Bilan quotidien de la 16ème édition du festival du film francophone d’Angoulême
Le film du jour : Borgo de Stéphane Demoustier
Quatre ans après son remarquable film de procès La Fille au bracelet hélas passé trop inaperçu, Stéphane Demoustier a décidé de passer la case prison. Et pour cela, met le cap sur la Corse avec comme héroïne une surveillante pénitentiaire (Hafsia Herzi, une fois encore remarquable) tout juste nommée dans un établissement à régime ouvert sur l’île de Beauté et qui va, au fil des rencontres qu’elle y fait avec divers détenus à l’intérieur et hors des murs, flirter de plus en plus dangereusement avec le milieu du banditisme local. On retrouve ici tout ce qui a fait la réussite de La Fille au bracelet : un récit documenté avec soin mais qui fait la part belle au romanesque. Faisant un sort aux clichés habituels sur la Corse sans pour autant tomber dans l’excès inverse d’un enjolivement des choses, Demoustier signe un film à la tension sourde où il rend sans cesse crédible et prenante la lente descente aux enfers de cette matonne, peu à peu dépassée par les services de plus en plus importants qu’on lui demande. Et ce grâce à un scénario audacieux, jouant à la fois avec les points de vue sur la situation et la temporalité des actions, dans un geste d’une fluidité impressionnante
Sortie indéterminée
Le réalisateur du jour : Cédric Kahn pour Le Procès Goldman
Figure du militantisme d’extrême gauche des années 70 (et demi- frère de Jean- Jacques Goldman), Pierre Goldman a été assassiné à seulement 35 ans, le 20 septembre 1979, sans que jamais on ne retrouve les auteurs de ce crime. C’est en découvrant il y a une vingtaine d’années son autobiographie (publiée en 1976), Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France, que Cédric Kahn a eu l’idée de lui consacrer un film, fasciné tout à la fois par l’incandescence et la personnalité trouble du personnage. Et plutôt que d’embrasser toute sa (courte) vie, il a choisi de se concentrer sur un moment. Le procès très médiatisé de 1975, où il comparaissait comme accusé de quatre braquages à main armée – dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes – alors qu’il clamait son innocence dans cette dernière affaire et qu’il avait été condamné à la réclusion criminelle en première instance. Un instant de bascule dans son parcours. Celui où en quelques semaines, défendu par Georges Kiejman (remarquablement campé par Arthur Harari, co- scénariste de la dernière Palme d’Or), il va devenir l’icône de tout un pan de la gauche intellectuelle, celle- là même (Simone Signoret, Maxime Le Forestier ou le couple Sartre- De Beauvoir en tête) qui a mené une campagne médiatique intensive pour qu’un nouveau verdict ait lieu. Et Kahn a ici la riche idée d’aller au bout de sa logique. De ne jamais sortir du tribunal (à l’exception d’une scène d’ouverture magistrale dans sa manière de poser les bases et les enjeux de ce qui va suivre), de ne pas se perdre dans des flashbacks de reconstitution du tribunal qui auraient forcément donné un indice (ou indiqué un parti pris) sur la culpabilité ou non de Goldman. Et à l’image d’Anatomie d’une chute, il signe lui aussi un film de procès majeur en nous plaçant nous spectateurs dans la position peu confortable du juré, tiraillé entre des témoignages sans cesse contradictoires. Et en laissant toute la place à son interprète principal Arieh Worthalter (le papa de Girl), dans une interprétation de funambule en équilibre sur un fil, aussi impressionnante dans la rage rentrée que dans l’expression explosive des convictions de son personnage qui dépassent largement son cas personnel. Ne cherchez pas plus loin le favori du prochain César du meilleur acteur
En salles le 27 septembre
Le duo du jour : Anaïs Demoustier- Vincent Lacoste dans Le Temps d’aimer
Amis dans la vie, Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste avaient déjà partagé les affiches de Deux fils de Félix Moati et Fumer fait tousser de Quentin Dupieux. En 2022, c’est même elle qui lui a remis sur la scène de l’Olympia le César du meilleur second rôle qu’il a obtenu pour Illusions perdues. Dans Le Temps d’aimer, ils campent sur plus de 20 ans, de la Libération aux années 60, une serveuse dans un hôtel- restaurant du bord de mer et un étudiant riche et cultivé, porteurs l’un et l’autre de secrets enfouis, qui vont peu à peu ressurgir au fil de leur d’histoire d’amour mouvementée. Aux commandes de ce long métrage, Katell Quillévéré s’aventure dans le mélo romanesque avec un M et un R majuscule, sans jamais reculer devant les émotions qu’il suscite mais à l’inverse en les célébrant, en poussant les curseurs au maximum. Et s’appuis pour cela sur l’abattage, la justesse, la finesse de ses interprètes capables de tenir sans fléchir leurs personnages en traversant les époques et les coups pendables du destin, avec un travail particulier sur la précision du jeu corporel qui permet de redécouvrir un Lacoste loin de son emploi habituel.
En salles le 29 novembre
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