- Fluctuat
Le petit voleur est un beau film, cru mais digeste, au rythme enlevé, qui nous conte les errances et les choix d'un jeune homme au commencement de sa vie sociale. Apprenti boulanger à Orléans, S., silhouette frêle, mine revêche, beau regard clair, est révolté par sa condition. Pour lui, le travail est synonyme d'esclavage, son milieu une prison, il rêve de liberté, il n'est pas sérieux, il a 18 ans.
Lire la chronique peu enthousiaste de Le petit voleur par Anne Laure Bell.Au début du film, il n'a ni le désir ni les moyens d'une critique réfléchie sur sa condition. Ouvrier parmi les ouvriers, hédoniste parmi les adolescents, son malaise est finalement le produit logique d'une société de consommation qu'il ne remet pas en question, où le rêve, le bonheur et la liberté auxquels il aspire sont trop chers pour lui. S. veut échapper au piège, à la grisaille d'Orléans que Zonca met en scène par des séquences d'intérieur exclusivement nocturnes. Sa décision de devenir voleur, par quoi débute le film, de rompre les contrats sociaux, moraux, auxquels il est lié, n'apparaît pas comme une affirmation mais, au contraire, comme une fuite.S. part pour Marseille. Les espaces du film s'ouvrent, les plans sont inondés du soleil et des couleurs chaudes du midi de la France. Une courte séquence d'introduction, tournée dans le style du reportage, pendant laquelle un voleur explique à la caméra son point de vue : « Il n'y a pas de raison que ça ne soient que les riches qui en profitent ». Son propos n'est pas celui de la marginalité (il ne veut pas être voleur), mais celui d'une participation économique (il veut être riche). Ainsi, dans le clan où il entre, S. retrouve la violence physique doublée cette fois de l'illégalité, les mêmes rapports hiérarchiques que ceux qu'il connaissait à Orléans. Il devient apprenti voleur.Eric Zonca reprend ici une thématique chère à Bresson (on pense à Pickpocket), cette idée que les plus dangereux détours de l'existence, non seulement n'altèrent pas la fibre des individus, mais qu'ils la révèlent. La trajectoire de S. est une façon pour lui de découvrir cette fibre en faisant l'expérience de ses propres limites. Il y trouvera une stabilité intérieure, une force pour regarder le monde en face et pour y prendre place.Bressonnien aussi par le choix d'acteurs parfois non professionnels en fonction de leurs parcours individuels et de la qualité brute (non jouée) de leur présence, tendance générale du cinéma social européen (K. Loach, J.F. Richet, L. Cantet ). Ainsi S. (Nicolas Duvauchelle), fut découvert dans un club de boxe, et c'est la beauté de sa voix, mise en valeur par une attitude plutôt silencieuse, qui a séduit Eric Zonca. De même, Martial Bezot qui n'est pas comédien, Chacal dans le film, dégageait une violence instinctive que le réalisateur a voulu insuffler dans son film.Il ressort de ces choix une vigueur et une fraîcheur qui servent admirablement le sujet du Petit voleur, où la caméra sait recueillir certaines maladresses attendrissantes des personnages qui s'accordent parfaitement avec la description de ce parcours d'adolescent vers l'âge adulte.Le Petit voleur
De Eric Zonca
Avec Nicolas Duvauchelle, Yann Tregouët, Jean-Jerome Esposito
France, 1998, 1h05.
Le Petit Voleur