Pour son premier long, Thomas Paulot propulse un acteur comme candidat à une élection municipale dans les Ardennes. Une manière pertinente de renouveler le regard sur la politique.
Comment naît l’idée de Municipale ?
Thomas Paulot : D’un intérêt purement documentaire à suivre une élection municipale dans une commune de province, où les questionnements politiques sont forcément différents que dans une grande ville. Et notre choix s’est porté sur Revin dans les Ardennes, non loin du petit village où mon grand- père avait grandi, pour son passé industriel et culturel très riche qui rendait possible l’investissement sur place de ses habitants dans notre projet.
Vous aviez dès le départ l’idée de mêler documentaire et fiction ?
Oui, avec mes co- scénaristes Ferdinand Flame et Milan Alfonsi, on avait cette envie commune de de dépasser le documentaire pour créer un espace permettant de solliciter d’autres imaginaires politiques que ceux qui existent dans la plupart des élections. On a voulu créer un film qui soit aussi une forme d’action politique en invitant donc un comédien, Laurent Papot, à jouer un candidat parachuté dans cette élection à la mairie de Revin.
Municipale est donc scénarisé. Mais comment écrire une intrigue dont on maîtrise aussi peu d’éléments ?
En prenant garde que la fiction ne prenne pas trop de place. En écrivant, on a évidemment imaginé ce qu’on rêverait de voir à l’écran. Mais plus le tournage approchait, plus on s’est recentré sur l’idée première du film : rester complètement ouvert à ce qui allait se passer autour de nous. Être le réceptacle des témoignages des habitants de Revin et non uniquement le moteur de l’action En fait, on a essayé de transformer ce qui était de l’ordre du discours en une forme d’action. Laurent explique qu’il arrive sans programme et qu’élu ou non, il s’en ira. Il déclenche ainsi la création d’un espace pour fabriquer un imaginaire politique.
Pourquoi avez-vous choisi Laurent Papot pour jouer ce vrai- faux candidat ?
On voulait travailler avec un acteur professionnel et quelqu’un qui ne soit pas de Revin car la figure de l’étranger était très importante dans ce processus. On a fait un casting où on a rencontré une quinzaine de comédiens et Laurent nous a impressionnés par ses capacités d’improvisation. Puisque la deuxième partie de cette audition consistait en un exercice où il devait aller à la rencontre de gens dans un bar à Malakoff et de se chercher des colistiers pour une candidature aux municipales. On a tout de suite vu qu’il était très à l’aise mais surtout qu’il arrivait à faire jouer avec une fluidité dingue les gens, sans que ceux- ci ne s’aperçoivent qu’il était comédien. Il correspondait à ce que nous voulions pour Municipale : ne jamais nous situer en surplomb de ce qu’on allait filmer. D’où la transparence totale dès le départ du dispositif du film vis- à- vis des Revinois comme des spectateurs. Il n’était pas question de piéger quiconque, pas plus que de verser dans la farce
Comment avez- vous été reçu sur place ?
On a fait énormément de réunions préalables avec les habitants et beaucoup sans caméra. On a donc passé beaucoup de temps à expliquer le projet du film pour que les gens qui le souhaitaient puisse s’en emparer en connaissance de cause et que les autres soient au courant malgré tout. Il y a forcément eu des résistances et des frictions. Mais globalement, l’accueil fut très positif et vivant car certains qui n’étaient pas tout à fait d’accord avec certaines choses du projet ont choisi de venir l’exprimer car ils en comprenaient l’intérêt. Ces contrepoints étaient très importants pour nous. La preuve que ce projet était une matière vivante
Le COVID est venu percuter cette élection municipale et donc votre film. En quoi l’a-t-il changé au final ?
Ferdinand, Milan et moi avons passé le confinement ensemble. On a donc pu regarder tout ce que nous avions tourné, s’apercevoir des manques et trouver ainsi la fin que nous souhaitions pour Municipale. Laurent ne devait plus être autant en action mais parler beaucoup moins. Afin qu’on arrive tout doucement à une forme de bilan et de projection vers l’avant. On voulait réfléchir autour de la notion du dépit et à comment le dépasser pour ne pas avoir une fin totalement démoralisante dans un moment bizarre et incertain, lien d’une part à la pandémie et d’autre part à l’échec annoncé de Laurent à la conquête de la mairie.
Commentaires