- Fluctuat
C'est parce qu'il lui fallait parler de son pays que Yamina Bachir-Chouikh s'est décidé de troquer son rôle de technicienne de cinéma pour celui de réalisatrice. « Rachida est né d'un besoin de dire des choses à un moment où le pays était très médiatisé, déclarait-elle lors du dernier festival de Cannes. Au moment où le terrorisme faisait rage, beaucoup de choses ont été dites, toutes n'étaient pas justes. » Le film émane d'une volonté de revenir sur cette période et d'en raconter la quotidienneté.
A Alger, il n'y a plus d'eau courante. Celle-ci n'est rétablie qu'en pleine nuit à une heure indéfinie. La soif de liberté de la jeunesse algéroise n'est pas seulement spirituelle. Sous l'emprise larvée de l'intégrisme, elle s'arrange des conventions. Sous les djellabas, les filles osent porter de jolies chaussures ; postés au carrefour, attendant l'arrivée de l'eau, les jeunes hommes plaisantent sur le régime et se jouent du couvre-feu.Rachida est une jeune et belle institutrice. Femme forte, elle assume ses choix, ses idées anti-conservatrices. Quand un de ses anciens élèves lui demande de poser une bombe dans son école, elle refuse. Froidement abattue elle est laissée pour morte. La scène dure quelques secondes, la pensée n'a pas eu le temps de se formuler que déjà le corps est à terre, les stores des magasins de la rue tirés, personne n'a rien vu de peur de subir la même violence aveugle. Soignée, la jeune fille se réfugie avec sa mère dans un village où elle retrouve progressivement le goût de la vie. Elle combat ses peurs, acquiert la force de sortir de chez elle et de reprendre son métier. Cependant le terrorisme gagne, le quotidien est à nouveau rythmé par la peur. Il faut lutter, résister à la terreur.Bahia Rachedi, grande actrice algérienne, interprète une mère inquiète pour sa fille mais confiante en l'avenir de son pays. Face à elle, la très belle Djouadi Ibtissem incarne avec force la jeune institutrice. Si toutes deux sont émouvantes de sincérité, tous les personnages du film sont montrés sous leur meilleur jour. Il émane d'eux une fierté d'être algérien malgré la peur. Bien sûr le film se révèle parfois naïf et faussement poétique. Les enfants sont souvent utilisés comme motifs d'apitoiement, ce qui est un peu trop facile et convenu. Pourtant, on peut tout à fait saluer l'arrivée de ce film sur nos écrans. D'autant plus qu'il sort une semaine après l'ouverture des festivités de l'Année de l'Algérie. Un bémol bienvenu qui rappellera un passé dont beaucoup ne peuvent si facilement faire table rase.
Rachida
Algérie-France, 1h40, 2002
Réalisation : Yamina Bachir-Chouikh
Avec : Djouadi Ibtissem (Rachida) - Bahia Rachedi (sa mère), Rachida Messaouden, Zaki Boulenafed, Amel Chouikh, Abdelkader Belmokaden, Mohamed Remas, Aïda Guechoud, Azzedine Bougherra, Narimen Laalali.
Sortie nationale : le 8 janvier 2003
- Le site officiel.
- Djazaïr, 2003 année de l'Algérie en France.
- Le festival de Cannes (dossier 2002).