Les Oubliés des nominations aux César 2023
Les films Velvet - George Lechaptois- L'Atelier Distribution

Déceptions et/ou surprises, comme chaque année, la liste des nominations aux César a suscité son lot de débats et de sentiments d’injustice. La preuve par cinq

Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski

Il est le film symbole de l’absence remarquée des femmes cinéastes dans la catégorie meilleur réalisateur puisque contrairement à ses consoeurs Valeria Bruni- Tedeschi, Alice Diop ou encore Alice Winocour, Les Enfants des autres n’a, lui, obtenu aucune nomination. Première sélection en compétition dans un festival majeur (la Mostra de Venise), plus gros succès public de sa réalisatrice, quasi unanimement salué avec enthousiasme par la critique, le nouveau Rebecca Zlotowki avait tout du potentiel grand favori des César 2023. Les votants de l’Académie en ont donc décidément autrement, quelques jours après sa présentation au festival de Sundance. Et ce zéro pointé injuste en termes de nominations peut aussi s’expliquer par la règle des César qui veut – pour éviter une division des voix au deuxième tour et une défaite certaine – qu’un comédien ne puisse pas être nommé deux fois dans la même catégorie et que soit retenu le film pour lequel il a le plus de votes. Soit Revoir Paris pour Virginie Efira et L’Innocent pour Roschdy Zem. Mais nul doute qu’en cas de victoire l’une comme l’autre salue celle qui leur a offert l’une des plus belles, si ce n’est pas la plus belle partition de leur carrière


Elsa Zylberstein dans Simone- Le Voyage du siècle

Certes, le film d’Olivier Dahan a plutôt fait l’unanimité contre lui chez Première. Mais l’annonce de la non- nomination de celle qui l’a tout à la fois initié et en tient le rôle- titre (avec Rebecca Marder dans ses jeunes années) pile le jour où Simone- Le Voyage du siècle devenait le film français sorti en 2022 le plus vu en salles apportera forcément de l’eau au moulin à ceux qui regrettent chaque année que les votants des César snobent les films les plus populaires. Mais que ceux- ci se rassurent, l’inverse est aussi vrai tant une certaine invisibilité empêche des nominations qui paraissaient sur le papier une évidence. Comme la prestation fascinante de Swann Arlaud en Yann Andréa dans Vous ne désirez que moi de Claire Simon. Ses 44 000 entrées et son absence d’exposition dans un des trois festivals majeurs (Cannes, Venise et Berlin) expliquent sans doute cela.


Enquête sur un scandale d’Etat de Thierry de Peretti

D’Eastern boys à Onoda en passant par La Douleur, régulièrement, les votants des César propulsent par leurs votes dans la catégorie meilleur film des œuvres qui, bien que saluées par la critique, n’ont pas eu le succès public qu’ils méritaient en salles. Mais dans cette édition 2023, cette place est occupée par le Pacifiction d’Albert Serra. Et pour entrer dans cette catégorie reine, il fallait cette année cocher les cases « sélection à Cannes » (Les Amandiers, L’Innocent, La Nuit du 12 et donc Pacifiction) ou « succès en salles » (En corps). Hélas pour le beau film de Thierry de Peretti – le numéro 1 des films français dans le top de Première - n’entrait dans aucune de ces deux catégories. Mais il sauve cependant la mise avec une nomination en meilleure adaptation, où il aura fort à faire face à La Nuit du 12.


Et j’aime à la fureur d’André Bonzel

Ca aurait été un beau symbole pour son retour derrière la caméra alors que C’est arrivé près de chez vous qu’André Bonzel avait co- réalisé a fêté ses 30 ans l’an dernier. Mais son documentaire auto- portrait à travers la vie des autres, pourtant célébré par la critique, n’a pas réussi à entrer dans les cinq nommés de sa catégorie. Et plus surprenant encore, il n’a même pas convaincu les membres de l’Académie de voter assez pour Et j'aime à la fureur en meilleur montage (colonne vertébrale de ce projet, pourtant magistralement orchestré) et en meilleure musique où la BO composée par Benjamin Biolay qui est pourtant une authentique splendeur.


L’Iran et l’Ukraine

Même un prix d’interprétation féminine cannois (Zar Amir Ebrahimi pour Les Nuits de Mashhad) et un prix spécial du Jury à la Mostra de Venise (Aucun ours de Jafar Panahi) n’ont pas suffi. Alors que L’Iran occupe le devant de la scène géopolitique avec la révolte féministe et politique si courageuse qui s’y déploie, aucun des films racontant ce pays (auquel on peut ajouter le remarquable Juste une nuit d’Ali Asgari) n’a retenu l’attention des votants dans la catégorie film étranger. Nulle place donc là encore pour un geste symbolique fort. Et pas plus en direction de l’Ukraine en dépit de deux longs métrages majeurs comme Le Serment de Pamfir et Butterfly vision, pourtant respectivement sélectionnés à la Quinzaine des Réalisateurs et à Un Certain Regard.