien, mais arrivé à la troisième ou quatrième prise, ça les saoulait et là… bon courage. Ça nécessite du coup un peu d’impro, de l’astuce et du bol. La scène de la tarte par exemple, c’était le matin. Ils n’ont peut-être pas envie de se prendre un gâteau dans la gueule à 8h du mat', et je les comprends. Mais, miracle, ça a marché. A ce moment là, je te jure que je me mets à genoux et que je remercie Dieu. Un coup de poker tous les jours.
Du coup là, tu vas prendre un an pour te refaire une santé ?
Rudi : Ouais… là j’ai rien. J’ai raconté ma vie, on va remettre ces mômes en taule et je vais faire quelques pubs pour gagner de l’argent. Mais tu sais, ça n’est pas fini. Y a encore la tournée. Et regarde (les ados sont penchés sur un scooter avant de se mettre à se pourchasser avec des bouteilles d’alcools vides). C’était Apocalypse Now, je te dis !
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