Génial en ex envahissant de Bérénice Bejo dans l'émouvant L'Economie du couple, le réalisateur Cédric Kahn raconte sa carrière imprévue d'acteur.
Réalisateur de Roberto Succo et du récent Vie sauvage avec Kassovitz en hippie, Cédric Kahn est incroyable dans L'Economie du couple en ex de Bérénice Bejo. Le lendemain de la projection du film à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2016, on a rencontré Cédric.
Cannes 2016 : Bérénice Bejo et Cédric Kahn sont incroyables dans L'Economie du couple
Bon, pour commence je t'ai adoré en flic dans Les Anarchistes l'an dernier...
Ahah, tout ça c'est de la faute d'Elie (Wajeman). Il m'a fait jouer dans Alyah (2012) et depuis je dois assumer d'être un acteur. C'était imprévu.
Pourquoi imprévu ?
Parce que c'était juste pour faire une expérience, je ne pensais pas qu'on me demanderait de faire de nouveau l'acteur. D'assumer un premier rôle. Je n'ai même pas d'agent, j'ai un agent de metteur en scène mais pas d'agent d'acteur... Je n'ai pas de projet, pas de stratégie en tant que comédien. Ma priorité est de réaliser des films.
Mais c'est grâce aux Anarchistes que Joachim est venu te chercher ?
Je ne sais pas. Il ne m'a pas dit. Je ne lui ai pas demandé. Ceux qui m'approchent pour jouer dans leur film je ne pose jamais la question du pourquoi moi. Le désir de l'autre, c'est leur affaire.
Et tu n'avais pas peur de tenir ce rôle, d'être là pendant tout le film ?
Peur avant de le faire, ou peur de la réaction du public ?
Peur avant.
Un peu, oui. Pas peur du résultat mais peur d'apprendre le texte, de louper mon coup... Après je n'ai pas peur façon "le film va être mauvais à cause de moi". Ca, c'est l'affaire du metteur en scène. Ce n'est pas mon métier, j'ai des limites, c'est à lui de gérer ça.
Hier, en présentant le film, Bérénice Bejo disait que pas mal de scènes avaient été improvisées...
C'est plus compliqué que ça. De l'impro, beaucoup d'essais, de répéptitions, de réécriture... C'est une des grandes qualités de metteur en scène de Jochaim c'est qu'il voit le cinéma comme une matière en constant progrès. Il regarde ce qu'on peut amener aux personnages...
C'est ce que j'aime avec le film, ça ne part jamais dans l'hystérie pure ou le manque de contrôle. Ca reste très écrit.
Oui, car Joachim improvise mais ne lâche pas la bride. On propose des trucs, on essaie, on resserre, on épure, on rate, on réussit. C'est de la réécriture permanente. Il a complètement développé le rôle des deux petites jumelles, Jade et Margaux. Dans le script de départ elles étaient très schématiques. La scène du repas, par exemple. On a essayé plein de choses différentes, j'ai joué Boris de beaucoup de manières -drôle, triste, agressif- et tout ça a été remonté en une seule scène. D'ailleurs si tu la regardes tu vois que c'est la scène la plus découpée du film. Et la scène de danse...
Parlons-en, d'ailleurs. Pour moi c'est le climax. C'est hyper émoouvant, je ne m'y attendais pas...
Pourquoi ?
Parce que ça commence juste comme un moment mignon d'une famille qui danse et puis ça se termine sur complètement autre chose.
Oui. Ca montre le côté désarçonnant du film. A mon avis ce que ça dit c'est que pour qu'il y ait rupture il faut qu'il y ait réconciliation. Ils peuvent pas se séparer.
Est-ce que tu vois ton personnage comme un salaud ?
Pas du tout.
Pendant la scène du repas j'avais envie que tu dégages, c'était limite physique.
Ahah, je peux comprendre. Je n'ai pas de problème avec ça mais je ne peux pas jouer un mec salaud à 100%. Il me faut de l'empathie pour lui. Il est montré comme l'intrus, le film est du point de vue de Bérénice -plutôt de l'appartement, en fait. Au fond j'ai essayé de rendre Boris le plus digne possible. Il veut de la considération.
Tu dis que ta priorité est la réalisation. Après Vie sauvage (2014), tu as prévu un film ?
Oui. Là j'y travaille. Mais je n'en parlerai pas. Je protège un peu sa fabrication. (sourire)
Comme Joachim Lafosse, tu as fait des films qui utilisent le fait divers comme point de départ : Roberto Succo, Vie sauvage... Celui-là ne part pas d'un fait divers.
L'obsession du réel est quand même très forte ici. Moi je trouve que Joachim est surtout très fort avec les enfants. On n'en parle pas assez mais les héroïnes du film ce sont en fait les jumelles. Revois-le en pensant à ça, tu verras.
Interview Sylvestre Picard
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