-
Une dystopie récompensée en 2020 du Grand Prix de la Semaine de la Critique à de Venise et qui, depuis, n’a pas pris une ride. Un premier long comme un sacré défi : raconter l’état chaotique complexe de la Turquie (en s’inspirant du coup d’Etat raté de 2016 contre Erdögan) en seulement 90 minutes. Et un pari réussi au fim d’un film- puzzle choral à la forme volontairement déstabilisante (à l’image de ce « Fantômes » qui surgit en lettres capitales, 20 minutes avant la fin, comme s’il marquait la conclusion du récit) sans pour autant jamais perdre le spectateur. On y suit trois personnages principaux aux destins entremêlés dans une ville que des manifestations violemment réprimées conduisent au bord du black- out. Une jeune danseuse activiste qui aspire à devenir professionnelle. Une femme travaillant dans le ramassage des ordures dont le fils est incarcéré dans une prison surpeuplée pour un crime dont elle est certaine qu’il est innocent. Et un petit trafiquant de drogue vivant aussi d’arnaques immobilières en logeant des réfugiés syriens dans des quartiers historiques d’Istanbul en pleine réhabilitation. Le temps d’une nuit, Les Fantômes d’Istanbul parvient à embrasser la situation complexe du pays sans pour autant jamais dans le film catalogue. Grâce à l’écriture en profondeur de ses personnages tous sauf réduits à des archétypes et à cette ambiance de thriller sous tension venant bousculer la simple chronique sociétale qu’Azra Deniz Okyay parvient à faire naître par sa mise en images élégante, personnage à part entière de son récit. Un Amour chiennes à la sauce turque.