Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
SHANG- CHI ET LA LEGENDE DES DIX ANNEAUX ★★★★☆
De Destin Daniel Cretton
L’essentiel
Marvel est enfin de retour sur grand écran. Le très médiocre Black Widow n’avait pas vraiment rassuré… Et voilà que débarque Shang-Chi et les 10 anneaux, blockbuster modeste pour l’écurie Marvel, mais suffisamment spectaculaire et très divertissant pour nous redonner la foi.
Descendant d’une longue lignée de guerriers chinois, Shang-Chi a fui son père, Wen Wu, un mafieux notoire, et quitté la Chine pour vivre de manière anonyme aux Etats-Unis. Au début du film, c’est donc sous le nom de Shaun qu’il vit à San Francisco. Modeste concierge, il ne pense qu’à faire la fête avec son amie Katy. Mais lorsqu’un gang de malfrat tente de lui arracher son pendentif, il est obligé de dévoiler sa véritable identité et part affronter son passé.
Pour leur premier film de superhéros asiatique qui aligne les scènes d’action impressionnantes, Marvel rend hommage de manière maline à tout le spectre du cinéma HK. On passe donc d’un beau combat Wu Xia (qui évoque Tigre et dragon) à une scène « à la Jackie Chan » (la séquence du bus) avant de flirter avec la romance surnaturelle et finir par un délire épico-fantastique qui pasticherait presque Tsui Hark. Mais l’arme fatale du film, la vraie, c’est Tony Leung. Comme d’habitude avec lui, un minimum d’effets crée un maximum de trouble. Et son duel face Michelle Yeoh ravira tous les fans du genre…
Bref, entre la comédie ado, la romance familiale, le digest du cinéma chinois et la nouvelle pierre à l’édifice MCU, Shang-Chi gagne sur tous les tableaux.
Pierre Lunn
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
RIDE YOUR WAVE ★★★★☆
De Masaaki Yuasa
Au bout de vingt minutes de film, on sent qu'il y a un truc. On le sent venir. Et on n'aime pas ça. Ce coup de foudre entre un jeune pompier studieux et une surfeuse délurée est trop belle, trop parfaite pour durer. Ce n'est pas un spoil, et mieux vaut s'y préparer : le pompier meurt noyé et sa fiancée sombre dans la douleur. Mais comme nous sommes dans une fantasy animée, son fantôme va surgir pour l'aider à relever la tête. Malgré ça, pas de chichis rose bonbon ou de mélo violonneux : Ride Your Wave s'envisage justement comme un ride, une comédie dramatique menée tambour battant où l'on combat les vagues et les incendies avec un sens de l'action, de l'humour et du rythme pas loin d'être impeccable. Ce film ne tente pas d'apaiser la morsure du deuil à coup de guimauve surnaturelle, mais plutôt à nous habituer à en garder une belle cicatrice. Une vraie bombe.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
UN TRIOMPHE ★★★☆☆
De Emmanuel Courcol
Un triomphe est inspiré d’une histoire vraie vécue par un Suédois. Celle d’un acteur en galère qui accepte d’animer un atelier théâtre dans une prison et va avoir une double révélation : le talent – dont ils n’ont pas conscience - de ceux qu’il dirige et son plaisir à mettre en scène pour la première fois. Et il décide de monter En attendant Godot hors les murs en se faisant fort de convaincre une hiérarchie pénitentiaire réticente. Notamment co- produit par Dany Boon et Robert Guédiguian, Un triomphe parvient à se jouer du récit cousu de fil blanc qu’il laisse faussement entrevoir. Et, dans le rôle central, Kad Merad livre une composition remarquable de bout en bout, intense, précise, subtile. Il épouse à merveille chaque contradiction de son personnage qui se sert de cette aventure théâtrale autant qu’il sert ceux qu’il dirige. Kad Merad est au diapason parfait du ton du récit et entouré par une bande de comédiens tous plus épatants que les autres, à commencer par Sofian Khammes et Pierre Lottin.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéUNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DESIR ★★★☆☆
De Leyla Bouzid
Doublement primé dimanche à Angoulême, le second long-métrage de Leyla Bouzid (A peine j’ouvre les yeux) suit les prémices d’une relation amoureuse entre Ahmed, jeune homme de 18 ans d’origine algérienne et Farah, fraîchement arrivée à Paris depuis Tunis, pour poursuivre ses études de Lettres. Si lui semble réprimer ses sentiments au nom d’une pudeur maladroite, elle, vit plus librement, plaçant une certaine insouciance au cœur de tout. Farah initie notamment Ahmed à la littérature érotique arabe, bousculant un peu plus ses certitudes, jusqu’à créer un déséquilibre. A travers eux, Leyla Bouzid explore avec une finesse remarquable les tourments inhérents à l’adolescence et les doutes qu’ils suscitent. La mise en scène emprunte de sensualité, filme ces corps en mouvement et accompagne leur chemin intérieur pour que s’exprime cet amour et ce désir, enfin détachés de tout ce qui pouvait les retenir prisonniers.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéCHERS CAMARADES ★★★☆☆
De Andrei Konchalovsky
C’est un épisode de l’histoire de l’URSS période Khrouchtchev longtemps mis sous le boisseau par le régime soviétique. La première fois que des prolétaires osèrent défier le pouvoir avec une manifestation (dans la ville de Novotcherkassk) réprimée dans une implacable brutalité provoquant 28 morts dont les corps furent enterrés à la va- vite pour être introuvables. Konchalovsky s’empare de cette tragédie mais par le prisme d’un personnage qui va le vivre, sous haute tension, en perdant heure après heure tous ses idéaux. Elle s’appelle Lyudmila (Yuliya Vysotskaya, saisissante). Nostalgique de Staline, figure du PC local, elle n’a spontanément pas de mots assez durs contre ces protestataires qu’elle assimile à des traîtres avant que sa fille se retrouve portée disparue dans ces manifestations. Et qu’elle entame alors un long chemin de croix pour la retrouver, forcée à contourner les règles qu’elle a contribués à édicter. Plus que la manifestation en elle- même, c’est la redistribution des cartes qu’elle provoque qui intéresse le cinéaste, reconstituant cette époque dans un noir et blanc sublime, pour évoquer le caractère universel et intemporel de ces certitudes politiques qui vacillent dès lors que des dommages collatéraux brutaux viennent percuter brutalement le quotidien des intéressés. Chers camarades ! se vit comme un suspense d’autant plus haletant que Konchalovsky prend le temps d’un récit dont l’héroïne sait qu’elle ne peut faire confiance à personne car elle serait la première à trahir quiconque lui demanderait de l’aide dans les mêmes circonstances. Vertigineux.
Thierry Cheze
IL VARCO ★★★☆☆
De Federico Ferrone
C’est à un exercice périlleux que s’essaie le duo Ferrone- Manzolini avec ce film qui mêle documentaire et fiction. Raconter ce que vivait un soldat de Mussolini partant pour le front russe en 1941 en s’appuyant pour le texte (dit en off) sur des journaux intimes de militaires italiens et, pour l’image, de films d’archives tournés pendant cette période. Tout sauf factice, le résultat est fascinant. Grâce à un travail de sound design et de montage époustouflant, on se laisse embarquer dans la tête de ce serviteur fidèle de son pays dont les certitudes sur la guerre et le fascisme volent en éclat. Dommage d’y mêler des images actuelles des mêmes lieux, théâtre désormais du conflit entre pouvoir ukrainien et séparatistes pro- russes pour souligner que l’histoire est un éternel recommencement. Ce parallèle à gros traits contredit toute la finesse suggestive de l’ensemble sans heureusement l’abimer.
Thierry Cheze
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
LE FILS DE L’EPICIERE, LE MAIRE, LE VILLAGE ET LE MONDE ★★☆☆☆
De Claire Simon
Ce titre à rallonge ne ment pas. Dans son nouveau documentaire, Claire Simon (Récréations) aborde énormément de sujets au cœur de Lussas, bourgade ardéchoise qui accueille depuis 1989 les Etats Généraux du documentaire, festival incontournable du genre. Elle raconte ainsi la création compliquée de Tënk, la plateforme dédiée au genre tout en allant à la rencontre des vignerons (dressant un parallèle entre leur monde et celui du cinéma indépendant et associatif) comme des habitants du village en lutte contre l’isolement socio- culturel qui les menace. Son œil est toujours aussi aiguisé et tous ces thèmes se répondent certes. Mais dans une durée limitée à 1h51, son film paraît parfois confus. Un format série aurait été plus approprié pour sortir d’un côté entre- soi et tendre vers son ambition d’un propos plus universel à partir de ce lieu singulier.
Thierry Cheze
GOGO ★★☆☆☆
De Pascal Plisson
L’école est décidément le sujet de prédilection de Pascal Plisson. Après le carton de Sur le chemin de l’école en 2015 et Le Grand jour en 2019, le documentariste s’intéresse cette fois- ci à un personnage qu’aucune fiction n’aurait sans doute osé inventer. Une sage- femme kényane analphabète qui… à 95 ans décide de revenir sur les bancs de l’école pour réussir son examen de fin de primaire, encouragée par ses 54 arrières petits enfants ! Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas fondre devant ce personnage hors du commun. Mais il en va des documentaires comme des fictions. Parfois un sujet fort emporte tout sur son passage et empêche le cinéma de s’y déployer. Et c’est exactement le piège dans lequel tombe Plisson, tellement en empathie avec son héroïne qu’il se contente de suivre son trajet sans le transcender. Dommage.
Thierry Cheze
LAILA IN HAIFA ★★☆☆☆
De Amos Gitaï
Louons l’acharnement avec lequel le cinéaste Amos Gitaï (Kadosh, Free Zone, Un tramway à Jérusalem...) se sert de son art pour opérer un rapprochement entre Israéliens et Palestiniens. Son nouveau long-métrage se passe quasi intégralement dans un haut lieu de la nuit d’Haifa, le Club Fattoush, ouvert en réaction à la fermeture par la mairie du seul théâtre arabe de la ville. Le film débute par un long plan-séquence raccordant l’extérieur de la rue (témoin d’une scène de violence) à l’intérieur du bar aux couleurs chaudes et accueillantes. La caméra caressante embrasse cet espace protégé et opère une circulation entre divers protagonistes – hommes et femmes, Israéliens et Palestiniens - qui se croisent et se recroisent. Malheureusement la fluidité du geste n’empêche pas l’aspect sentencieux d’un scénario trop démonstratif pour convaincre.
Thomas Baurez
ATARRABI ET MIKELATS ★★☆☆☆
De Eugène Green
Chantre d’un cinéma délicieusement littéraire pour les uns, insupportablement chichiteux pour les autres, où le phrasé de ses comédiens rappelle ceux de Bresson et Rohmer, Eugène Green s’attaque ici à un mythe de la culture basque. Deux frères, Atarrabi et Mikelats sont confiés à leur mère au diable avant que, devenus jeunes adultes, le premier ne décide de s’enfuir, tandis que le second reste. Tourné en basque, ce film détonne forcément dans le paysage cinématographique français et cette ode radicale à la spiritualité en laissera beaucoup sur le bord du chemin. Elle n’est jamais meilleure que dans ses premières minutes où règne un délicieux sentiment d’autodérision, mais perd de sa puissance quand l’esprit de sérieux prend le pouvoir pour ne plus le lâcher. Le bonheur enfantin d’un Rohmer filmant Les Amours d’Astrée et de Céladon fait ici cruellement défaut.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
ÊTRE AVEC LES ABEILLES ★☆☆☆☆
De Perrine Bertrand
« Faire avec la nature et non contre elle », peut-on lire sur un carton au début d’Être avec les abeilles. Un bon résumé de ce documentaire qui passe plus d’une heure à nous expliquer dans le détail pourquoi les abeilles sont essentielles, et comment préserver au mieux leur bien-être, déréglé par l’activité humaine. La forme est classique (une série de spécialistes de l’apiculture se succèdent à l’écran), le montage un peu « roots » et approximatif. Mais plutôt que de pleurer sur le sort que nous faisons à ces insectes, Être avec les abeilles prend le parti du positif et veut croire à notre capacité à faire bouger les choses. Ce qui se ressent d’ailleurs dans la réalisation : éviter les plans « à sensation » des abeilles et les ouvertures de ruches, c’est déjà un peu agir.
François Léger
Et aussi
Afrofuturistik de Sofia Alaoui, Jim Chuchu, Kantarama Gahigiri, C.J. Obasi et Baloji
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