Toutes les critiques de Amours chiennes

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Le film d'Alejandro González Inárritu commence à cent à l'heure dans une voiture. Sur le siège arrière inondé de sang, une vie qui s'échappe. Le conducteur parle, supplie de tenir encore un peu jusqu'à un hypothétique refuge, il conduit l'échappée menacée par des poursuivants armés.
    La parentée avec Réservoir Dogs est flagrante. Le titre d'abord est un brin chien dans les deux cas. L'un se passe à L.A., l'autre à Mexico. Mais ici les bandits qui se poursuivent dans leurs grosses voitures n'ont pas le joli passé des conducteurs de corvettes américaines. De l'autre côté de la frontière, les coups de feu ont moins de glamour et les destins sont comme marqués par un irrémédiable échec. La réalité implacable laisse peu de chance.L'acuité d'un Tarantino était évidemment à citer. Le prégénérique est un hommage, une base solide qui ancre le film dans une urgence comme s'il fallait en passer par là pour exorciser le respect éprouvé face à l'enfant terrible de Salinas. Pourtant cette référence assimilée, la suite reste à fleur de peau sur un mode tout à fait personnel. Le travail du son et la musique ponctuent les évènements avec force. Comme dans ces premières images : un son saturé prend au coeur et aux tripes et dresse nos épidermes face à l'extrème urgence, flagrante dans ces plans. Pas trop de cut, pas de cascades... des images justes. La caméra toujours sur le qui-vive, fixe ses personnages, capte des vies dans un hasard organisé, transforme les figurants en personnages principaux dans une structure scénaristique éclatée.Susanne et Octavio vivent un amour un peu incestueux, c'est en cela qu'il est chien. Animal, organique, comme deux peaux qui s'attirent et se respirent. Susan est la belle-soeur d'Octavio, enceinte et mariée trop tôt, elle subit la violence de son époux et les sarcasmes de sa belle-mère. Alors son amant, cet innocent aux splendides yeux verts, qui a l'enthousiasme et le romantisme de la jeunesse, lui promet un ailleurs plus beau. Grâce à son pitbull Cofi, il gagne les paris de combats de chiens, et accumule une petite fortune.Frère de souffrance d'Octavio, l'animal est son double. Il n'est pas martyre, car ce n'est pas un héros. Dans cette vie quotidienne de telles figures n'existent pas. On peut guérir d'un accident qu'on soit une star ou un voyou. On ne gagne pas tous les paris, on rate les braquages, et les caissiers de supermarché sont aussi de sombres trafiquants.La première fois que l'on voit Valéria, c'est à la télévision. Cette splendide mannequin est invitée à un talk-show. S'asseyant parmi les invités, elle se transforme très vite en femme tronc et annonce le début de sa nouvelle vie. A la ville elle est effectivement promise à un nouveau bonheur. Son amant, vient de quitter femme et enfants pour s'installer avec elle dans leur appartement. Son seul lien sincère avec un être vivant semble être celui qu'elle entretient avec son chien. Pour l'animal, elle n'est pas une figure de papier glacé, elle est sa maîtresse, une personne qui s'occupe de lui. Le petit chien-chien bien entretenu est un miroir du mannequin. Tous deux dénudés de leurs apparats, sont amochés à l'extrème. Ainsi, ils pourront construire une vie sincère où la futilité de la beauté et de ses caprices n'a plus sa place.Ainsi va Amours Chiennes, à travers le prisme du meilleur ami de l'homme. Avec ce scénario, dit le réalisateur, "j'avais enfin entre les mains une chose qui me permettrait d'exorciser ma terrible peur de l'ordinaire expérience humaine de la vie quotidienne". Dirigeant ses acteurs avec finesse, il les amène à se dévoiler complètement renforçant ainsi l'aspect organique du film.Plébiscité dans de nombreux festivals, ce premier long métrage sorti il y a une semaine au Mexique fait déjà partie de l'histoire, totalisant la deuxième plus grande fréquentation de toute l'histoire du cinéma mexicain. Souhaitons lui une aussi belle carrière en France...Amours chiennes
    Réal. : Alejandro González Inárritu
    Scénar. : Guillermo Arriaga
    Avec : Goya Toledo, Vanessa Bauche, Gael Garcia Bernal
    Mexique - 2000 - 2h33mn
    Interdit aux moins de 12 ans