Première
par Christophe Narbonne
Renforcée par le choix d’un sujet voisin, la présence répétée de Sareh Bayat au générique et le distributeur français commun, la proximité du premier long métrage d’Ida Panahandeh avec Une Séparation d’Asghar Farhadi n’est pas qu’une vue de l’esprit. Elle saute tellement aux yeux qu’il faut prendre du recul pour mesurer les différences entre les deux films qui forment une sorte de dyptique sur la condition de la femme iranienne – de l’épouse, plus précisément. Nahid pourrait ainsi être la suite directe d’Une Séparation : l’enfant a choisi de vivre avec sa mère (un rôle que ne jouait cependant pas Sareh Bayat dans le chef-d’œuvre de Farhadi), une nouvelle vie commence pour ces deux êtres fragilisés par les événements. Un garçon, plus jeune et ingérable, remplace la pré-adolescente sensible, et à l’ex-mari relativement sensé se substitue un être électrique, ancien drogué en phase balbutiante de réhabilitation. Mais contrairement à Une Séparation, qui recouvrait tout le spectre social, religieux et politique de l’Iran avec son intrigue à multiples tiroirs et ses nombreux personnages, chacun porteur d’une parole et d’une conviction, Nahid est entièrement focalisé sur l’héroïne dont le comportement et la dérive intime sont dictés par ses rapports tronqués aux autres. Elle se fâche avec son fils qui lui en veut de ne pas chercher à le comprendre ; elle attise la vengeance de son ex-mari par son mépris ; elle met en danger sa nouvelle histoire d’amour parce qu’elle finit par douter d’elle-même et des hommes. Nahid n’a de prise sur rien et c’est là que repose sa tragédie. Son sort étant dans les mains du patriarcat, elle s’enfonce dans une forme de déni, motivée par l’orgueil et une surestimation de sa capacité à maîtriser son destin. Au final, comme Farhadi, Ida Panahandeh ne condamne personne et clôt son beau film sur un plan d’ensemble énigmatique, shooté par une caméra de surveillance. Tout un symbole.