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Prix Nobel de littérature, auteur des Vestiges du jour, Kazuo Ishiguro jette un pont entre le Japon, où il est né, et le Royaume-Uni, où il vit depuis son enfance, dans les années soixante. C’est lui qui a initié et scénarisé ce remake de Vivre (1952), d’Akira Kurosawa, et a choisi d’en délocaliser l’action dans son pays. L’écrivain a été marqué dans sa jeunesse par le film, magnifique portrait d’un petit bureaucrate aux rêves éteints qui, apprenant qu’il souffre d’un mal incurable, se lance dans un projet qui pourrait donner un sens aux quelques mois qui lui restent à vivre : l’assainissement d’un terrain vague et la construction d’un jardin d’enfants. Dans un style inspiré par le néo-réalisme, Kurosawa croquait le Japon meurtri de l’après-guerre. Ishiguro met en parallèle les sociétés japonaise et britannique, l’idée d’un ordonnancement social strict qui étoufferait l’individu. En compagnie du réalisateur Oliver Hermanus (Beauty), illustrateur doué, il recrée le monde de son enfance. Le film dépeint très joliment ce monde corseté, le défilé des gentlemen bien sous tous rapports, grimpant au petit matin dans leur train de banlieue, pour aller vaquer avec dignité, le menton en avant, à des occupations dérisoires. Succédant au grand Takashi Shimura, Bill Nighy, qui a lui aussi connu ce monde dans son enfance (il est né en 1949), livre une impressionnante prestation minimaliste, minérale, à rebours de ses facéties habituelles de baby-boomer rock’n’roll. Une leçon d’humanisme et d’élégance « stiff upper lip », comme on dit outre-Manche.