“La personne sur laquelle l'émission est basée a fait l'objet d'une décision de justice et non d'une condamnation.” Un point pour la "vraie Martha", Fiona Harvey.
En avril, Mon petit renne (Baby Reindeer en VO) avait créé la surprise. Adaptée d’un spectacle de stand-up et diffusée en catimini sur Netflix, la mini-série de sept épisodes avait fait l’effet d’une bombe, en étant présentée comme tirée d'une d’histoire vraie. Une fiction, oui, mais inspirée de faits réels. Malgré les dissensions terminologiques, cette pépite narrative avait su fédérer un public très large se décortiquant les traumatismes de Donny (alter-ego de Richard Gadd, créateur, scénariste et acteur principal de la série), barman aspirant stand upper confronté à une stalkeuse virulente pendant plusieurs années.
Un florilège de scandales n’avait pas érodé le succès de la série désormais nommée aux Emmy dans six catégories. Ni les accusations de manipulations sexuelles envers Richard Gadd avancées par une actrice recalée au casting après une relation avec le scénariste, ni la plainte déposée par Fiona Harvey, la “vraie stalkeuse” retrouvée par les fans de la série sur les réseaux sociaux. Démentant la version des faits présentée par Gadd dans sa série, celle-ci réclame 170 millions de dollars pour “diffamation, infliction intentionnelle de stress émotionnel, négligence et violations de ses droits de représentation”.
La réponse de Netflix a toujours été la même : Richard Gadd a le droit de raconter son histoire, et ensemble, ils pourraient fournir les preuves des centaines de messages envoyés par Martha à Donny dans la mini-série, et par Fiona à Richard dans la vraie vie.
Au-delà de ça, c'est un point très précis de la narration qui dérange l'Écossaise. A la fin de Mon petit renne, Martha, interprétée par Jessica Gunning, est condamnée à neuf mois de prison après trois inculpations pour harcèlement. Or, Fiona Harvey explique au Hollywood Reporter :
"Le problème pour Richard Gadd et maintenant pour Netflix, c’est que Baby Reindeer n'est pas du tout une histoire vraie. Je ne suis pas une "harceleuse condamnée". Je n'ai jamais été accusée d'aucun crime. Personne ne m'a jamais demandé de commenter l'exactitude de Baby Reindeer ou l'allégation très sérieuse et préjudiciable selon laquelle je suis une criminelle condamnée, avec un casier judiciaire grave, qui a passé du temps en prison. Personne ne m'a jamais demandé la permission de me présenter de cette manière ou d'utiliser mon image.”
Un argument balayé par les performances du show sur la plateforme américaine, et dans lequel la principale intéressée fait référence à la syntaxe utilisée par Benjamin King, ponte de Netflix, lors d’une audience au Parlement britannique tenue en mai dernier pour discuter des projets cinématographique et télévisuels du pays.
John Nicolson, ancien député au Parlement, avait par la suite demandé à Netflix de justifier les termes de “harceleuse condamnée”, les journalistes ayant été “incapables de trouver une trace de la condamnation à laquelle [Benjamin King faisait] référence”.
Le 23 mai, Benjamin King adresse une réponse au Comité devant lequel il a tenu ces propos.
“En réponse à une question sur les personnages représentés dans cette série, j'ai dit : ‘Il s'agit d'une extraordinaire histoire vraie [...] qui relate les horribles sévices que l'écrivain et protagoniste Richard Gadd a subis de la part d'une harceleuse condamnée’, écrit-il. Je tenais à préciser que la personne sur laquelle l'émission est basée - que nous n'avons à aucun moment cherché à identifier - a fait l'objet d'une décision de justice et non d'une condamnation. L'auteur de Baby Reindeer a subi un grave harcèlement pendant de nombreux mois (comme cela semble avoir été le cas pour beaucoup d'autres), ce qui a eu un impact significatif sur son bien-être.”
Un rétropédalage par lettre interposée, mais qui nous parvient alors que Richard Gadd (contre lequel Fiona Harvey ne porte pas plainte), adresse une déclaration de vingt-et-une pages aux instances en charge du procès qui se tiendra prochainement entre Fiona Harvey et Netflix. Déclaration dans laquelle il se dit prêt à témoigner, tout en défendant son œuvre. L'artiste précise :
“[La série parle de] mes luttes personnelles avec mon identité sexuelle et mes expériences d'abus sexuel et de harcèlement. [...] La série est une œuvre dramatique. Il ne s'agit pas d'un documentaire ou d'une tentative de réalisme. Bien que la série soit basée sur ma vie et sur des événements réels et qu'elle soit, au fond, émotionnellement vraie, il ne s'agit pas d'un compte rendu des événements et des émotions que j'ai vécus pendant qu'ils se produisaient. Il s'agit d'une fiction qui n'a pas pour but de dépeindre des faits réels.”
Il y révèle également avoir obtenu de la police britannique, en 2016, un “avertissement de harcèlement de première instance à l'encontre de Harvey”, mais aucune preuve de condamnation n’est apportée.
Dans la motion déposée par Netflix pour mettre un terme au procès, leurs avocats expliquent :
"La plainte de Harvey pour diffamation n’est pas valable parce qu'elle n'allègue pas qu'une déclaration de fait manifestement fausse a été faite à son sujet... Aucune des déclarations alléguées ne peut constituer une base juridique pour la diffamation. En fait, Harvey est incapable de prouver qu'elle a subi un préjudice de réputation. Sa réputation était déjà ternie par des articles de presse détaillant le harcèlement et la traque de personnalités publiques dont elle s'était rendue coupable par le passé. Et en tant que personnalité publique, elle doit alléguer une intention malveillante réelle.”
La suite au prochain épisode…
Pourquoi Mon petit renne cartonne sur Netflix
Commentaires