GALERIE
Pyramide Films

La comédienne suisse, découverte dans Grave et vue dans Tokyo Vice et Succession impressionne en jeune mathématicienne dans Le Théorème de Marguerite. Rencontre.

Qu’est ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?

Ella Rumpf : Ma mère a toujours adoré le cinéma donc on regardait énormément de films à la maison. L’un de mes premiers chocs fut La Strada de Fellini mais j’ai surtout grandi avec le cinéma de Chaplin qui me fascinait. Et puis un jour, alors que j’avais 14 ans, dans mon école, on m’a proposé de jouer Juliette dans Roméo et Juliette. Et ce fut comme une révélation. Comme si j’avais soudain trouvé un sens à ma vie. Je suis alors allée frappée à la porte d’une directrice casting et j’ai insisté auprès d’elle jusqu’à ce qu’elle me trouve un tout petit rôle. Et puis, au fur et à mesure de mes rencontres, je me suis rendu compte que c’était un vrai métier qui permet de toucher à tout : la science humaine, l'anthropologie, la sociologie, la littérature et même donc… aux mathématiques comme avec le film d’Anna (Novion) ! (rires) Pour moi qui déborde de curiosité, je ne pouvais pas rêver meilleur métier

En France, on va vous découvrir en 2016 avec Grave où vous campez la grande sœur de l’héroïne jouée par Garance Marillier. Quel souvenir en gardez- vous ?

En fait, je n'avais pas du tout l'intention de faire un film en France. On est presque venu me chercher car les producteurs d’un film suisse que j’avais tourné connaissaient Julia (Ducournau) et lui ont parlé de moi. Je l’ai rencontrée à Paris. Et quand j’ai lu le scénario, quelque chose a fait clic dans ma tête. Pour moi qui ai grandi en Suisse à Zurich avec une mère française, tourner en France représentait une sorte de Graal. J’ai grandi avec le cinéma français, avec des chansons françaises mais la petite Suisse que j’étais faisait un gros complexe d'infériorité. Le cinéma français me paraissait totalement inaccessible. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais été prendre des cours de théâtre à Londres plutôt qu’à Paris. Pour moi, le cinéma français est le plus grand. Sa diversité est unique au monde. Et en me retrouvant à jouer dans Grave, j’ai eu le sentiment d’être au cœur d’un vent de nouveauté qui s’est mis à souffler sur lui avec la montée en puissance de grandes réalisatrices. Un cinéma qui épousait son époque et parlait directement à ma génération. Je pense qu'on s'est trouvé Julia et moi. On avait la même manière de percevoir le monde et la violence qu'on y ressentait. Grave a percuté quelque chose qui bouillonnait en moi, qui traversait mon corps. Le tournage fut très joyeux. Et pourtant, après Grave, je savais que je n'allais pas refaire beaucoup de films en France jusqu'à mes 27 ans. Je devais surmonter ce complexe d’infériorité qui était en moi. Et c’est à 27 ans que j’ai décroché Le Théorème de Marguerite ! Car au fond, en lisant le scénario, je me suis retrouvée dans son parcours, dans sa manière de se confronter à ses peurs pour se libérer. Là encore, comme pour Grave, ce film m’a tout de suite parlé.


 

Vous avez décroché par casting le rôle de cette jeune mathématicienne qui va peu à peu s’ouvrir au monde avec lequel elle se sent en décalage ?

Oui mais en ouvrant la porte, j’ai senti qu’Anna était heureuse que je sois là. On a eu une discussion pendant deux heures où on n’a pas uniquement parlé du film ou des mathématiques mais aussi du cinéma, du monde qui nous entoure. Une conversation très fluide. Une vraie rencontre. Et pourtant quand elle m’a dit qu’elle me confiait le rôle, je lui ai dit que je n'étais pas sûre que je pourrai jouer cette Marguerite !

Pour quelle raison ?

J’ai toujours été nulle en maths, je n’ai pas vraiment une tête de scientifique. Ca me paraissait à des années lumières de moi ! Mais c’est le fait qu’elle soit à ce point convaincu qui m’a convaincue ! Elle m’a donné confiance, m’a guidé dans le rôle et c’est au fur et à mesure du processus de travail que je me suis rendu compte que j'avais beaucoup plus en commun avec Marguerite que je ne le pensais, une accessibilité au personnage

Comment on s’empare de ces dialogues très techniques, mathématiques oblige ?

J’ai énormément travaillé avec un coach sur l’accent français pour trouver la manière dont Marguerite s’exprime, très différente de la mienne. Ca a été mon plus gros challenge d’actrice à ce jour ! Un travail de grande discipline qui fut vraiment jubilatoire. J’avais besoin d’acquérir cette technicité là pour avoir le plus de liberté possible sur le plateau. Mais aussi de temps pour comprendre ce qui se passait vraiment dans la tête de Marguerite. Pourquoi cette obsession pour résoudre ce théorème de Goldbach ? J’en ai énormément parlé avec Ariane Mézard, elle- même mathématicienne et prof à l'ENS Paris, qui était la conseillère scientifique d’Anna sur le film. Elle m’a permis de comprendre le pourquoi et le comment de cette motivation, de cette quête qui a plus de chances de ne jamais aboutir que l’inverse. C’était passionnant ! Tout comme trouver l’apparence physique du personnage. Quel type de lunettes elle allait porter, sa démarche. Ce fut tout un travail en collaboration avec Anna. J’avais aussi une playlist qui m’a accompagné tout au long du tournage.

Elle contenait quoi ?

Enormément de Nirvana comme pour accompagner sa rébellion. Ces chansons m’ont permis de trouver l’état d'esprit de cette fille qui envie d'être seule, qui n'aime pas les gens, se sent un peu supérieure aux autres et en même temps manque de confiance en elle. C’est un personnage pétri de contradictions et la musique m’a aidé à percer ses mystères.

Et comment envisagez- vous la suite, vous qui avez la chance de pouvoir jouer dans plusieurs langues et qu’on a pu aussi voir dans les séries Tokyo vice et Succession ou voilà quelques mois dans la comédie islandaise Zone (s) de turbulence ?

J’ai envie de faire des choses en France. J’ai vraiment hâte de voir ce que la nouvelle génération de cinéastes va apporter. Et là je pars tourner à Athènes, un premier long métrage grec avec une équipe internationale. Je vis vraiment les plus beaux moments de mon parcours

 

Le Théorème de Marguerite. D’Anna Novion. Avec Ella Rumpf, Julien Frison, Jean- Pierre Darroussin… Durée : 1h52