-
Rentrant par la fenêtre quand on le vire par la porte, Carles, véritable Pied Nickelé de l’info, s’invente un double (Pedro
Carlos) ou engage une journaliste sud-américaine pour approcher Jacques Chancel, Patrick Le Lay, Jean-Pierre Elkabbach, Hervé Bourges ou Bernard Tapie. Parfois, il y parvient, mais pas toujours. Dans ce cas-là, il comble avec des images d’archives, des pieds de nez, de l’agit-prop et pas mal d’introspection. C’est foutraque, inabouti, salutairement insolent et unique en son genre.
Toutes les critiques de Fin de concession
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
-
Reconnaissant son impuissance à piéger ses interlocuteurs avec sa caméra, Pierre Carles porte son combat sur le terrain du montage, et s'y révèle bien meilleur. Le film est long, 2 h 11, mais on en redemanderait tant est à la fois drôle, fin et riche de sens le système d'échos à multiple détente qu'il construit entre son petit scénario de Robin des bois usé et les fabuleux documents d'archives qu'il a dégotés.
-
Via, cette fois, la très hypocrite promesse de remise en question tous les dix ans de la concession de TF1, contenue pourtant dans la charte de la chaîne privée. Situation tacite que plus personne ne dénonce sauf le cinéaste qui fait ici le constat d'un retentissant échec démocratique. Mais il perd aussi du temps à se poser comme victime (discutable) et ne retrouve pas la pugnacité qui faisait jusque-là la signature de ses manifestes citoyens.
-
Le journalisme d'investigation indépendant ? Un voeu pieux. La critique des médias ? Elle a vécu. Face à la rouerie des Elise Lucet et autres Cavada, passés maître dans l'art de déjouer ses chausse-trappes, Pierre Carles prend des airs de Don Quichotte cathodique. Et le voilà réduit au canular bête et méchant (repeindre le scooter de David Pujadas en doré) et au fait d'armes peu glorieux (interpeller sans ménagement un Etienne Mougeotte affaibli par la maladie). En définitive, même si cet infatigable empêcheur d'informer en rond prend conscience des limites du « seul contre tous », il fait entendre un autre son de cloche. Tapageur et salutaire.
-
Il pratique un journalisme à la Michael Moore, l’imposture comme les Yes Men et ne déteste pas jouer les entarteurs. Enquêtant sur la fin de concession décennale de TF1 et sa reconduction automatique au groupe Bouygues, Pierre Carles s’en prend à la connivence entre médias, pouvoirs politique et économique. Il convoque Mougeotte, Villeneuve, Bourges, court après Tapie, Chancel… A l’aide d’archives, d’interviews, entre humour et introspection, il tente de prendre en défaut ses interlocuteurs, parfois conscient de vouloir s’en venger. Il ne cible pas seulement TF1, "la télé des idées qui détruisent la France", dit le député Montebourg dans le doc. France 2 en prend aussi pour son grade via son présentateur du JT David Pujadas. Iconoclaste et politiquement incorrect.
-
Carles s'accroche quand même, il doit coûte que coûte finir le travail, du moins refaire le coup magistral de Pas vu, pas pris. Sa pugnacité ressemble vite à un entêtement un peu suicidaire, un peu prévisible. Les acteurs de la privatisation de TF1 sont morts, retraités, ou affaiblis (l'un des seuls piégés, Etienne Mougeotte, cancéreux et misérable, noie facilement le poisson), mais surtout, ils connaissent Pierre Carles et refusent ses demandes d'interview. Après moult tentatives, Tapie lui répond par téléphone, quelques paroles qui synthétisent l'échec prévisible du projet : « je n'ai aucun intérêt à vous répondre. Je n'accepte un entretien que si j'en tire un profit. » Le film tente alors une introspection un peu glauque : doute des producteurs sur la tournure des évènements, autocritique cuisante du réalisateur, conforté par un ami sceptique devant les rushes. En émerge la conscience que quelque chose s'est cassé, que Carles s'est embourgeoisé, qu'il se laisse trop facilement attendrir, qu'il doit remuscler son film et ses canulars, d'où le fameux épisode Pujadas (un commando tague son scooter et lui remet la laisse d'or du journaliste laquais du pouvoir), bouc émissaire désigné par défaut. En tout cas, ce climax un peu piteux ne résout pas le malaise existentiel de Carles, bien au contraire : le film se termine par un extrait d'une émission de Morandini qui, le regard scandalisé, rapporte « l'agression faite à David Pujadas ». Pas de quoi, hélas, faire trembler le système.
-
Victime de sa réputation d’agitateur, Carles est refoulé par tous ses contradicteurs, au point d’inviter, à mi-parcours, un ami réalisateur, sommé de donner son opinion sur le projet en cours. Lequel pense exactement comme nous : amusé par la roublardise de l’énergumène, un peu circonspect quant à la profondeur de son enquête.
-
Si nous avons toujours défendu Pierre Carles dans sa farouche volonté de critiquer la télévision (l’excellent Pas vu, pas pris) ou le système capitaliste dans son ensemble, nous n’avons pas été franchement emballés par son Fin de concession qui sent la redite, tout en surfant sur le succès de la méthode Michael Moore pour faire rire à peu de frais le spectateur. Si les questions que l’auteur pose sont pertinentes et courageuses (pourquoi la concession de TF1 est-elle toujours reconduite automatiquement au profit de la société Bouygues ? Quels sont les rapports entre la chaine et le pouvoir ? Les journalistes sont-ils réellement libres dans notre pays ou ne sont-ils que les valets du pouvoir ?), sa façon d’interroger les grands de ce monde le discrédite immédiatement. Effectivement, Pierre Carles ne pose pas les questions afin d’avoir une réponse construite, mais bien afin d’imposer son point de vue. Incapable de mener ses interlocuteurs à la contradiction, il se contente de les pousser à bout afin de se faire mettre dehors comme un vulgaire chenapan. Certes, la méthode est amusante deux minutes, mais elle n’apporte rien de concret au sujet.