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"Bonsoir à tout !"

Il n'avait pas le choix. C'est Vincent Lindon qui le dit. Le président du jury du 39ème Festival du film américain de Deauville (qui a commencé le 30 août) n'a pas hésité une seconde pour choisir Cate Blanchett lorsqu'on lui a proposé des noms de stars auxquelles rendre hommage. Sur la scène du festival, samedi soir, Lindon manquait de superlatifs pour qualifier l'actrice : inoubliable, naturellement douée, magnifique. Le comédien racontait qu'il avait lui-même insisté pour que Blue Jasmine de Woody Allen se retrouve en compétition... Lindon citait une interview de l'actrice qui résumait bien l'idée qui prédisposait à ses choix de carrière éclectiques : "si je sais parfaitement comment je dois jouer en lisant le scénario, je me dis que le rôle doit aller à quelqu'un d'autre. Ce qui me fait avancer, c'est la décharge d'adrénaline à la peur de foirer le rôle". L'actrice est ensuite venue sur scène recevoir son trophée-hommage, parlant quelques mots de français ("bonsoir à tout !"). Avant de rappeler avec humour que l'hommage qu'elle reçoit vient de la part d'un festival de cinéma dédié à l'Amérique, alors qu'elle est australienne... Après un montage vidéo qui retraçait sa carrière folle (Intuitions de Sam RaimiAviator de Martin Scorsese qui lui valut son Oscar du Meilleur second rôle féminin, I'm not There où elle joue Bob Dylan, L'Etrange histoire de Benjamin Button...), le public de Deauville put enfin découvrir Blue Jasmine.

"Je ne sais pas quoi faire de ma vie"

Ceux qui pensaient voir un nouveau Minuit à Paris ou To Rome with love en furent pour leurs frais. Blue Jasmine est une comédie dramatique, une vraie. Avant, Jasmine était riche à millions et membre de la très haute société nex-yorkaise. Mais Jasmine a tout perdu : son mari, un escroc à la Bernard Madoff, a été arrêté par le FBI et l'Etat les a dépouillés. N'ayant nulle par où aller, elle se réfugie à San Francisco chez sa soeur adoptive Ginger (Sally Hawkins), humble caissière prête à se fiancer à Chili, un garagiste beauf.  Au fil d'une structure très fine en flash-blacks qui dévoile peu à peu secrets, mensonges et trahisons, Woody Allen dresse un portrait de femme qui est confrontée au vide de son existence, elle qui n'a jamais su exister qu'à travers son mari. "Je ne sais pas quoi faire de ma vie", s'étouffe-t-elle tout en s'assommant de cocktails Xanax-Martini et en reprochant à Ginger (sa parfaite antithèse, mais heureuse, elle) son manque d'ambition. En retrouvant les USA après les détours touristiques de Paris et Rome, Woody Allen livre un drame borderline dont la rigueur et l'épure évoquent Match Point (on frôle même le thriller) et offre à Cate Blanchett l'un des ses plus beaux rôles. D'une justesse incroyable, jouant sur une palette d'émotions incroyablement variée sans jamais perdre de vue son personnage (la scène hallucinante et hilarante où elle se confesse face aux enfants de Ginger), Blanchett pourrait avoir trouvé là son ticket pour un deuxième Oscar.

Sylvestre Picard

Blue Jasmine fait l'objet d'un supplément spécial au magazine Première (avec des interviews exclus de Woody Allen et Cate Blanchett), en kiosques mercredi 4 septembre. Et le film sortira en salles françaises le 25 septembre. Bande-annonce :