L'avenir du DC Cinematic Universe s'appelle Wonder Woman.
Batman V Superman : L'Aube de la justice, qui reviendra demain soir sur TF1, s'est fait tabasser par la critique française comme américaine lors de sa sortie en 2016. Notre ressenti était plus mitigé, plus compliqué qu'un simple flingage en règle (relisez notre critique ci-dessous) mais il y a au moins un élément qui met tout le monde d’accord : Wonder Woman. Son apparition dans le film est une réussite totale et immédiate. Incarnée par l'actrice israélienne Gal Gadot, qui faisait les utilités dans les quatre derniers Fast & Furious, elle apparaît en tenue de soirée dans deux scènes et tape dans l'oeil de Bruce Wayne (Ben Affleck). Avant d'apparaître en mode full power et en costume de Wonder Woman dans la dernière demi-heure du film, qui tabasse. L'Aube de la justice accomplit au moins ceci : déringardiser en quelques scènes Wonder Woman et lui donner immédiatement un avenir au cinéma. Et ce n'était pas gagné.
Batman V Superman : L'Aube de la justice, brouillon et bizarrement anti-spectaculaire [critique]
En 2016, donc, nous revenions sur l'histoire de Wonder Woman à Hollywood. Nous republions cet article très détaillé pour patienter jusqu'à dimanche, 21h. Notez qu'on ne s'y était pas trompés : le film en solo de la super-héroïne est sorti en juin 2017 et ce fut un franc succès, aussi bien auprès des critiques que du public. Sa suite, Wonder Woman 1984, sortira en juin 2020.
L'Aube de Wonder Woman
Warner a fait le choix d'introduire Wonder Woman en second rôle dans Batman V Superman plutôt que de sortir d'abord son film en solo, à la différence de Disney qui a fait Captain America avant Avengers. Warner était confronté au même problème que le studio de Mickey. Créée en décembre 1941, neuf mois après Captain America, en pleine Seconde Guerre mondiale, Wonder Woman est une Amazone âgée de 3000 ans, héroïne du Golden Age des comics, colorée, positive et lumineuse, héritière des premiers mouvements féministes américains. Armé d'un "lasso de la vérité" et perdant sa super-force si un homme l'enchaîne, c'est un personnage très casse-gueule à réussir, tout comme Captain America. Warner fait le contraire de Disney. Et définit Wonder Woman à travers la monumentale scène d'action du dernier acte, teasée dans les bandes-annonces du film. Wonder Warrior Woman, plutôt : elle encaisse des rayons d'énergie destructeurs et se bat à l'épée lors d'un duel extraordinaire. La cinégénie de Gal est une évidence, en civil ou en costume, et Snyder la shoote avec un plaisir réel. A la différence des apparitions un brin maladroites dans le film de The Flash (Ezra Miller), Aquaman (Jason Momoa) et Cyborg (Ray Fisher), qui seront dans Justice League première partie (novembre 2017 si tout va bien) avant d'avoir droit à leur film solo à partir de 2018.
Warner V Disney
Jeudi 24 mars, la veille de la sortie américaine de Batman V Superman, Warner publie une nouvelle photo du film-solo Wonder Woman montrant l'héroïne flanquée d'autres Amazones (Connie Nielsen, Robin Wright et Lisa Loven Kongsli) dans un look de péplum/fantasy qui évoque à première vue les designs de Thor de chez Disney-d'en-face. Wonder Woman devrait commencer dans les tranchées de la Première guerre mondiale, avec la rencontre entre l'héroïne et l'aviateur Steve Trevor (Chris Pine). Le tout premier bout de teaser vidéo, dévoilé en janvier dernier, met en avant une scène de baston où WW se frite avec des soldats allemands avec un éclairage noir-vert à la Matrix. Tout ça a fait râler le scénariste de comics Grant Morrisson (Les Invisibles), qui sur la foi de ces rares images juge déjà que le personnage s'éloigne des ses racines de la BD. "Tu vois les dernières images de Gal Gadot en costume et c'est en mode total "épée et bouclier" et elle qui grogne devant l'objectif", râle Grant au micro de The Nerdist. il est un peu trop rapide à la critique : réalisé par une femme (Patty Jenkins, auteur de Monster), Wonder Woman promet très clairement de faire oublier que les derniers super-films avec de super-héroïnes s'appelaient Catwoman avec Halle Berry et Elektra avec Jennifer Garner. Et surtout, en sortant Wonder Woman le 23 juin 2017, Warner joue enfin un coup d'avance face à Disney puisque ce dernier n'a toujours pas prévu de film Black Widow en solo et que son Captain Marvel -dont le rôle n'était alors toujours pas pourvu, depuis Brie Larson a été castée- ne doit sortir qu'en mars 2019. En quelques coups d'épée, Wonder Woman a permis à Warner de distancer Disney/Marvel. Et de donner enfin à la super-héroïne le destin de cinéma qu'elle mérite et qu'on attend depuis plus de trente ans.
Bullock passe
Revenons en arrière. La sympathique série télé Wonder Woman avec l'ex-Miss Monde Lynda Carter, diffusée de 1975 à 1979, a laissé de suffisamment bons souvenirs à ses spectateurs pour servir de modèle référent. Un modèle devenu gentiment ringard avec les années, mais un modèle quand même. Et Warner se débat avec un reboot cinéma officiellement depuis 1996, même si on peut supposer que l'énorme carton de Batman en 1989 a dû leur donner des idées. L'inusable yes man Ivan Reitman devait réaliser ce Wonder Woman produit par Joel Silver mais rien de concret n'a été produit. Dès 1999, Sandra Bullock est approchée pour jouer le rôle principal. De fait, en 2001, le producteur Joel Silver demande à Todd Alcott (auteur de FourmiZ) de réécrire le script de Wonder Woman signé de Jon Cohen (futur co-auteur de Minority Report pour Spielberg). Et Sandra Bullock est bel et bien le choix numéro un de Warner. Mais le scénario stagne dans le development hell : en 2003, Laeta Kalogridis (futur co-auteur d'Avatar) bosse même dessus.
Whedon trépasse
En 2005, Joss Whedon est en train de tourner Serenity (la conclusion ciné de sa série Firefly) et réussit à se faire embaucher comme scénariste et réalisateur d'un tout nouveau Wonder Woman revenant aux origines de la BD (un aviateur se crashe sur l'île des Amazones pendant la guerre et tombe amoureux de WW). Mais après deux ans d'écriture, Whedon jette l'éponge sans avoir pu terminer un scénario complet, en dénonçant le manque d'investissement de Warner concernant le personnage. Retour à la case départ pour WW. Paul Feig (Mes meilleures amies) a même pitché à Warner une comédie d'action légère où Wonder Woman se heurte au machisme des autres super-héros, en s'inspirant de la vie de la féministe américaine Cicely Hamilton. Warner a refusé. En 2011, David E. Kelley (le créateur d'Ally McBeal) produisait un pilote pour une série télé Wonder Woman avec Adrianne Palicki (G.I. Joe : Conspiration, John Wick) qui n'a pas trouvé preneur et n'a jamais été diffusé. Kelley voulait recréer WW dans une double identité assez classique de vigilante urbain la nuit et executive woman le jour, sans faire de référence à la mythologie originelle du personnage. Vêtue d'un costume moulant flashy assez cool, Wonder Woman version Kelley n'était plus une Amazone immortelle venue de l'île de Themyscira. Mais le traitement personnage restait trop kitsch, trop ringard, trop casse-gueule.
Woman of Steel
En 2010, alors que The Dark Knight Rises rentre en tournage, Warner anticipe la fin de la trilogie de Christopher Nolan. Et louche sur le succès du Marvel Cinematic Universe en lançant des projets consacrés à Aquaman, The Flash, et bien sûr Wonder Woman. Tout a changé en 2013 avec le succès de Man of Steel, qui en ressuscitant Superman à la sauce Zack Snyder a prudemment posé la première pierre d'un DC Cinematic Universe capable de rivaliser avec celui de Marvel. Gal Gadot s'empare du rôle dès décembre 2013, battant des prétendantes comme Olga Kurylenko ou Elodie Yung. Et puis, en juillet 2014, Zack Snyder dévoilait au Comic Con la première photo de Wonder Gal Woman. Une guerrière en armure, sorte de version féminine de Léonidas de 300, qui a un peu calmé tout le monde. Dès lors Warner s'emballe et recherche une réalisatrice avant même d'avoir un script. Le studio insiste sur le fait d'engager une femme et, après avoir fait le tour des wonder women de la caméra (comme Kathryn Bigelow, évidemment), s'arrête sur Michelle MacLaren, vétéran de la série télé adulte (Game of Thrones, Les Soprano). Décembre 2014 : Jason Fuchs, qui a écrit L'Age de glace 4 et le reboot Pan pour Warner, est embauché pour écrire le script. Mais en avril 2015, MacLaren quitte le projet car sa vision ne convient pas au studio, ou vice-versa. Patty Jenkins la remplace et le tournage commence en novembre 2015. Une femme va enfin signer de son nom un blockbuster super-héroïque. Restait à voir Wonder Woman en action. De ce côté-là, carton plein. Et alors que le titre de Batman V Superman promettait que l'évènement du film allait être le combat entre le dark knight et l'homme d'acier, Wonder Woman leur vole la vedette. Ce n'est que justice.
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Bande-annonce de Batman V Superman : L'Aube de la justice :
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