Affiche sorties de films mercredi 21 septembre 2022
Ad Vitam/ Warner/ Pathé

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
LES ENFANTS DES AUTRES ★★★★☆

De Rebecca Zlotowski

L’essentiel

En racontant les péripéties d’une histoire d’amour entre une quadragénaire et le père séparé d’une fille de 4 ans, Rebecca Zlotowski signe le film le plus sensible et le plus attachant et de son parcours, magnifié par l’alchimie renversante entre Virginie Efira et Roschdy Zem.

Pour Rebecca Zlotowski, il y aura un avant et un après Les Enfants des autres, qui contraste avec ses œuvres précédentes où la cérébralité pouvait tenir à distance, même si dans Une fille facile, elle se craquelait déjà sous l’impulsion de l’électron libre Zahia Dehar. Mais avec Les Enfants des autres, tout change. Zlotowski s’empare d’un sujet d’une quotidienneté banale – une histoire d’amour entre Ali, père séparé d’une fille de 4 ans et Sarah, quadra sans enfant mais qui aspire à en avoir un – avec un sens du romanesque inouï et la mise au premier plan d’un personnage plus habitué aux seconds et aux caricatures : la belle- mère. Une belle- mère qui va forcément développer un lien intime avec une enfant qu’elle risque de ne plus jamais revoir si l’histoire avec son père se termine. Tout cela est raconté de façon très concrète, dans les situations, les dialogues et la manière qu’a la mise en scène de s’effacer derrière eux. Aussi à l’aise pour filmer la sensualité de la chambre à coucher que les conflits qui rodent, Zlotowski parle directement au cœur avec Les Enfants des autres. L’exercice est du coup plus casse- gueule mais le pari gagné haut la main grâce aussi à la manière dont Virginie Efira et Roschdy Zem s’emparent de leurs personnages sans des fioritures qui auraient ici été hors sujet. Deux immenses acteurs pour un film majeur, le plus beau de sa réalisatrice.

Thierry Cheze

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PREMIÈRE A AIME

NINJABABY ★★★☆☆

De Yngvild Sve Flikke

Rakel se rêve astronaute, garde- forestière ou dessinatrice. Mais à 23 ans, elle juge qu’elle a le temps pour penser à tout ça. Son quotidien se partage entre glande et coups d’un soir. Jusqu’au jour où elle se découvre enceinte… à deux mois et demi du terme ! Cette grossesse non désirée donne naissance à une comédie corrosive, loin des sempiternelles odes à la maternité triomphante. En colère contre ce corps qui l’a trahie, Rakel s’en libère en entamant un dialogue avec le futur rejeton, silhouette crayonnée et animée qui n’a pas sa langue dans sa poche et qu’elle seule peut voir. Librement adapté d’une BD norvégienne, Ninjababy aborde des questions graves (dilemme autour d’un avortement même ultra- tardif)  sans se départir d’un ton volontiers provoc’, façon Apatow au féminin, dans un équilibre parfait entre fous rires et émotion qui vous saisit sans qu’on l’ai vu venir. Un bijou.

Thierry Cheze

LA DERNIERE NUIT DE LISE BROHOLM ★★★☆☆

De Tea Lindeburg

Lise a 14 ans et rêve d’autres horizons que la ferme de la campagne danoise où elle vit au sein d’une famille luthérienne. L’action se déroule à la fin du XIXe siècle mais ici, le temps est à l’arrêt, figé voire pétrifié. Le vaste monde est un territoire inconnu, forcément terrifiant. Lise espère et aspire mais on le comprend très vite, elle va devoir se contenter de cet espace replié sur lui-même, d’autant que sa mère s’apprête à donner naissance un nouvel enfant que cette ainée se devra d’accueillir. La caméra reste solidaire de cette jeune héroïne dont elle épouse le point de vue. Et la danoise Tea Lindeburg qui après la réalisation de plusieurs séries s’essaie pour la première fois au long-métrage, parvient à installer du vertige, là où tout basculement est vécu comme un crime. Sa mise en scène immersive donne à ce drame bergmanien l’allure d’un puissant survival.

Thomas Baurez

MOONAGE DAYDREAM ★★★☆☆

De Brett Morgen

Alors que le documentaire musical vit actuellement un âge d’or, David Bowie méritait bien sûr le sien. Brett Morgen (The Kid stays in the picture) refuse dans Moonage Daydream l’approche biographique plan-plan et envisage son évocation de l’interprète de Space Oddity comme un voyage. Un voyage aux confins de la galaxie Bowie, immergeant le spectateur dans un impressionnant magma de chansons, archives, extraits de films, performances diverses, résultat d’un extraordinaire travail de montage, où les grandes périodes de la vie de l’artiste sont bien sûr racontées, mais surtout enchevêtrées, entremêlées les unes aux autres. Une façon pour Morgen de détacher Bowie des contingences historiques et terrestres (à part Brian Eno, ses collaborateurs ne sont pas évoqués) et d’ériger son œuvre en grand tout, d’une cohérence suprême : un spaceship voguant tranquillement vers l’infini.

Frédéric Foubert

JUSTE SOUS VOS YEUX ★★★☆☆

De Hong Sang- soo

Des gens de cinéma (une actrice éloignée des plateaux, un jeune réalisateur qui veut l’engager, un producteur venant mettre son grain de sel…) comme héros, des échanges où l’alcool coule régulièrement à flots… On est en terrain connu. Celui sur lequel Hong Sang- soo déploie depuis des années des films où l’art de la parole touche au sublime. Et le charme opère même en dépit du stakhanovisme du cinéaste (pas moins de 15 longs métrages en 10 ans, qui di mieux ?) qui finit au fil du temps par jouer contre lui et à banaliser son travail. Car la légèreté habituelle de son propos se trouve ici percutée par un tragique (cette comédienne malade qui se sait condamnée à terme) qui entraîne la comédie vers un ton caustique voire burlesque, inhabituel chez lui, le poussant à fendre l’armure comme rarement.

Thierry Cheze

L’OMBRE DE GOYA PAR JEAN- CLAUDE CARRIERE ★★★☆☆

De José Luis Linares

Jean-Claude Carrière, décédé le 8 février 2021, avait déjà sondé les fantômes de Goya pour Milos Forman en 2006. Le voici attaché ici à son ombre. Le scénariste émérite effectuait pour ce documentaire une dernière échappée en Espagne sur les traces de grand peintre originaire de l’Aragon (comme Luis Buñuel !) Si l’ombre du titre est au singulier, cela ne l’empêche pas de couvrir un vaste champ. Le génie de Goya reste en tout point mystérieux. Face à la création, il convient de rester humble, pour autant chacune des observations du sage Jean-Claude Carrière (et des différents intervenants dont Julian Schnabel), éclaire notre regard sur l’œuvre. L’observateur engagé s’incarne à travers les toiles de Goya. Dans l’ultime séquence du film, Jean-Claude Carrière face au diptyque de la Maja, lance un dernier adieu aux tableaux : « Il se fait tard maintenant pour moi... » Emouvant forcément.

Thomas Baurez

140 KM A L’OUEST DU PARADIS ★★★☆☆

De Céline Rouzet

Et si Avatar avait été un documentaire ? Des colons surarmés exploitant une terre luxuriante où les locaux résistent par un tribalisme mystique… OK, on n’a pas attendu James Cameron pour découvrir le colonialisme. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, ExxonMobil complote avec les autorités pour abrutir la population (le chef de la police déclare en meeting : « vendez vos terres pour faire passer la route, elle amènera la civilisation »), qui désespère des « règles des Blancs » et évoque une prophétie annonçant la fin du monde s’ils se séparent de leurs terres. Les images de Céline Rouzet sont terribles : la mise à mort de cochons à coups de bâton, le combat absurde d’un chef de famille face aux flics, et cette flamme de gaz qui brûle jour et nuit au-dessus des arbres et du lieu du drame comme un dieu terrifiant. Quelque part entre mythe et mondo.

Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

DON’T WORRY DARLING ★★☆☆☆

De Olivia Wilde

Alice (Florence Pugh) habite avec Jack (Harry Styles) dans une drôle de banlieue chic qui ressemble au Meilleur des mondes ou au Pays des merveilles. C’est la cité heureuse du machisme yuppie, les années 50 y sont éternelles, les femmes au foyer sexy et soumises, les enfants heureux et les hommes drôles et séduisants. Très vite pourtant, cet univers vacille. Quelque chose cloche dans cet univers propret et luxueux. Mais quoi ? L’ennui c’est que n’importe quel spectateur peut répondre dès les vingt premières minutes. Un peu de Matrix, beaucoup de Truman Show, énormément de Stepford Wives, le film d’Olivia Wilde recycle tous les concepts dystopiques sans jamais tenter de les renverser ou de leur donner un peu d’originalité. C’est la limite de cette fable popote, avec son discours féministe étrangement sage et poli et son horizon libérateur convenu – surtout post #Metoo. Reste pourtant deux atouts essentiels qui font de ce film une vraie friandise visuelle. Le look rétro et la photo de Matthew Libatique. Mais surtout Florence Pugh fantastique, qui prouve une fois de plus qu’elle est la plus grande comédienne de sa génération et l’âme de ce film qui aurait vraiment gagné à transcender son univers à la beauté vertigineuse.

Pierre Lunn

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UNE BELLE COURSE ★★☆☆☆

De Christian Carion

Une vieille femme monte dans un taxi. Elle doit traverser Paris pour rejoindre la maison de retraite, où elle va finir sa vie, mais en chemin, elle demande au chauffeur de passer par des lieux de son passé. Progressivement, elle recolle les morceaux de son existence et ce voyage va rapprocher la vieille dame et son conducteur, au fil de flashbacks qui innervent le récit et racontent la vie meurtrie de cette femme depuis les années 40. Un peu compassées, très académiques, les scènes où l’on voit l’héroïne tomber amoureuse, se battre contre un mari violent ou une société misogyne, plombent un peu le fleuve de sa mémoire. Mais les séquences dans le taxi, les gros plans sur l’inoxydable Line Renaud, le mélange d’insouciance et de détachement, de légèreté et de tristesse qui se dégage de son visage donnent une vraie puissance à cette histoire. Et face à elle, un peu comme le spectateur, Dany Boon se contente d’écouter. Ce qui en soit suffit à nourrir ce mélo vertueux.

Pierre Lunn

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LES SECRETS DE MON PERE ★★☆☆☆

De Véra Belmont

A 89 ans, Vera Belmont (Rouge baiser) se lance un nouveau défi en signant son premier film d’animation. En adaptant Deuxième génération, ce que je n’ai pas dit à mon père, la BD de Michel Kichka, elle raconte la communication difficile entre les survivants de la Shoah et leurs enfants dans les années qui ont suivi l’horreur, le silence des premiers pensé comme protecteur qui peut avoir l’effet inverse sur les seconds Les personnages et les situations y sont traités avec subtilité, dommage que l’animation ne soit pas à la hauteur, scotchée à un registre purement illustratif.

Thierry Cheze

ON A GRANDI ENSEMBLE ★★☆☆☆

De Adnane Tragha

Ce documentaire revient la célèbre cité Gagarine d’Ivry- sur- Seine, construite en 1963 et démolie en 2020, à travers les témoignages de plusieurs de ses anciens habitants en mode « Je me souviens ». Adnane Tragha se révèle un confesseur très doué mais il ne peut éviter la comparaison avec le Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh où les deux cinéastes avaient su brillamment s’emparer de cette même matière pour imaginer une fiction, aussi captivante par son fond que par la forme, où chronique sociale et science- fiction ne faisaient soudain qu’un. Et cette comparaison - forcément injuste mais difficile à s'enlever de la tête si on a vu Gagarine - se révèle de fait en sa défaveur.

Thierry Cheze

LIBRE GARANCE ! ★★☆☆☆

De Lisa Diaz

Le premier long de Lisa Diaz nous entraîne en 1982 où le braquage d’une banque par deux activistes italiens vient bousculer le quotidien d’une famille qui s’est installée dans un hameau isolé des Cévennes pour vivre une vie alternative. Mais en voulant parler en 96 minutes d’engagement politique, des rapports amoureux d’un couple où chacun s’est engagé à laisser de la liberté à l’autre tout en suivant la sortie de l’enfance de leur fille de 11 ans (Azou Gardahaut Petiteau, une révélation aux faux airs de Charlotte Gainsbourg), la cinéaste reste hélas trop à la surface des choses.

Thierry Cheze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

KOATI ★☆☆☆☆

De Rodrigo Perez Castro

Les animaux de la jungle font allégeance à un fauve royal au son d’une chanson sur le sens de la vie : l’ouverture de Koati copie façon DTV Le Roi lion (qui pompait Osamu Tezuka, d’accord !), avant de se changer en copie de L’Age de glace 2. Le tout en beaucoup moins bien. Certes, il y a quelques belles idées (les décors splendides, les effets magiques), mais le film n’est pas assez fort pour faire oublier ses « inspirations » et son ton parfois franchement misogyne. C’est l’histoire de la vie ?

Sylvestre Picard

 

Et aussi

Le Chameau et le meunier de Abdollah Alimorad

Les Démons d’argile de Nuno Beato

L’Epave, de Cornel Gheorghita

Metamorphosis, la lutte pour la vie, de Michel Patient

La reprise

Avatar, de James Cameron