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A peine cinq minutes se sont écoulées et tout est clair : avec ce film surréaliste et insoumis sur un écrivain qui apprend à crever dans la bonne humeur et dans la bonne chère, Blier est en train de ressusciter. Dans le rôle de la tumeur, Dupontel est effectivement mortel. Face à lui, Dujardin parle le Blier couramment : l'acteur et le verbe du cinéaste étaient faits l'un pour l'autre, l'idylle culminant dans un monologue allongé sur le vin blanc à vous retourner le foie. Terriblement drôle et drôlement terrible, Le bruit des glaçons est l'oeuvre d'un metteur en scène qui, à 71 ans, se pose des questions sur sa propre mortalité. Le résultat? Un shot d'humeur noir à voir cul sec.
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Si la grande théâtralité du film - qui repose beaucoup sur ses dialogues et se déroule dans un décor quasi-unique- , fige les personnages hors du temps, elle permet aussi aux acteurs de briller. C'est surtout Jean Dujardin qui tire son épingle du jeu en écrivain bourru et barbu, vaguement inspiré d'Ernest Hemingway; contre toute attente, le comédien réussit à émouvoir dans la séquence finale. A 71 ans, Bertrand Blier a donc su orchestrer un touchant cheminement vers la lumière, dans lequel fantaisie, onirisme et grivoiserie font bon ménage.
Toutes les critiques de Le bruit des glaçons
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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On aimerait peut-être plus de férocité, de dérision et de panache. Total sarcome pour sarcasme total, telle est notre devise. Mais on ne boudera pas notre plaisir maladif tout de même. Bertrand Blier nous est trop nécessaire.
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Cette noblesse du coeur permet au film d'être bien plus qu'un délire de garnements jouant avec les allumettes. La farce s'épanouit sur une pente glissante mais retourne les tabous et passe à autre chose, dans une lumière bien réconfortante. Le meilleur Blier depuis un bail.
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Point de départ fantastique, auquel le spectateur adhère d’emblée grâce à une écriture limpide et simple, pour ce nouveau film de Bertrand Blier. Sans jamais déraper ni dans le pathos, ni dans le ridicule, ce dernier nous donne une comédie drôle et grinçante, émouvante et poétique, et magnifiquement interprétée. Le duo Jean Dujardin/Albert Dupontel, c’est du lourd, et les deux comédiens se sont mis en bouche avec talent et plaisir (cela se voit) d’excellents dialogues. Face à ces deux natures, deux femmes. La servante au grand cœur, c’est Anne Alvaro pleine de finesse dans un rôle magnifique, elle aussi encombrée d’un cancer campé une Myriam Boyer virago. La situation est grave mais pas désespérée puisque la mort peut être trompée grâce à une femme, grâce à l’amour.
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(...) Blier tisse une toile faite de malaise et d'humour noir. Quelques facilités et maladresses n'empêchent pas de sortir troublé du film, qui confirme tout l'intérêt qu'il y a à prendre des risques au cinéma.
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Qu'on se le dise : Blier is back. Avec son humour mordant, sa mauvaise humeur et ses répliques qui claquent. Sa folie. Sa poésie incongrue.
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Et, s'il y a la verve éblouissante de Blier, il y a également le poids de l'âge : efficace et humble dans sa mise en scène et plus porté vers l'espoir que vers le nihilisme d'antan. Mais sa philosophie de vie s'exprime avec impudence de bout en bout. Pas mort, Monsieur Blier. Juste mûr.
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L'humour noir du cinéaste dissimule une fable optimiste où les couples se forment de façon improbables et ou l'amour permet de vaincre la mort. « C'est ma conception de la comédie romantique », précise le réalisateur qui renoue avec l'atmosphère glaciale de Buffet froid. « Le plus beau compliment qu'on pourrait me faire serait d'avoir eu la larme à l'œil après avoir ri », dit Blier. Ce poème aussi brillamment écrit que superbement interprété démontre que le talent du (presque) septuagénaire a repris du poil de la bête.
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Sacré Blier ! Il n’y avait pas plus casse-gueule comme sujet. Le film trouve son équilibre dans une invention permanente et un mécanisme réjouissant de pure comédie. Porté par ses acteurs et chargé jusqu’à la gueule en bonheur de vivre, « le Bruit des glaçons » signe le retour fracassant de l’énergumène Blier, dans la veine ébouriffante des « Valseuses ».
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Dans Le Bruit des glaçons, on retrouve, évidemment, le goût de Blier pour le mauvais goût. La provoc. Avec lui, il faut rire de tout, et surtout de l'insoutenable. Mais l'on perçoit aussi son amour des paumés, des désolants, des minables, tous ces pauvres types qui hantent son oeuvre, des Valseuses aux Côtelettes. Amour féroce et dénué de pitié. Entre le cancer et sa victime, c'est une lutte à mort qu'il instaure, terrifiante et comique dans sa dérision même. Car, contre toute attente, le match n'est pas gagné d'avance : « Parlez-moi poliment, sinon je vous fais un pancréas », menace même le cancer, exaspéré par cet alcoolo qui lui résiste, insolent et rageur...
Bref, en apparence, du Blier classique, du Blier pur jus. Mais la belle surprise du Bruit des glaçons, c'est l'irruption d'un sentiment que le cinéaste avait souvent cherché, parfois trouvé, sans oser y succomber : la tendresse. C'est chose faite, avec ce beau personnage de femme qu'incarne Anne Alvaro.
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(...) ce qui ennuie le plus sans doute, c'est que Blier semble ne pas en finir avec les constructions post-modernes et les petites mises en abyme un peu datées, qui se sont muées au film du temps en fausses audaces et qui donnent le sentiment d'un auteur en pilotage automatique.
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Cette vision "Bliesque" et burlesque de vivre avec un cancer a l'élégance de l'imagination portée aux nues. Pourtant, ce décalage ne l'emporte pas vraiment : comme les maladies, qui restent invisibles à ceux qui n'aiment pas les malades, ce film risque de n'être pas très bien perçu par ceux qui n'aiment pas Blier.
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Si Dupontel est à domicile dans le bizarre depuis longtemps, Jean Dujardin, jamais empêtré dans son statut de star populaire, s'y fait sa place sans forcer le trait. Et confirme qu'il est vraiment un acteur tout-terrain. La marque des grands.
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Définitivement peu à l'aise dans la gravité, Dujardin n'a pas encore décroché son rôle à la Tchao pantin, tandis que Dupontel dupontélise sans filet, sans la moindre imagination.
Même la traditionnelle provoc se dilue dans un assemblage de combinaisons théâtreuses où les lieux communs dominent. Mais du cancer-compagnon au baiser de la mort, en passant l'exaltation du couple à l'ancienne (lui, l'artiste riche buveur de blanc, elle, la boniche à tendance maternelle), ce mélange de consensus mou et d'abécédaire cher à l'auteur, a le mérite de ne sombrer dans le détestable. Il serait même injuste de ne pas y déceler quelques belles choses, comme le décor, par exemple, qui joue à merveille des contrastes : le mas provençal plongé dans la pluie et la grisaille, le seau à glace d'un Dujardin emmitouflé, qui confèrent à l'image une texture fiévreuse et glacée. Si les derniers films de Blier avaient tendance à gâter les grandes œuvres du passé, Le Bruit des glaçons se voit plutôt comme une version miniature, superficielle, mais pas dégénérée. Au point où il en est, c'est même appréciable. -
Le meilleur est à chercher du côté de ce qui précisément échappe au pitch, et qui devient heureusement en cours de film le sujet principal, à savoir la relation entre Dujardin le séducteur et Anne Alvaro, sa bonne plus âgée et moins belle que les jeunes bombasses avec lesquelles il trompe sa solitude. On touche là à une obsession profonde du cinéaste : l’étonnement à découvrir le plaisir charnel avec une personne aux antipodes des fantasmes les plus normés.
Une femme grosse (Trop belle pour toi), un homme chétif et ingrat (Tenue de soirée), l’objet du désir défie les catégories de celui qui désire. Jeanne Moreau se tapant Dewaere et Depardieu avant de se donner la mort dans Les Valseuses donnait une figure tragique à l’épreuve de la ménopause. Anne Alvaro, remarquable, en incarne le versant triomphant, et le film ménage quelques scènes émouvantes, lorsque l’amoureuse en secret voit enfin le don juan de ses rêves s’abandonner à sa douceur résignée.
Dommage alors que la verve scénaristique du cinéaste tombe soudainement en panne et que, pour ménager un happy end, Blier recoure à un subterfuge grossier, invraisemblable même à l’intérieur de son programme fantastico-allégorique où les cancers sont des personnes. Avec cette fin mal expédiée, le film escamote en dernier lieu le sujet intrigant qu’il ne trouvait qu’en cours de route. -
Amusant au début, le concept s'enlise dans un théâtre filmé daté, laissant les acteurs en roue libre. Plus de tapage que de bruit.
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Si la formule Blier n’a jamais changé, elle se pare depuis quelques années d’une théâtralité mortifère, bien plus inspirée ici que dans les indigestes "Côtelettes" au concept proche. On est certes loin de "Buffet froid", question mise en abîme et miroir sociétal. Mais cela faisait un moment que Blier n’avait paru si ravi de faire la nique à la grande faucheuse. Et nous avec.