Perdrix
Pyramide Distribution

Un premier long métrage aussi barré que mélancolique, porté par un duo magistral Maud Wyler- Swann Arlaud

Paolo Moretti, le nouveau big boss de la Quinzaine des Réalisateurs a de la suite dans les idées et un appétit prononcé la comédie française décalée. Sa première sélection s’est ainsi ouverte avec Le Daim de Quentin Dupieux et s’achèvera avec Yves de Benoît Forgeard, deux figures emblématiques de ce courant. Et au milieu, il a eu la riche idée de proposer ce Perdrix, premier long métrage d’Erwan Le Duc, auteur de plusieurs courts très remarqués en festival et mu par cette même envie d’emmener le genre le plus populaire du cinéma français vers du hors piste moins confortable mais forcément plus passionnant.

Perdrix, c’est l’éternel histoire d’un homme et d’une femme que tout ce qui sépare va rapprocher. Un jeune flic introverti à la peine dès qu’il s’agit d’exprimer le moindre sentiment amoureux et une jeune femme cash qui fuit comme la peste tout début de commencement d’attache sentimentale. Bref, on est en terrain apparemment connu. Celui de la comédie romantique, genre ultra- codifié qu’Erwan Le Duc va ici dynamiter avec une imagination sans limite et une maîtrise assez fascinante où la composition ultra- travaillée (mais jamais sclérosante) de ses cadres offre le meilleur des écrins à son écriture précise et fouillée de chaque personnage.

Dans Perdrix, on croise pêle- mêle des naturistes révolutionnaires, un biologiste passionné par l’étude des vers de terre, une gamine qui fraude pour s’inscrire en internat et échapper à sa famille, un flic neurasthénique et philosophe, une animatrice radio à la Macha Béranger qui enregistre ses émissions depuis son garage à côté d’un lit où elle accueille chaque soir un amant différent, deux bandes de potes jouant à refaire la guerre avec une reconstitution d’un assaut entre Nazis et résistants au cœur de la campagne française… Et pourtant jamais Perdrix ne tombe dans le piège du banal film à sketchs. Chacun d’eux constitue une pièce d'un puzzle qu’on se régale à voir se dessiner sous nos yeux. Il n’y a aucune obsession de l’efficacité dans Perdrix et pourtant aucun temps mort. Aucune recherche du décalage pour le décalage et pourtant un sentiment de surprise permanente. Des fous rires à la pelle et pourtant une mélancolie profonde qui accompagne sans la brusquer l’évolution des deux personnages pour que la love story impossible ne finisse par ployer sous la force de l’évidence.

Et puis il y a un casting absolument dément – du plus petit aux plus grands rôles – au sommet desquels on trouve le duo Swann Arlaud- Maud Wyler. D’un côté, l’homme de Petit Paysan prouve une fois encore qu’il fait partie de ce tout petit cercle de comédiens capable de tout jouer sans jamais donner l’impression de composer. De l’autre, une habituée des seconds rôles (Louise Wimmer, L’Ordre des médecins ou encore Alice et le maire présenté il y a quelques jours à cette même Quinzaine) qui n’avait jamais pu exprimer jusque là au cinéma l’étendue d’un talent qu’elle déploie régulièrement au théâtre. Erwan Le Duc lui a ouvert le champ des possibles et elle s’y engouffre avec une gourmandise généreuse et partageuse avec ses camarades de jeu.  Son sourire, son regard, ses gestes peuvent dire tout et son contraire en un claquement de doigt. Ils symbolisent un film sans cesse surprenant mais jamais épuisant. Tel un héritier frenchie de Wes Anderson et d’Aki Kaürismaki, Erwan Le Duc est promis à une grande carrière.