Comme Juliette Binoche lors de la remise de la Palme d'or d'honneur, penchons-nous sur les grands moments de la carrière de la star hollywoodienne.
50 ans de carrière, 21 nominations aux Oscars pour 3 victoires... Meryl Streep est une actrice absolument immense, et c'est à juste titre que le Festival de Cannes l'a honorée cette année en lui remettant une Palme d'or d'honneur lors de la cérémonie d'ouverture animée par Camille Cottin. Alors qu'elle se livre aujourd'hui sur la Croisette dans le cadre d'une masterclass, retour sur 10 rôles qui ont construit la légende streepienne.
Linda dans Voyage au bout de l’enfer (Michael Cimino, 1978)
Rôle secondaire certes mais qui éclaire le film de l’intérieur et lance une carrière. Streep est Linda la petite amie de Michael (Robert de Niro), désemparée et anxieuse à l’idée de le voir partir pour la Guerre du Vietnam. C’est de Niro qui après l’avoir vu au théâtre imposa l’actrice auprès de Michael Cimino. Alors mariée à John Cazale, atteint d’un cancer du poumon juste avant de s’engager lui-aussi sur le film, Streep veillera sur sa santé le temps d’un tournage dont l’acteur ne verra pas malheureusement pas la fin. Souffrance des deux côtés du miroir.
Joanna dans Kramer contre Kramer (Robert Benton, 1979)
"I'm leaving you !" Si c'est évidemment Dustin Hoffman qui se taille la part du lion dans la petite bombe lacrymale de Robert Benton, la réussite du film doit énormément à l'ambivalence folle de Meryl Streep (qui lui a valu l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle). Un an après Voyage au bout de l'enfer et la même année que Manhattan - pas trop mal comme enchaînement -, l'actrice impose une complexité de jeu qui la fait rentrer dans la cour des grandes. Elle ne la quittera plus.
Sarah et Anna dans La Maîtresse du Lieutenant Français (Karel Reisz, 1981)
Après les seconds rôles mémorables de la fin des 70’s (Voyage au bout de l’enfer et Kramer contre Kramer), La Maîtresse du lieutenant français est le film qui fait de Meryl Streep LA grande actrice US de la décennie qui commence. Elle et Jeremy Irons jouent ici deux rôles chacun : des amants dont la romance est compliquée par les conventions de l’époque victorienne, en même temps que les acteurs qui les incarnent dans un film (et s’aiment eux aussi). Va-et-vient entre la réalité et la fiction, mise en abyme… C’est chic-issime : scénario d’Harold Pinter, mise en scène de l’angry young man assagi Karel Reisz, Mozart dans la bande-son. Chic-issime, mais pas académique, d’abord grâce à son actrice. Flamboyante, romanesque, subtile… Streep-issime.
Sophie Zawistowski dans Le choix de Sophie (Alan J. Pakula, 1982)
Mélo sur un grand sujet (la Shoah) adapté d’un best-seller de William Styron propre à faire pleurer dans les chaumières, scotcher l’académie des Oscars et susciter l’ire de la critique respectable (Pauline Kael parle alors d’un film « plus criard, qu’éclairant ») Streep, démente, rafle l’or hollywoodien dans la quasi-foulée de celui obtenu pour Kramer contre Kramer. Sous les enluminures de la mise en scène « meringuée » de Pakula, l’actrice est un volcan en sommeil. Les souffrances contenues de son personnage s’apprêtent à jaillir à tout moment.
Karen dans Out of Africa : Souvenirs d'Afrique (Sydney Pollack, 1985)
Meryl Streep tombe amoureuse de l’Afrique et de l’irrésistible Robert Redford dans cette romance coloniale adaptée du livre autobiographique de Karen Blixen, récompensée par sept d’Oscars en 1986. Sydney Pollack voulait une actrice du vieux continent pour incarner cette jeune aristocrate danoise qui, délaissée par son mari, s’éprend d’un bel aventurier. La plus européenne des stars américaines aura su le convaincre qu’elle était faite pour le rôle. La délicate tension sexuelle qu’elle établit avec Redford culmine dans la scène du shampoing qui a fait palpiter le coeur de bien des mamans.
Francesca dans Sur la route de Madison (Clint Eastwood, 1995)
Sur la route de Madison est un film totalement à part dans la carrière d'Eastwood réalisateur. A 65 ans, le dur à cuire signait un mélodrame automnal, une sorte de petite fresque néoclassique, qui assumait une réconciliation tardive sa part (bien cachée) de sentimentalité. Un vieux photographe du National Geographic tombe amoureux d'une femme mariée. La femme mariée, c’est Meryl streep qui (re)joue donc là, le love interest qui l'avait statufiée dans les 80's. Dans le rôle de cette femme, revenue de tout et surtout de l’amour, elle impose une discrétion intense, une monotonie piquante, et insuffle une forme de charme surranné à cette ménagère dépressive qu’elle transforme en grande héroïne déchirante. La pluie qui tambourine sur le vieux pick-up, les accords de Lennie Niehaus et le regard brumeux et mélancolique de Francesca... Vous ne trouverez rien de plus triste que ces adieux dans toute la filmo de la reine Meryl. Une vraie masterclass.
Susan Orlean dans Adaptation (Spike Jonze, 2002)
A partir des années 2000, Meryl Streep s’est tournée de plus en plus régulièrement vers des rôles très "fabriqués", avec déguisements, accents, postiches divers et tics Actors Studio. On l’adore pourtant "au naturel", comme dans Adaptation, de Spike Jonze, où elle interprète Susan Orlean, une journaliste fascinée par un aventurier fou d’orchidées joué par Chris Cooper. "Je veux savoir ce que ça fait de s’intéresser à quelque chose aussi passionnément", dit-elle tandis que son regard myope, toujours un peu triste, se perd dans son verre de vin blanc. Elle n’a pas besoin d’en faire trop : Nicolas Cage, dans un double rôle de jumeaux azimutés, se charge de faire le show.
Miranda Priestly dans Le Diable s'habille en Prada (David Frankel, 2006)
Quand on vous dit "une grande méchante jouée par Meryl Streep", vous visualisez immédiatement Miranda, et pas du tout Margaret Thatcher (La Dame de fer, 2011) ? C'est normal : la comédienne y est absolument géniale en boss d'un magazine de mode qui fait régner la terreur sur ses employés, à commencer par la pauvre Andy, qui vient d'être embauchée dans ce monde cruel (Anne Hathaway). "Est-ce que mon assistante est morte ?", lance-t-elle par exemple à son équipe, glaciale, quand sa commande de café met un peu trop de temps à arriver à son goût. Plus démoniaque, tu meurs !
Donna dans Mamma Mia ! (Phyllida Lloyd, 2008)
Sur le papier ça ressemblait à un cauchemar. Les chansons d’ABBA, les chorés qui semblent improvisées, l’overdose de bons sentiments et… Meryl Streep. Elle ne sait pas chanter, ne sait pas danser, mais son enthousiasme et son abandon total forcent le respect. Dans le rôle de Donna, cette mère féministe et totalement libre qui invite deux copines à faire la fête sur une ile grecque, Streep essayait à l’époque de casser son image, de descendre de son piédestal d’icône papier glacée, et jouait une femme au-delà de tout glamour. Le pire ? Ca marche.
Katherine Graham dans Pentagon Papers (Steven Spielberg, 2017)
A part sa voix dans A.I, Streep n’avait jamais croisé Spielberg avant ce Pentagon Papers, grand film dont la rédaction de ce top nous incite à le revoir séance tenante. Film pakulesque (le bon côté d’Alan J., celui des Hommes du président !) Streep incarne Katharine Graham propriétaire du Washington Post qui, en 1971, contre l’avis de son board 100% masculin, prendra la décision courageuse de publier des documents compromettants sur l’engagement américain au Vietnam. Rien pour la scène insoutenable où Streep au téléphone, fait durer le silence - et donc le suspense - avant le "go" libérateur, ce voyage en vase clos vaut la peine d’être (re)vécue. Le monde à jamais suspendu aux lèvres de l’actrice.
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