Ce qu’il faut voir ou pas en salles cette semaine.
L’ÉVÉNEMENT
ROGUE ONE : A STAR WARS STORY ★★★★☆
De Gareth Edwards
L’essentiel
Star Wars n’a jamais aussi bien porté son nom guerrier que dans ce spin-off de la saga.
Il a étrangement fallu attendre un spin-off, un épisode « mineur », pour que la saga Star Wars porte si bien son nom : on n’a jamais autant pris le pouls de la fameuse « guerre civile » qu’évoque le générique déroulant d’Un nouvel espoir que dans Rogue One. Jamais assisté de si près à cette « guerre » des « étoiles ». Le film de Gareth Edwards appartient à différents genres : le film de guerre donc, qui explose dans tous les sens et met sans doute en scène les plus belles séquences de combats aériens et galactiques de toute la saga – les 45 dernières minutes, au cours desquelles les combats se déroulent sur terre, dans le ciel ET dans l’espace simultanément, sont orgiaques. Mais il se rattache aussi à un sous-genre très spécifique : le film de casse. Il ne s’agit pas de braquer une banque ou Fort Knox, mais de dérober les plans de l’Etoile de la mort pour permettre aux héros de l’Episode 4 de la faire péter.
Vanina Arrighi de Casanova
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PREMIÈRE A AIMÉ
MANCHESTER BY THE SEA ★★★★☆
De Kenneth Lonnergan
ll est beau, ce titre. Pas sûr que les Américains en saisissent tout le charme. Pour nous, Européens, fans de foot ou allergiques au foot, fans de José Mourinho ou allergiques à José Mourinho, Manchester évoque l’Angleterre industrielle, la grisaille, les ciels bas, les pintes de Guinness, les chants à tue-tête, les supporters coiffés comme Noel Gallagher, bref, tout un tas de choses qui n’ont rien à voir avec la mer. Manchester by the Sea, pour nous, c’est déjà un oxymore, un effet de style, presque de la poésie..
Guillaume Bonnet
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PREMIÈRE A PLUTÔT AIMÉ
CIGARETTES ET CHOCOLAT CHAUD ★★★☆☆
De Sophie Reine
Monteuse attitrée de Rémi Bezançon (Le premier jour du reste de ta vie, Zarafa), Sophie Reine partage avec son mentor le goût des chroniques intimistes contaminées par la dinguerie et l’émotion. Elle y fait le portrait de Denis, veuf qui élève ses deux filles selon une méthode atypique et, surtout, selon ses moyens limités. Ancien gauchiste, il privilégie le bordel et l’autogestion ; employé modeste, il fait des économies sur tout et n’importe quoi, recyclant tout ce qu’il peut. Ciblé par une enquête de l’assistance sociale, il va devoir rentrer dans le rang sous peine de perdre la garde de ses filles. Le doux géant Gustave Kervern est remarquable dans le rôle du papa gâteau un peu déconnecté de la réalité, incapable de faire face aux problèmes psy grandissants rencontrés par son aînée. Le film aborde la problématique du deuil et de la reconstruction l’air de rien, avec le souci de rester à hauteur des personnages que Sophie Reine regarde avec tendresse. Elle applique le même traitement au personnage de l’assistante sociale, joué par Camille Cottin, de moins en moins caricatural à mesure que l’intrigue avance. Il y a bien quelques trous d’air dans le scénario, des maladresses (les affreux tics de l’ado) mais le caractère touchant et un brin iconoclaste du film l’emporte sur ses petits défauts.
Christophe Narbonne
LA JEUNE FILLE SANS MAINS ★★★☆☆
De Sébastien Laudenbach
Une jeune fille est vendue au Diable par son père. Sa pureté la sauve et lui permet de s’échapper, mais elle en perd ses mains. Errant dans la nature, elle finit par trouver un prince charmant, ce qui est loin de marquer la fin de son aventure. Variation sur un conte méconnu des frères Grimm, ce film d’animation primé à Annecy, malgré sa structure classique, est constamment déroutant et dégage un fort sentiment d’étrangeté. En grande partie parce que ses dessins d’aquarelle, faits à la main, sont stylisés à l’extrême : incomplets, ils apparaissent et disparaissent comme au rythme des battements d’un cœur, suggèrent plus qu’ils n’illustrent et exigent beaucoup du spectateur, peu habitué à faire autant appel à son imagination pour compléter ce qu’il (entre)voit. L’ensemble est inconfortable, mais d’une poésie extrêmement singulière, à la fois affreusement cruel et étonnamment lumineuse.
Vanina Arrighi de Casanova
BALLERINA ★★★☆☆
De Eric Summer et Eric Warin
Qu’on ne s’y trompe pas, Ballerina est avant tout un dessin animé pour enfants. Inutile donc d’y chercher un second degré, voire un troisième, susceptible d’offrir aux parents qui accompagneront leurs progéniture une lecture personnelle du film. Cependant, ce parti pris n’empêche pas d’apprécier les aventures hautes en couleurs de Félicie et de Victor, les deux héros du film échappés d’un orphelinat breton pour monter à la capitale afin d’y vivre leurs rêves : entrer à l’Opéra et devenir danseuse pour l’une, devenir inventeur pour l’autre. Servi par une belle animation, certes de facture classique mais transfigurée par de magnifiques décors (la vision du Paris de la fin du XIXème siècle est tout bonnement splendide), le film est rythmé à un train d’enfer et l’histoire habilement construite. Malik Bentalha qui apporte sa gouaille et son énergie à la voix française de Victor est le partenaire idéal de Camille Cottin (Félicie) qui effectue là son premier doublage de dessin animé. Elle réussit l’exercice haut la voix.
Nicolas Bellet
HEART OF GLASS ★★★☆☆
De Jérôme de Gerlache
« J’avais de grands rêves. Je ne savais pas où j’allais. Je cherchais une raison de vivre » À cause de son douloureux passé entre l’Afrique et la France, Jeremy Maxwell Wintrebert s’est longtemps demandé ce qu’il allait faire de sa vie. Sa voie, il l’a trouvée dans le verre. Une matière qui l’a blessé grièvement par deux fois, dont un accident de voiture aux États-Unis durant lequel il a traversé un pare-brise. Devenu depuis artisan, il souffle le verre pour mieux le dompter, et réalise aussi bien des oeuvres d’art uniques que des créations pour le grand public. Avec une sincérité et une modestie qui forcent le respect. Heart of Glass retrace son parcours enflammé et hors norme, entrecoupé de plans hypnotisants où il travaille la matière dont il a fait sa vie. Entre ses mains, le verre devient mou et se plie à ses moindres désirs dans des fours à plus de 1 000 degrés. Une expérience presque physique, malgré l’écran qui nous sépare de lui.
François Léger
UNE SEMAINE ET UN JOUR ★★★☆☆
D’Asaph Polonsky
Un couple vient de perdre son enfant. On les découvre au terme de la Shiv’ah, la semaine de recueillement qui suit la mort d’un proche dans la tradition juive. Si la mère s’apprête à reprendre le cours de sa vie, le père, lui, s’y refuse, et tente de retenir le temps en multipliant les activités régressives dans un comportement lunatique inquiétant. Tout, sauf retourner à la normale. D’une grande maturité, ce premier film réalisé par un tout jeune cinéaste interroge avec beaucoup de simplicité (mais certainement pas de simplisme) la notion de deuil en explorant un temps creux, pas le temps des larmes et des discours mais ce moment de latence, la fin de la parenthèse, quand il va falloir se remettre dans la vie. Le film ne manque ni d’intelligence ni de sensibilité, juste un peu de cinéma.
Vanina Arrighi de Casanova
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
PERSONAL SHOPPER ★☆☆☆☆
D’Olivier Assayas
Olivier Assayas et Kristen Stewart poursuivent leur romance ciné, deux ans après Sils Maria (qui a valu un César à l’actrice). Juliette Binoche ne fait plus partie de l’équation mais K-Stew reprend son emploi de jeune femme à tout faire (après avoir géré l’emploi du temps d’une grande actrice dans le précédent, elle achète ici des fringues pour une insaisissable jet-setteuse), dans cette nouvelle variation sur l’Eve de Mankiewicz, encore plus abstraite et éthérée que la précédente. Plus ouvertement spectrale aussi, puisque Kristen est médium et tente d’entrer en contact avec son frère disparu. C’est un film d’auteur français qui aurait regardé beaucoup de films de fantômes japonais (ceux de Kiyoshi Kurosawa, surtout) et aborderait le genre de biais, avec des pincettes. C’est aussi une dissertation sur le matériel et l’immatériel qu’Assayas situe dans son univers glamour traditionnel (un monde de palaces et de voyages en business class) et sature comme d’hab’ de tous les signes de la modernité – écrans de smartphone, vidéos YouTube, recherches Google, etc.
Frédéric Foubert
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WONDERLAND ☆☆☆☆☆
De Collectif
Il aura fallu pas moins de dix cinéastes helvètes pour réaliser ce film d’apocalypse dans lequel la Suisse, menacé par un nuage radioactif, révèle son visage : celui d’un pays xénophobe, cynique et opportuniste. S’il voulait susciter une catharsis nationale, Wonderland ne s’y prendrait pas autrement. Mais quel affreux pensum, lourdingue et neurasthénique !
Christophe Narbonne
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