-
On sait depuis Dreyer et Bergman que les cinéastes nordiques sont des taiseux travaillés par les questions afférentes à la condition humaine en général, la religion et les mythes. Pour Joachim Trier, leur lointain successeur, la question est de savoir comment s’y prendre avec les autres pour éviter de sombrer tout seul. Après Oslo, 31 août et Back home, le cinéaste norvégien continue de creuser la thématique de la solitude en l’inscrivant cette fois dans un cadre résolument fantastique. Qui est donc cette Thelma, jeune étudiante neurasthénique que ses parents inquiets appellent tout le temps ? Aurait-elle un pouvoir sur les éléments ? En quoi son attirance pour la belle Anja représenterait-elle un danger ? Est-elle un ange ou démon ? À la façon d’un Brian de Palma dans Carrie au Bal du Diable, Trier distille les infos au compte-gouttes, introduit progressivement une famille dysfonctionnelle (malgré un contrôle affiché), spéculant sur les attentes des spectateurs et sur leurs propres angoisses. Thelma est un film de maniériste (c’est un compliment), sûr de ses effets (ils sont très réussis) et tellement conscient de son efficacité que les coutures en sont grossièrement apparentes pour quiconque connaît son Polanski ou son Shyamalan sur le bout des photogrammes. Thelma possède pourtant un je-ne-sais-quoi de sophistication vénéneuse, une forme d’ambiguité retorse (en large partie redevable à la gracile Eili Harboe) qui le rendent très fréquentable.