Première
par Frédéric Foubert
La New York des urgences, des gyrophares dans la nuit, des vies brisées aperçues à la volée, le temps de charger le brancard dans l'ambulance, direction l'hôpital le plus proche… C'est un matériau connu, une iconographie balisée (d’A Tombeau ouvert à la série New York 911) dont s'empare dans Black Flies (découvert en compétition à Cannes) Jean-Stéphane Sauvaire, adaptant un livre de Shannon Burke, romancier qui a lui-même été paramedic à New York. Tye Sheridan joue Ollie Cross (on entend "Holy Cross", la Sainte Croix), apprenti urgentiste, qui veut devenir médecin, guérir le monde, le sauver – quand il n'est pas dans sa tenue d'ambulancier, il porte un blouson lui faisant des ailes d'ange dans le dos. Aux côtés d'un vieux briscard lessivé joué par Sean Penn, il va entamer un voyage de plus en plus dangereux dans la cour des miracles new-yorkaise. Peut-on traverser les ténèbres sans se laisser happer par elles ? Après Johnny Mad Dog et Une Prière avant l’aube, Sauvaire poursuit sa quête d’un cinéma sensoriel, hypnotique, où l'envie d'élévation spirituelle se mêle au réalisme brutal, à une volonté d'uppercut, créant à l'arrivée une sensation de vérité semi-hallucinée. L'idée est d'atteindre d'emblée le plus haut point d'intensité, et d'y rester. Une ligne de dialogue résume le mélange de prosaïsme et de lyrisme du film : "Il y a nous [les urgentistes], les morts et les mourants." La conclusion – une compilation de vues new-yorkaises sur fond de Wagner, qui donne l’impression que Sauvaire ne peut plus s'arrêter de filmer – dit superbement que cette histoire est sans fin.