Chapeau melon et bottes de cuir
1967 STUDIOCANAL FILMS Ltd

Chapeau melon et bottes de cuir, alias The Avengers, est de retour sur madelen, la plateforme de streaming de l’INA. L'occasion de redécouvrir la série la plus féministe des sixties.

Si Jennifer Lawrence a créé une polémique récemment concernant l’absence de rôles féminins forts dans le genre action avant la série des Hunger Games, c’est sans doute parce qu’elle est trop jeune pour avoir connu Chapeau melon et bottes de cuir.

L’arrivée en streaming de tous les épisodes existants de la série sur madelen, la plateforme de streaming de l’INA, est l'occasion de rappeler que la meilleure série que l’Angleterre ait jamais engendrée a été un précurseur du combat féministe. Née quasiment en même temps que le mouvement américain du Women’s Lib (pour la France, il faudra attendre les années 70 pour que le MLF apparaisse), Chapeau melon et bottes de cuir, avec sa succession d’héroïnes plus intelligentes et plus fortes que son héros principal, ont été tout au long des sixties (et des seventies avec ses multiples rediffusions) l’étendard absolu de la libération de la femme, et de l’évolution positive de son statut dans la société du XXe siècle.

Certes, la série était produite et réalisée par des hommes, et portait un regard très masculin ("male gaze", dirait-on aujourd'hui) sur ses héroïnes habillées de cuir, attachées et torturées, voir fouettées (l’épisode, Le Club de l’enfer, notoirement censuré et coupé en France et en Grande-Bretagne, et interdit de diffusion aux Etats-Unis, est disponible dans la saison 4 en version intégrale sur madelen). Certes, les femmes de la série, Cathy Gale, Emma Peel et Tara King, (et plus tard Purdey), enduraient souvent la violence masculine, c’était pour mieux se délecter de les voir casser sauvagement la figure aux méchants et aux hommes de mains joués par les cascadeurs (certains se retrouvaient même à l’hôpital dans le coma, ou avec le nez cassé, quand un coup était porté avec trop de réalisme).

Diana Rigg dans Chapeau melon et bottes de cuir
1966 STUDIOCANAL FILMS Ltd
Regardez Chapeau melon et bottes de cuir sur madelen, la plateforme de l'INA

Diana Rigg dans la saison 4 de Chapeau melon et bottes de cuir

 

Chapeau melon et bottes de cuir  transgressait absolument toutes les règles qui régissaient alors l’image de la femme à la télévision, le plus souvent cantonnée en cuisine ou belle plante speakerine. En présentant des femmes ultra-éduquées et sexy, à la poigne de fer, qui savaient tenir les hommes à distance, face à un mâle, John Steed, qui les traitait d’égal à égal, voir comme supérieures, en connaissant très bien ses propres limites, la série a été emblématique et pionnière du féminisme. Du jamais vu à l’époque, et une vision surréaliste pour la gente masculine globalement machiste du milieu du XXe siècle. Notoirement, l’actrice Diana Rigg, qui incarne Emma Peel pendant deux saisons, popularisera la mini-jupe à l’écran, alors que le vêtement provoquait le scandale dans le monde entier, contre l’avis des producteurs, et pour le ravissement des spectateurs et spectatrices. Systématiquement, elle montrait à son partenaire John Steed une intelligence et un savoir, qu’il soit littéraire, scientifique, ou d’ingénierie, qui lui étaient totalement inaccessibles.

Vendue dans plus de 120 pays, l’impact féministe des Avengers a eu un retentissement international. James Bond, alors débutant à l’écran avec Sean Connery, lui subtilisera son actrice principale, Honor Blackman, pour mettre en scène dès Goldfinger, en 1964, une première partenaire qui lui tient tête. En quittant les Avengers, Diana Rigg rejoindra elle aussi Bond dans Au Service Secret de sa Majesté, pour jouer sa femme, et celle qui lui sauve la mise quand tout semble perdu pour lui ! Un grand coup dans le machisme ambiant.

Aux Etats-Unis, une série copiée-collée de Chapeau melon et bottes de cuir façon film noir, Honey West, va apparaitre en 1965, avec l’actrice Anne Francis en clone de Cathy Gale. Man From U.N.C.L.E. (Des Agents très spéciaux) monte aussi au créneau avec son spin-off Girl from U.N.C.L.E. (Annie Agent Très Spécial), jouée par Stefanie Powers, sur la même promesse que les Avengers. Une fois la série Chapeau Melon terminée, en 1969, et alors que les rediffusions arrivent de partout en 1970, les rôles de femmes fortes au cinéma vont aussi exploser.

 

Linda Thorson et Patrick Macnee dans Chapeau melon et bottes de cuir
1968 STUDIOCANAL FILMS Ltd

Linda Thorson et Patrick Macnee dans la saison 6 de Chapeau melon et bottes de cuir

 

Au Japon, la série La Femme scorpion apparait en 1972, tandis qu’aux USA, Coffy, La panthère noire de Harlem avec Pam Grier, en 1973, popularise le genre de l’action féminine. Dans Crime à froid, en 1974, Christina Lindberg incarne une femme vengeresse portant un cache-œil, qui influencera Tarantino plus tard dans Kill Bill. Le genre connait un petit passage à vide, avant que dans les années 80, Michelle Yeoh et Cynthia Rothrock arrivent sur la scène internationale avec la série hong-kongaise Le Sens du devoir, ou elles pètent la gueule à d’innombrables hommes, créant un genre, celui des « Deadly China Dolls » qui va engendrer des centaines de copies ou des femmes tabassent et trucident les hommes, tous décrits comme des monstres laids et repoussants, de toutes les manières possibles.

Aux USA, James Cameron, reprend littéralement les Cybernautes des saisons 4 et 5 de Chapeau melon et bottes de cuir pour son Terminator, et construit le personnage de Sarah Connor comme une déclinaison d’Emma Peel et Tara King, qui deviendra dans Terminator 2 encore plus badass que ses modèles. Luc Besson reprend lui aussi à son compte la figure de la femme d’action des films des Hong-Kong avec Nikita, qui sera aussi copiée à plusieurs reprises, juste retour des choses, par le cinéma de Hong Kong, avant d’engendrer une série TV Canadienne à la fin des années 90 par les futurs scénaristes et producteurs de 24h Heures Chrono, avec Peta Wilson en absolue badass. Plus près de nous, il y aura bien entendu Kill Bill, dix ans avant que les Hunger Games arrivent, et dans les années 2010 une autre série Nikita apparait avec Maggie Q, à son tour influencée par le cinéma de Hong Kong.

Toutes ses figures, n’auraient sans doute jamais existé si les actrices de Chapeau melon n’avaient pas montré la voie. Dans la déclinaison des New Avengers, la dernière Steed Woman, Purdey, balance à son partenaire Gambit qu’elle n’a jamais eu besoin de brûler son soutien-gorge, parce qu’elle sait depuis longtemps qu’elle est libérée. C’était en 1976.


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