- Fluctuat
Man on the Moon est le reflet exact de ce que l'on appelle l'illusion au cinéma. Milos Forman, qui signe là son meilleur film depuis Amadeus (un bail !), a compris que sentimentalisme exacerbé et biopic grandiose n'ont jamais fait bon ménage. Et puis, il y a Jim Carrey, qui incarne le génie burlesque.
« Je ne suis pas un comique. Juste un simple chanteur et danseur de cabaret ». Tout le film est dans cette définition - exacte - formulée par Kaufman himself (décédé en 1984). Qui est cet hurluberlu ? Ou plutôt qui fut-il ? Un gars qui ébranla l'humour américain par un nonsense foudroyant, dépucela les règles du genre, ficha un tel bordel dans les chaînes de TV que même le public du célèbre Saturday Nights Live Show demanda son licenciement. Forman, qui n'en est pas à sa première biographie filmée (biopic), prit d'assaut l'idée que lui suggéra Danny De Vito, et se mit au travail. Assisté de l'élégance stylistique de Scott Alexander et de Larry Karaszewki (auteur du très réussi Ed Wood), il mit au point un système de filmage basé essentiellement sur le rythme.La structure narrative est certes convenue (l'enfance / les débuts difficiles / le succès / le déclin / la fin) mais tous ces épisodes ne sont à aucun moment alourdis par des propos moraux. Ce qui intéresse Forman, c'est le personnage Kaufman. Humoriste aussi libre que le McMurphy du Vol au-dessus d'un nid de coucou (1975), il avait cette fâcheuse tendance (qualité ?) de poursuivre hors scène ses facéties. Toujours en décalage, pas assez complaisant avec les spectateurs, puisant son inspiration dans le bordel visuel, Kaufman ne savait jamais s'arrêter.Outre les qualités scénaristiques, le classicisme d'une mise en scène (qui parfois ne prend pas trop de risque) et le fantastique jeu de scène de Jim Carrey, Man on the Moon brille surtout par la cohérence des propos filmés. Forman a compris que l'on ne pouvait réaliser une biopic si on ne s'imprégnait pas de l'atmosphère dans laquelle évoluait le personnage. Larry Flynt fut un personnage lunatique, puissant et ferme et certaines séquences du film qui retraçait son histoire le montraient humble pour apitoyer le spectateur sur sa misérable vie. Dans Man on the Moon, la sincérité et le non conformisme d'Andy Kaufman ne sont jamais explicités, mais suggérés. Construite de manière à plonger le spectateur dans un gouffre aux chimères, la mise en scène de Forman présente un Kaufman, totalement hors norme, d'une gentillesse sans limite (la séquence du concert de Carnegie Hall) et qui fut broyé par un système qu'il n'a jamais pu maîtriser : l'illusion des studios.Man on the moon
De Milos Forman
Avec Jim Carrey, Danny DeVito, Courtney Love
Royaume Uni / Japon / Allemagne / Etats Unis, 1999, 1h57.
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