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En 2006, Florent-Emilio Siri réalisait « L’ennemi Intime », un témoignage implacable sur les exactions commises en 1959. Retour sur un tournage éprouvant dans les montagnes de l’Atlas marocain à l'occasion de la diffusion de ce long-métrage sur France 2.

En 2006, Florent-Emilio Siri réalisait « L’ennemi Intime », un témoignage implacable sur les exactions commises en 1959. Retour sur un tournage éprouvant dans les montagnes de l’Atlas marocain à l'occasion de la diffusion de ce long-métrage sur France 2. pagebreak Votre film souligne les aspects les plus sombres de la guerre d’Algérie, comme la torture ou les massacres de civils. N’auriez-vous pas noirci la réalité historique ? Absolument pas ! Le film a été scénarisé par Patrick Rotman, qui avait réalisé pour son documentaire Ennemi Intime un énorme travail de recherche historique. Les scènes de combats ont été supervisées par Hervé Job, un ancien membre des commandos parachutiste en Algérie. Certaines séquences éprouvantes, comme l’usage du napalm, les massacres de villageois ou la torture par l’électricité, ont hélas bel et bien existé lors de l’été 1959, période terrible durant laquelle l’intrigue se déroule.pagebreak La guerre d’Algérie reste un sujet sensible en France. Quel accueil le film a-t-il reçu par ceux qui ont vécu cette guerre ? Certains militaires français, qui ont toujours nié la torture, ont très mal réagi. Des femmes d’anciens combattants sont venues me voir pour me dire : « Je comprends aujourd’hui pourquoi mon mari ne m’a jamais parlé de l’Algérie. » Lors d’une projection en salle, à Marseille, j’ai vu des harkis en larmes. L’un d’eux m’a confié : « Mon grand père a fait la grande guerre. Mon père a fait la drôle de guerre, et moi j’ai fait la salle guerre… »pagebreak Pourquoi ce titre « Ennemi intime » ? Comment mes personnages vont-ils résister à la barbarie, comment vont-ils sauver leurs âmes face aux terribles crimes qu’ils sont obligés de commettre ? Les pires combats sont ceux que l’on mène à sa conscience… pagebreak Avez-vous rencontré des difficultés pour financer le film ? La guerre d’Algérie est un sujet délicat qui fait peur aux chaînes de télévision. J’ai mis plus de quatre ans à convaincre France 2 et à finaliser le montage financier. Benoît Magimel, qui tenait absolument à interpréter le rôle du lieutenant Terrien, a pesé de tout son poids pour que les choses se débloquent. À l’origine, le film coûtait 10 millions d’euros. Tous les acteurs ont réduit leurs cachets et l’on a réussi à le monter pour moins de 7 millions. Deux fois moins que le budget de Bienvenue chez les Ch’tis !pagebreak Réaliser un film de guerre dans les montagnes marocaines relève de l’exploit… Je parlerai de miracle ! Tous les décors naturels ont été filmés au col de Tasmit, à plus de quatre heures de Casablanca. Pour acheminer les 150 personnes de l’équipe et les tonnes de matériel, nous avons dû construire des routes à flanc de montagnes. Nous étions en juillet, les températures dépassaient les 45 degrés, sans parler des orages d’une violence rare. Benoît Magimel, Albert Dupontel et Aurélien Recoing ont beaucoup souffert. Ils travaillaient 12 heures par jour. Des araignées et des scorpions ont piqué des figurants marocains. Résultat : une ambulance stationnait jour et nuit à proximité du plateau.pagebreak Pourquoi avez-vous tourné au Maroc ? L’Atlas marocain ressemble aux paysages d’Algérie où se sont déroulés les pires combats en 1959. J’aurais aimé filmer en Kabylie. Mais il n’existait aucune infrastructure hôtelière. Autres avantages du Maroc : l’armée nous a loué ses hélicoptères et les habitants acceptent très facilement de faire de la figuration. Interview Jean-Baptiste Drouet pour Télé 7 Jours