Présenté par Dominique Besnehard, « Place au cinéma » sur France 5, rend hommage ce soir à Michael Lonsdale avec le film de Xavier Beauvois
Une histoire tragiquement vraie
Des hommes et des Dieux est le récit d’une histoire vraie, d’une histoire tragique. Celle vécue dans leur chair par les moines de Tibhirine, appartenant à l’Ordre cistercien de la stricte observance, établis en Algérie au cœur des montagnes de l’Atlas. C’est là dans leur monastère que, dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, sept d’entre eux sont enlevés et assassinés par le GIA avant que trois jours plus tard ne soient retrouvées au bord d’une route leurs têtes décapitées, déclenchant une enquête qui jusqu’à aujourd’hui n’a pas levé tous les mystères sur les circonstances exactes d’une telle boucherie inhumaine. Des hommes et des Dieux est donc un hommage à Christian de Chargé, aux frères Luc Dochier, Christophe Lebreton, Michel Fleury, Bruno Lemarchand, Célestin Ringeard et Paul Favre- Miville, assassinés ce jour funeste- là.
Les débuts de scénariste d’Etienne Comar
Mais si Des hommes et des Dieux voit le jour, il le doit d’abord en homme : Etienne Comar. Celui qui a notamment alors déjà produit des films de Nabil Ayouch (Ali Zaoua, Prince de la rue…), Laurent Bouhnik (Zonzon…) ou Guillaume Nicloux (La clé) tombe un soir de 2006 sur France 3 sur Le Testament de Tibhirine, un documentaire où Emmanuel Audrain enquête dix ans après les faits sur la disparition des moines, inspiré par la lecture du testament du prieur du monastère Christian de Chargé. Le sujet le touche, l’inspire et le pousse à se lancer dans un nouvel exercice : l’écriture de scénario. Et une fois achevé une première mouture , il pense immédiatement à Xavier Beauvois pour le porter à l’écran. Découvert en 1991 avec Nord, celui- ci vient alors de terminer son quatrième long métrage, Le Petit Lieutenant, qui a valu à son interprète principale Nathalie Baye le César de la meilleure actrice. Comar aime le travail de Beauvois, son empathie pour ses personnages, le grand souci documentaire qui anime chacune de ses fictions. Il lui apparaît donc comme celui qui peut aller au bout de cette aventure. Beauvois accepte et les deux hommes finalisent à quatre mains un récit plus précisément inspiré par les écrits de deux des victimes, Christian de Chargé et Christophe Lebreton avec comme colonne vertébrale la volonté de ces moines de rester en Algérie au cœur de cette décennie noire vécue en dépit des risques encourus. Etienne Comar poursuivra dès lors une carrière de scénariste en plus de celle d’heureux producteur (Timbuktu, Visages villages…) aux côtés de nouveau de Xavier Beauvois (La Rançon de la gloire) mais aussi de Christian Vincent (Les Saveur du Palais) ou encore Maiwenn (Mon Roi). Et il passera à la réalisation en 2017 avec Django.
Un comédien impliqué
Des hommes et des Dieux fut un triomphe. Grand Prix du Jury à Cannes, il a ensuite réuni plus de 3,2 millions d’entrées (devenant le film le plus rentable de l’année 2010) avant de terminer sa splendide carrière par 11 nominations aux César, avec trois trophées à la clé : meilleurs film, photographie (Caroline Champetier) et second rôle masculin pour Michael Lonsdale, disparu le 21 septembre dernier à 89 ans. Quand Beauvois était venu lui offrir le rôle du frère Luc Dochier, celui qui fut 24 ans plus tôt un abbé bénédictin dans Le Nom de la Rose de Jean- Jacques Annaud mais avait aussi joué un évêque, un pape et même Dieu lui avait alors expliqué qu’il s’était promis de ne plus jouer de religieux. Mais qu’il ferait une exception pour ce frère Luc, dont le destin tragique l’avait bouleversé à l’époque et dont il avait lu quinze ans plus tôt le testament. Comme tous ses partenaires, ce croyant a préparé son rôle par un séjour dans l’abbaye Notre- Dame de Tamié où quatre des moines de Tibhirine avaient passé du temps avant de partir en Algérie. Installé une semaine dans une cellule monastique, il s’est formé au chant grégorien et liturgique. En parallèle, il a aussi écouté avec attention les conseils d’Henry Quinson, auteur de nombreux ouvrages sur ces moines. Mais surtout, sur le tournage (au Maroc puisque filmer au cœur du monastère de Tibhirine était bien trop risqué), il fut présent tous les jours sur le plateau, y compris ceux où il n’avait a priori aucune de scène. Beauvois ne cessera donc jour après jour de lui en rajouter, de lui proposer de se lancer dans des improvisations, dont cette sublime scène où une petite Algérienne vient le questionner sur la vie et l’amour. « Les mots me sont venus tous seuls. J’ai parlé au nom de Luc », expliquera t’il plus tard. Un pur moment de grâce.
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