C'est l'un des plus grands chef-opérateurs français. A l'occasion d'une remise de prix à Cannes, Philippe Rousselot se confie sur ses débuts, ses rencontres et, de L'Ours à Big Fish en passant par Diva, les films les plus marquants qu'il a éclairé.Philippe Rousselot, vous pouvez nous raconter comment vous avez appris votre travail ? Je ne sais pas vraiment. Sur le tas. A 11 ans, je savais déjà que j’allais travailler dans le cinéma. J’ai été très vite obsédé par le cinéma et sa technique. J’étais fasciné par la lumière. C’est venu comme ça… J’ai travaillé avec Nestor Almendros (chef opérateur de Truffaut, notamment NDLR). J’ai été son assistant sur Ma Nuit chez Maud, Le Genou de Claire et L’amour l’après-midi. Avant cela j’avais fait une école de cinéma, l’école de Vaugirard. Mais on n’apprenait pas vraiment à éclairer là bas.Donc c'est en regardant des films que votre vocation est née, si on vous suit bien ?Pas que. La peinture était inévitable. On habitait en Lorraine et on allait de temps en temps à Amsterdam. On faisait tous les musées. J’ai toujours été un rat de musée. J’ai un goût très prononcé en matière de peinture. Mais j’ai aussi un grand amour pour la musique. Parce que la musique aussi est une source d’inspiration pour un chef op'.Vous pouvez nous expliquer, on est pas sûr de vraiment saisir là...Comme le cinéma, la musique entretient un rapport avec le temps. Dès qu’on parle de rythme, de dynamique, on en revient à la musique. C’est très intéressant de regarder de près - pardon, d'écouter attentivement des morceaux de musique parce qu’on découvre des structures. Et quand on passe d’un domaine à l’autre, on s’aperçoit qu’il n’y a pas d’analogies entre les structures, mais qu’on peut utiliser les mêmes grilles de lecture, d’analyse. C’est très théorique ce que je raconte. Ça vous ennuie ?Pas du tout.Ok, alors je continue. Les deux seules questions qui comptent au fond dans mon métier c’est : Comment savoir formuler ses problèmes ? et comment les résoudre ? C’est la même chose en peinture et en musique. C’est très intéressant de regarder la peinture non pas pour la copier, mais pour savoir comment les artistes ont résolu des problèmes.Quels genres de problèmes ? Des problèmes de représentations, de narration. La peinture jusqu’à la période abstraite, ce sont des problèmes de narration. La peinture classique - jusqu’au XVIeme siècle on va dire - avait surtout une fonction narrative : raconter les évangiles ou la mythologie. Au XIIIème, si vous prenez les Giotto, c’était très limité. Après, la révolution de la perspective a ouvert d’autres voies… etc, etc. Ca n'a plus cessé d'évoluer. Et quand on fait du cinéma, on s’aperçoit qu’on a des problèmes du même ordre. Est-ce qu’on doit fondre les personnages dans le décor ? Est-ce qu’on doit au contraire les détacher ? Comment on les agrandit ? Comment on les diminue ? Comment on montre la douleur ? Le mensonge ? Tous ces problèmes qu’on rencontre précisément dans la peinture…J’aimerais bien arriver à la qualité de représentation du visage qu’il y a dans le cycle d’Arezzo. Je serais content.Vous parliez des italiens de la Renaissance mais.. (il coupe) Non, mais ça va jusqu’à l’abstrait. Là, on rentre dans un univers complètement différent. Les rapports de couleur, d’esthétique… Donc la peinture moderne m’a aussi influencé. Dans Diva par exemple il y a une référence à Monory. Les bleus du film ce sont des « bleus Monory ». Mais attention, la peinture, il ne faut pas trop chercher à l'imiter, hein.Diva de BeineixAntoine X de Jacques MonoryVous venez de citer Diva, un film qui a complètement bouleversé le paysage esthétique du cinéma français à l'époque. Vous êtes conscient d’être à l’origine d’une certaine révolution esthétique? Ahaha. Non, pas du tout. Je ne suis à l'origine de rien, on a tous fait partie de cette « révolution ». Si vous regardez bien, vous verrez que dans les années 80, il n’y a pas eu que moi, il y a eu Nuytten, il y a eu Robin, Lafaye… et d’autres gens.Sauf que ce que vous avez fait avec Beineix a établi un standard dont on ne s’est pas vraiment remis...Si vous voulez mais il y avait quand même eu Nuytten avant moi. Barocco, bon sang ! Je n’ai pas été tout seul. Les révolutions ne se font pas seul. Lénine a eu besoin de Trotsky… Bon la comparaison est un peu poussée parce que je n’ai tué personne, autant que je sache. Mais on est jamais tout seul. Et surtout, Nestor Almendros avait opéré une révolution beaucoup plus importante que celle de ma génération.Laquelle ?La lumière réfléchie. On ne faisait pas de lumière réfléchie avant. Ce n'était que de la lumière directionnelle. Ca c’était une révolution technique et une révolution esthétique fondamentale. On était dans des périodes révolutionnaires en plus, puisqu'on sortait de 68. D'ailleurs je pense qu’il y a eu un lien entre 68 et les révolutions esthétiques. En reprenant les choses sur un plan plus socio-politique, il y avait le sentiment qu’il y avait d’autres possibles. Du coup, mai 68 nous a permis de se sentir libéré des obligations du passé et en même temps on avait un très grand respect du passé. Parce qu’on savait que ce qui s’était passé avant était très important.L'ironie c'est que la révolution des années 80 s’est faite précisément contre le cinéma de 68 et le cinéma des « Cahiers »... Je vais reprendre une citation de Valery Afanassief : « Chaque fortissimo chez Beethoven est une gifle donnée à Haydn ». Très joli comme mot, n'est-ce pas ? Les progrès se font à travers les gifles respectueuses qu’on administre aux anciens. Bon, évidemment il y a une contradiction entre l’idée de la gifle et du respect. Mais je crois vraiment que les choses se font à la fois dans le respect et dans la rébellion. La difficulté dans notre métier, c’est de rester toujours en rébellion, et je ne suis pas sûr d’avoir su le faire. C’est nécessaire de se rebeller. Quand on se rebelle ce n'est pas pour le plaisir, c’est parce qu’il y a des choses qu’on n’arrive pas à accepter ou à faire. Moi, quand j’ai commencé à éclairer, très honnêtement, j’arrivais pas à faire ce que les autres faisaient. Je trouvais ça trop difficile. Alors quand je suis arrivé chez Beineix avec des lanternes chinoises, c’était aussi une solution de facilité. Tout à coup, je faisais plus facilement les choses que j’avais envie de faire. Il y avait de la rébellion, mais il y avait aussi un côté très pratique.Il y a toujours cette démarche rebelle quand vous partez éclairer la Lune Dans Le Caniveau, toujours pour Beineix ?Complètement. Ça va vous paraître bizarre mais pour moi Diva est un film classique et La Lune... est un film baroque. Diva est un film cadré, la lumière est claire… L'autre, c’est baroque dans le sens où tout est tendu, tout est en tension. C’est plus des rectangles dans des rectangles…. Ce sont des courbes, des coupoles… Bon, on l’a jamais vraiment défini comme ça, et si Beineix m’entendait parler, il dirait que je suis devenu fou, mais c’est une des raisons pour lesquelles le film n’a pas plu. En France on n’aime pas le baroque, on a raté le baroque.Vous ne trouvez pas que c’est le film le plus représentatif de votre style ?Mais non ! Moi je n'ai pas de style de toutes façons. J’ai fait du Beineix avec Beineix, du Cavalier avec Cavalier, du Boorman avec Boorman… Si c’est pour faire mon image à moi à travers tous les films, et qu’on se dise « ah bah tiens voilà du Rousselot », ça m’intéresse pas.La Lune dans le caniveauOk, sauf qu'on peut dire « Voilà du Khondji », « Voilà du Chris Doyle » etc... Pourquoi ça ne s'appliquerait pas à vous alors ?Prenons un autre exemple que moi : Emmanuel Lubezki. Très grand chef op. Il a fait des films comme Sleepy Hollow et c’est typiquement du Burton. Et puis quelques temps après, il enchaîne avec Terrence Malick pour Tree Of Life et A La Merveille. Et là, soudainement, il n’éclaire plus. Avant il mettait des centaines de lumières au plafond et puis avec Malick, plus un projecteur. Pourtant c’est toujours du Lubezki… mais c’est aussi du Malick. Heureusement qu’on n’imprime pas notre sceau sur les films… Très bien mais, par exemple, Carax avec Escoffier et Carax sans Escoffier, ce n’est plus du tout la même chose, plus la même vision de cinéma. Du tout.Oui, mais ils se sont nourris mutuellement, c'est l'essentiel. Si vous comparez La Lune dans le caniveau avec Thérèse et Big Fish et que vous me trouvez un style commun, je vous jure que je mange mon chapeau. Thérèse a été fait aux antipodes de La Lune dans le caniveau. En creux ça pose l'éternelle question artisan ou artiste ? Ouh lalala. Cette question-là me dépasse totalement. Artisan ? Artiste ? Qu’on me qualifie d’artiste, d’artisan, de tout ce qu’on veut… Ça n’a pas de sens à mes yeuxPardon, mais la qualification est importante. Vous ne seriez qu’un technicien au service d’un réalisateur ? J’arrive, on me dit de faire un travail et je le fais… On peut m’appeler comme on veut. Mais le jour où je ne viens pas sur le plateau, le film s’arrête. Ça me suffit comme place. Quand on arrive le matin sur le plateau, on est tout nu. On ne sait pas ce qu’on va faire, on doit résoudre des problèmes. Si on a fait correctement le travail, alors vous pouvez me dire qu’il y a du talent. Mais à la rigueur, on s’en fout parce qu’on est déjà reparti à la maison (rires). Les terminologies, c’est très dangereux. Moi, je travaille avec un chef électro, de la pellicule, des projecteurs. Pas avec du talent ou des concepts aussi fumeux. Tout est une question d'interaction. Si j’ai un chef décorateur qui me donne un décor affreux, je n’en ferai rien. Je filme des choses qui existent, indépendantes de ma volonté.Mais vous les filmez d'une manière particulière...J’essaie de leur rendre grâce, disons. Si on m’offre de beaux décors, de beaux visages, je vais essayer de ne pas les abîmer. Si je ne les abîme pas, si je ne tache pas la situation qu’on m’offre, alors je pense avoir fait mon boulot.C'est amusant cette humilité… Ah non. Pas du tout. Je ne suis pas humble. C’est du raisonnement, simplement. On me donne des lieux à filmer, des comédiens à éclairer. Et tout ça, je ne l’ai pas choisi. Et on me dit « débrouille toi avec ça ». Ça pose des séries de problèmes techniques, esthétiques. On prend les problèmes un par un et quand on a fini le travail, ça veut dire qu’on a résolu les problèmes. Voilà tout.Est-ce qu’un bon film ça ne se construit pas aussi parfois CONTRE un metteur en scène ?Non. Si on canalise le metteur en scène dans une esthétique qu’il ne cautionne pas complètement alors c’est une catastrophe. On peut lui donner des solutions, lui proposer des choses, mais le forcer, surtout pas. On peut faire un film contre un mauvais metteur en scène, mais si on fait un film avec un mauvais metteur en scène, le film sera quoiqu’il arrive mauvais. On ne va pas contre les gens sur un plateau de cinéma – ni les décorateurs, ni les comédiens, ni qui que ce soit.Je me souviens de Noémie Lvovsky qui me disait qu’elle ne parlait pas à son chef op, qu’elle préférait parler avec ses comédiens… Parce qu’elle n’avait pas besoin de lui parler, tout simplement.Non, c’est juste que l’image l’intéressait moins que le travail avec les acteurs, j'ai l'impression.Ca c’est le cas de nombreux metteurs en scène. J’ai travaillé avec plein de réalisateurs qui me laissaient faire tout ce que je voulais sur le plateau. Le seul truc qu’ils faisaient c'est regarder le moniteur et me dire : « Oui, ben très bien. Parfait. On tourne ? »C'est l’enfer ? Non, d'ailleurs j’ai fait ça très souvent mine de rien. Mon truc dans mon coin... Une chose ceci dit : avec l'âge, on finit par avoir plus d’expérience que le metteur en scène avec lequel on travaille. J’ai éclairé plus de 60 films et peu de réalisateurs peuvent se targuer d’en avoir tourné autant. On a une science du découpage, des automatismes qui font gagner du temps, et on peut en parler avec le metteur en scène. Certains n’ont pas besoin de ça… John Boorman n'a pas besoin de ça, par exemple. Parce que c’est Boorman mais aussi parce qu’il m’a donné pour chaque plan l’emplacement des caméras et la hauteur pour le travelling. Il me l'a donné 3 mois avant le tournage du plan en question même. Avec lui on discute pas. Quand tu vois le plan qu’il veut faire, et bien tu sais que c’est le plan qu’il FAUT faire. C’est marrant vous citez Boorman mais pas les autres. Non. Non…Ne me faites pas dire ce que j'ai pas dit hein... (sourire). Je prenais juste un exemple. Pour en revenir à notre sujet, qu’est-ce que c’est un bon metteur en scène ? C’est un type qui fait des bons films. Point. Même s’il n'est pas là. Imaginons un metteur en scène qui fait un film sans mettre les pieds sur le plateau. Le film est un chef d’œuvre ? Eh bien c’est un très grand metteur en scène. J’exagère, mais pas tant que ça. C’est ça qu’il faut penser. Il faut faire des bons films. On se moque de savoir s'il parle plus à ses acteurs qu'à son chef op, s'il a tout storyboardé ou tout improvisé. J’ai vu une fois Neil Jordan face à une scène qui sur le papier était perdue d’avance. Et puis il arrive, il balance une idée de mise en scène brillante, fait jouer ses comédiens et ça devient génial. Annaud aussi à ce genre d’intuitions stupéfiantes.Je suis retombé sur L’Ours récemment à la télévision. Chaque plan tient du jamais vu et de l'infilmable. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment vous avez pu tourner ce film. Moi non plus, je ne comprends pas. Mais je n'y suis pour rien. Tout est de la faute de Jean-Jacques Annaud ! C’est un film admirablement maîtrisé par son metteur en scène.Oui, enfin ça a plutôt de la gueule au niveau de la lumière...Oui, mais laissez moi vous raconter comment on a tourné ça. C'est très amusant. Avec Jean-Jacques on choisit un décor et on choisit le déplacement des ours pour chaque plan. On plante des petits piquets avec des fils électriques pour que l’ours ne se barre pas dans la campagne, etc… Et puis après vous passez deux heures à planquer les piquets pour qu’ils n’apparaissent pas à l’écran - c'était longtemps avant l'arrivée du numérique cette affaire. Après cela, vous sortez l’ours, il voit les petits piquets, et forcément il détruit tout. Et ensuite on recommence.Et comment on éclaire un film comme ça, tout en décors naturels ?On ne l’éclaire pas. Avec Jean-Jacques, on a tout de suite pensé aux raccords lumière et on s’est dit qu’il fallait les oublier. Parce que ça n’aurait pas été 5 mois de tournage mais 5 ans. Ce qui n’était pas possible juste parce que les petits ours, ils grandissent. Et vite ! On s’est donc dit qu’on allait tourner quoiqu’il arrive. Je me souviens de cette scène du petit ours sur la rivière, sur le bout de bois, avec le puma qui le menace. Vous voyez de quoi je parle ?Oui.Bon. On a commencé à tourner le matin à 8h. A 20h le soir, on avait une prise bonne. UNE seule ! Parce que le petit ours ne voulait pas rester sur son bout de bois, parce que le puma regardait ailleurs, parce que le niveau de l’eau remontait… N’importe qui aurait abandonné. Pas Jean-Jacques, qui ne lâche jamais l’affaire. Bref. Le film est tourné un peu comme on peut et qu’est-ce que ça donne au final ? Les faux raccords sont tellement systématiques qu’ils en deviennent vrais. On a l’impression que c’est comme quand les nuages passent vite… Ca c’est un coup de bol. La lumière de l’Ours c’est de la lumière naturelle. J’éclairais pas. On n'éclaire pas un ours dans un paysage.C'est frustrant ?Non, pas du tout ! C’était passionnant. Le film a été tourné avec un storyboard. Tous les plans de ce storyboard ont été tournés tels qu’ils avaient été dessinés. Tout le film tient sur le montage de toutes façons. C’est l’effet Koulechov. Mettez un gros plan de l’ours qui regarde à gauche - après nous avoir fait poireauter pendant des heures - et puis vous le raccordez avec celui d'un petit ours qui regarde dans la bonne direction, et tout à coup, ça veut dire quelque chose. Ça n’est que du montage et c’est très intelligemment fait. Qu’est-ce qui fait que vous acceptez le projet ? Parce que Jean-Jacques Annaud est un grand metteur en scène. Et quand il me dit, ce fou, « Viens, on va faire un film avec un ours », je lui réponds : « Ah ben oui, bien sûr Jean jacques, quelle bonne idée »... Au final, c’était passionnant. Je m’en fiche de mettre des projecteurs partout. Ce qui m’intéresse c’est de faire des bons films… En même temps ce fut énormément de travail. C’est l’un des films les plus fatigants que j’ai faits. Plus encore que la Forêt D’Emeraude de Boorman. Et Cavalier ? C'est aussi lui qui vous appelle pour faire Thérèse ?OuiVu votre CV à l’époque, on peut se dire que vous êtes loin de cet univers…On s’était déjà rencontré une fois avec Cavalier, on avait discuté et ça avait bien accroché. Cavalier avait fait plusieurs films avec mon ami Jean-François Robin… Et il s’était dit que c’était le temps de changer. Et c’est marrant parce que Jean-François est parti avec Beineix au moment où je suis allé tourner avec Cavalier. C’était super, le tournage de Thérèse. Je sortais de La Lune Dans Le Caniveau, et faire du Cavalier, c’était un tournant à 180 degrés.C’était aussi fou que Beineix le raconte dans ses mémoires, le tournage de La Lune...? Un cauchemar.A quel niveau ?A tous les niveaux ! La production était compliquée. C’était difficile de bosser à Cinecitta. Autant Diva ça avait été de la rigolade, autant La Lune ce fut très tendu. Beineix était responsable de ce chaos?Pas plus que les autres, pas plus que moi... C’était un tournage difficile aussi parce qu’il y avait une multiplicité de décor, des équipes qui ne parlaient pas un mot de français (et moi pas un mot d’italien). Et puis pour des raisons de production, je me suis retrouvé avec 5 ou 6 plateaux à éclairer avec 3 électriciens. C’était démentiel, absolument n'importe quoi… J’ai été un peu lâché par la prod' sur ce sujet. C'est excitant de tourner tout en studio, comme sur ce film ? D'avoir le temps de soigner ses éclairages, de maîtriser chaque aspect de la lumière ?Ah ah ah ! Comme si on avait eu du temps sur La Lune… Non, le studio ne change pas grand-chose à l’affaire. Parce que chaque film a une problématique différente. En décor naturel, on fait surtout ce qu’on peut - le plafond va toujours être trop bas, le décor, trop clair, la lumière, trop vive, etc. En studio, on contrôle tout. Mais c’est un endroit mort. Vous rentrez dans un endroit éclairé par des lampes de service quand vous arrivez, c’est d’une tristesse... On a envie de se flinguer. Le décor naturel, on a une lumière naturelle. On peut se baser là-dessus. Le studio, on n’a rien. Faut tout inventer. Au moins quand vous êtes peintre, vous démarrez sur une toile blanche. Le studio, on ne commence pas à éclairer dans le noir. Dans le noir, on peut pas travailler. On part obligatoirement d’un éclairage préexistant, une lumière qui permet juste de se déplacer, de bosser. On ne part pas DU TOUT d’une toile vierge. Ce sont des problèmes différents. Et puis passer des semaines et des semaines dans une boite noire, ça rend bizarre… On devient vampire.Ça a un sens que vous ne travailliez désormais plus qu'avec des Américains ?Non, ça n’a pas de sens. Ou plutôt : ça n’a pas de bon sens. Disons que ça a à voir avec la manière dont on fait des films en France et dont on les fait aux USA. J’ai une garantie de travailler aux US alors qu’en France, c’est toujours compliqué. Il faut promettre d’être libre 6 mois avant le début du tournage. Sauf que parfois les films se font pas et on a donc perdu son année… C’est juste cette question d’organisation et pas d’horizon artistique ? Reconnaissons que dès que j’ai commencé à travailler aux US, j’ai eu de la chance de bosser sur des films très intéressants. Des grosses équipes, avec beaucoup de jouets. Sur le plan de l’éclairage c’est plus intéressant de faire Charlie et la chocolaterie qu’une énième comédie française dans un appartement de banlieue. Parce qu’on a des outils et des moyens de travail plus vastes et plus intéressants. Et puis, il y a la question économique. Je ne vais pas vous faire le portrait de la situation des intermittents en France , il n’est pas très joli. On n’est pas très bien traité en France dans la plupart des cas…Il y a des choses que vous avez refusées et regrettées, en France ou ailleurs ? Oui. Edward Aux Mains D'argent. On me l’a proposé à l’époque… Personne ne connaissait Burton. On m’a passé le scénario et je me suis dit : « Qu’est-ce que c’est que cette connerie avec un type qui a des ciseaux à la place des mains ? Ridicule. ». J'ai reposé le script sans même le lire jusqu’au bout. Une de mes plus belles conneries, c'est sûr.Propos recueillis par Gaël Golhen et François Grelet
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