De Bruce Wayne à Jim Morrison en passant par Madmartigan, l'acteur décédé ce mardi à l'âge de 65 ans avait marqué le cinéma américain. Retour sur ses performances les plus emblématiques.
Val Kilmer est décédé. L'acteur américain est mort cette semaine à l'âge de 65 ans, affaibli ces dernières années par un cancer de la gorge. Il laisse derrière lui une filmographie étonnamment riche et variée au fil de 40 ans de carrière. Première se souvient, Val Kilmer c'était...
Nick Rivers dans Top Secret! (1983)
Val Kilmer fait ses débuts cinématographiques dans la comédie d'espionnage des ZAZ (Zucker-Abrahams-Zucker) où il incarne un chanteur américain qui se retrouve impliqué dans la résistance française en Allemagne de l'Est. Bien que moins connu que Y a-t-il un pilote dans l'avion ! ce film est fait du même humour absurde (jeux de mots, gags visuels délirants, et acteurs qui jouent deadly serious). Kilmer y démontre un talent comique hallucinant, jouant parfaitement le rôle du chanteur à la Elvis tout en participant pleinement à la folie comique qui caractérise le film. Et sa scène de baston sous-marine ou son arrivée déguisé en vache restent parmi ses plus grands moments filmiques.

Iceman dans Top Gun (1986)
Comme il l’expliquait dans le formidable docu Val, Kilmer ne voulait pas du rôle d’Iceman et du scénario « stupide » de Top Gun, dans lequel il lisait une glorification « l’hyper masculinité », du « machisme » et de « la guerre ». Mais en contrat avec Paramount, il n’a pas vraiment eu le choix. Le destin est parfois généreux… Un peu connard, un peu touchant (il veut juste qu’on respecte les règles !), son Iceman est l’antithèse parfaite de Maverick, le pilote discipliné face à la tête brûlée. Rivalité intense, mais jamais caricaturale : Kilmer n’a pas besoin de forcer son charisme naturel et joue de nuances subtiles, entre regard arrogant et sourire en coin qui en dit long. La carrière de Tom Cruise lui doit plus qu’on ne le croit.

Madmartigan dans Willow (1988)
Le cinéma de George Lucas est fait d’archétypes, inspirés par la pensée du philosophe Joseph Campbell, elle-même influencée par Jung (une théorie complètement claquée au sol, mais là n’est pas le sujet). En l’occurrence, Madmartigan dans Willow (écrit par Lucas) est la version médiévale-fantastique de l’archétype de Han Solo : une charmante canaille, combattant/filou émérite que regarde le héros naïf (Willow/Luke Skywalker) avec émerveillement, et qui séduira la princesse badass (Shorsa/Leia)… Assez de cette anthropologie de comptoir : Kilmer est de très loin la star de ce film très rigolo, bataillant avec l’entrain des grands héros hollywoodiens, et sachant toujours casser cette image avec une chute ou une vanne bien sentie -voir cette scène impayable où il se déguise en femme pour éviter un mari jaloux, ou ce moment grandiose où, shooté à la potion magique, il se casse la gueule dans la neige en faisant mouliner son épée pour épater Willow. Kilmer n’aura pas pu reprendre ce beau rôle dans la série maudite Willow en 2023 : on ne le verra qu’en images d’archives, et sa voix sera assurée par celle de son fils. Vous auriez adoré voir un Old Madmartigan ? Tant pis, il sera condamné à rester éternellement jeune...

Jim Morrison dans The Doors (1991)
Pour convaincre Oliver Stone de l’embaucher dans son biopic de Jim Morrison, Val Kilmer tourna une bande démo dans laquelle il se glissait dans la peau du Roi Lézard et reprenait plusieurs morceaux des Doors – on apprenait dans le documentaire Val que ce genre de vidéo auto-promo étaient l’une des spécialités de l’acteur, qui en envoyait même aux cinéastes qui ne lui avaient rien demandé. Stone, fanatique de Morrison, fut conquis. Et quoi qu’on pense du film, de ses raccourcis historiques et de sa reconstitution sixties un peu toc, difficile de ne pas admettre que Kilmer est dément dedans, exceptionnel, possédé, capturant l’aura dionysiaque du chanteur de Light My Fire, mais sans non plus enfermer celui-ci dans les clichés idolâtres – peut-être parce que Morrison et Kilmer, au fond, partageaient un même sens de la provoc’. C’est la perf’ de biopic musical qui annonce toutes celles qui suivront, pour le meilleur et pour le pire (surtout pour le pire).

Elvis dans True Romance (1993)
Sept ans après Top Gun, Val Kilmer retrouve Tony Scott. Mais cette fois-ci, les dialogues sont signés Tarantino. L’acteur est crédité au générique dans le rôle du « mentor », mais il joue bien sûr le fantôme d’Elvis Presley, qui apparaît régulièrement pour prodiguer ses conseils de coolitude au petit vendeur de comic books joué par Christian Slater – un alter-ego de Tarantino (gros fan d’Elvis… et de Top Gun). Kilmer est à peine visible dans le film, planqué en costume doré dans le flou de l’arrière-plan. Mais si son apparition tient du gag, elle prouvait aussi que l’acteur n’avait pas peur de jouer les icônes. Batman, Doc Holliday, Jim Morrison, Elvis… Qui dit mieux ?

Doc Holliday dans Tombstone (1993)
Juste avant que l'As de la gâchette ne soit joué par joué par Dennis Quaid dans le Wyatt Earp de Lawrence Kasdan (face à Kevin Costner en 1994), Val Kilmer se met derrière les petites lunettes du Doc Holliday, légende de l'ouest américain, joueur invétéré, tireur d'élite et assassin renommé, qui a notamment participé à la fameuse bataille de O.K. Corral dans le Kansas en 1881. Dans le western hollywoodien de George Cosmatos, Kilmer apporte une classe folle au Doc. Pistolero tuberculeux avec un mélange de charme, d’ironie et de fragilité, son jeu nuancé et ses répliques cultes en font l’un des points forts du film, volant presque la vedette au froid Kurt Russell (en Earp).

Jean Mermoz dans Les Ailes du Courage (1995)
C'est la seule production française à laquelle participa l'Américain ! Dans ce petit film de 40 minutes, on suit la disparition dans la cordillère des Andes de Henri Guillaumet, pilote de l'Aéropostale, sauvé par Antoine de Saint-Exupéry après une expérience de survie glacée, en haute montagne, en plein hiver austral et sans équipement. Val Kilmer incarne Jean Mermoz devant la caméra du Français Jean-Jacques Annaud. Un rôle secondaire mais important puisqu'il s'agit du tout premier film de fiction au format IMAX 3D. Il a été diffusé au parc du Futuroscope offrant une expérience visuelle impressionnante à l'époque.

Bruce Wayne dans Batman Forever (1995)
Val Kilmer accède à son « rêve d’enfant », devenir Batman au cinéma. L’acteur arrive sur le plateau de Joel Schumacher avec sa vision du personnage, tout en introspection, silencieusement torturé par sa double identité. Le contraste entre cette sobriété de jeu et la flamboyance presque « camp » de ses ennemis (le Riddler de Jim Carrey et Double-Face incarné par Tommy Lee Jones) ne jouera pas forcément en sa faveur auprès du public. Il était pourtant le seul à avoir compris l’ambiguïté et les démons qui tourmentent le Chevalier Noir. Malgré ses clashs avec lui sur le tournage, Schumacher avouait un jour penser que « Val Kilmer était le meilleur Batman ». Ce serait un mauvais jour pour lui donner tort.

Chris Shiherlis dans Heat (1996)
Alors que Michael Mann vient de finaliser le scénario de Heat 2, nous savons pour avoir lu le roman dont il s’inspire que l’intrigue suivra principalement les traces de Chris Shiherlis incarné par Val Kilmer dans le premier opus. Chris, homme de main de Neil McCauley (Robert De Niro), est le seul survivant de la bande derrière l’une des attaques au fourgon blindé les plus iconiques de l’histoire du cinéma. Kilmer en chien fou, cheveux long et catogan, porte dans le regard la folie des hommes d’action qui voguent inéluctablement vers la tragédie. L’acteur comme jadis Mickey Rourke dans Angel Heart – autre star cabot et cabossée- n’avait pas peur du mythe De Niro et se trouvait comme électrisé à son contact. Ce sera moins le cas dans le film suivant face au monstre Brando dans L’île du Docteur Moreau qui posera son statut d’acteur ingérable. En attendant, Heat, c’était aussi lui.

Gay Perry dans Kiss Kiss Bang Bang (2005)
Le faux n’est pas forcément l’ennemi du vrai. Quoique. Cette comédie volontairement outrée de Shane Black tente une mise en abyme incertaine du métier d’acteur. Val Kilmer en supposé modèle de Robert Downey Jr assume le deal baroque de départ. Soit faire d’un voleur à la petite semaine propulsé par erreur à un casting, un comédien convaincant. Kilmer qui dans la vraie vie joue déjà avec les feux d’une carrière glissante, s’amuse à faire de son personnage de détective privé une caricature de lui-même. Résultat, chaque regard lancé à Downey Jr glisse sur son partenaire pour nous parvenir en pleine figure. Kilmer traverse ainsi le miroir pour l’exploser en mille morceaux. Un magnifique saut de l’ange vers l’inconnu.

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