Huit ans plus tard, l'aventurière du Pacifique est toujours aussi curieuse et attachante. Malheureusement, son nouveau récit manque de tenue et d'originalité pour convaincre pleinement.
En 2016, John Musker et Ron Clements (Aladdin, Hercule...), livraient une belle aventure avec Vaiana, la légende du bout du monde, parcours d'une jeune fille (Auli’i Cravalho , en VO, Cerise Calixte en VF) élevée dans le respect de la nature et des traditions du Pacifique, mais en quête d'aventures maritimes loin de sa famille, qu'elle quittait pour faire équipe plus ou moins malgré elle avec un demi-Dieu très sûr de lui, Maui (Dwayne Johnson/Anthony Kavanagh).
Vaiana, la légende du bout du monde, un très grand Disney [critique]Ils embarquaient à bord un poulet peureux, croisaient des noix de coco aussi agressives sur leurs navires de guerre que les pilotes de Max Mad, et ils s'entraidaient pour mieux déjouer une triste malédiction ancestrale. Le tout en chansons, plusieurs morceaux entêtants ayant été composés spécialement pour l'occasion par Lin-Manuel Miranda (Hamilton, et depuis derrière Encanto chez Disney). Notamment le très réussi "You're welcome/Pour les hommes", du deutéragoniste Maui, qui en plus d'être entraînante, était exceptionnellement illustrée dans un style d'animation en 2D.
A lui seul, ce morceau illustrait parfaitement l'idée générale de Vaiana, le studio renouant avec sa propre tradition en revenant aux grandes comédies musicales animées telles que La Belle et la Bête ou La Petite sirène, tout en la modernisant par sa nouvelle culture à célébrer et son refus de suivre une princesse classique tombant amoureuse d'un beau prince.
Pour cette suite, l'idée générale reste la même, Vaiana étant amenée à vivre une nouvelle aventure sur les mers, sans aucune considération romantique. Elle avait dû partir pour renouer avec ses ancêtres, cette fois, elle quitte les siens pour créer des liens avec de nouveaux peuples, et préparer un avenir commun. Maui vit lui sa propre aventure de son côté, mais le destin va de nouveau les rapprocher, et cette fois, ils seront d'emblée bien contents de faire équipe.
Les réalisateurs ont changé : David G. Derrick Jr., Jason Hand et Dana Ledoux Miller, tous animateurs et/ou scénaristes sur les Disney récents tels que Raya et le dernier dragon ou La Famille Madrigal, arrivent aux commandes, chacun pour la première fois d'un projet d'une telle ampleur. Les compositeurs/paroliers ont aussi été en partie remplacés : Opetaia Foa’i et Mark Mancina sont toujours là, mais Abigail Barlow et Emily Bear (primées aux Grammy Awards), succèdent à Miranda. Ce changement important d'équipe, associé au fait qu'au départ, Vaiana 2 avait été pensé comme une série télé et non un film de cinéma, expliquant sans doute l'impression de répétition, voire de manque d'ambition, qui se dégage de ce n°2.
Entendons-nous bien, ce nouveau Vaiana conserve des qualités indéniables : le courant passe toujours aussi bien au sein du duo principal, les chansons sont dynamiques et leurs paroles s'intègrent avec fluidité à l'histoire, le jeu des tatouages reste parfaitement divertissant, la beauté des océans et des créatures marines est bien là, et l'on ne s'ennuie pas un instant. Ce qui est déjà beaucoup pour une suite de Disney, firme qui a longtemps produit des DTV bas de gamme pour surfer sur le succès de ses classiques animés.
Le problème, ici, c'est qu'à force de vouloir repartir sur les mêmes bases, les bons moments de Vaiana 2 ont souvent été déjà faits, en mieux, dans le film original et/ou dans Encanto, encore lui, qui semble avoir inspiré ici le thème de la sororité ou de la prophétie à déjouer, ainsi qu'une grande partie des morceaux (la présentation du village en ouverture à la Mirabel, le nouveau titre de Maui mis en scène comme "Sous les apparences" de Luisa, etc.).
L'équipe de cette suite est d'ailleurs parfaitement consciente de cet héritage de Vaiana, plusieurs blagues "méta" étant par exemple faites sur la réception du premier film, très populaire auprès des enfants (Vaiana bat des records de vues en streaming depuis le Covid, et pas seulement sur Disney+), ou sur le fait que non, elle n'est toujours pas une princesse. Ca pourrait être rigolo, si cette manière de recycler ses œuvres et de s'en moquer n'était pas devenue un cliché du studio, notamment chez Marvel où les vannes fusent, et brisent souvent toute tentative d'émotion. Ici, les fans seront au moins ravis que Pua (alias Bacon) participe cette fois pleinement à l'aventure, la production ayant entendu la frustration des spectateurs déçus que l'héroïne ne soit pas accompagnée par son animal kawai tout au long de son premier périple.
Si Vaiana 2 ressemble énormément à son aîné, on y retrouve quand même quelques nouveautés... qui partent un peu dans tous les sens : la belle idée de faire revenir les noix de coco maléfiques tourne à la surenchère, par exemple. Mais surtout, comme la fin ouvre clairement vers de nouvelles suites (sans compter que The Rock tourne actuellement dans Moana, la version en live action de Vaiana), cela donne à cet épisode un côté anecdotique, là où le premier film retombait parfaitement sur ses pieds. La scène post-générique justifie au passage l'abandon d'un personnage clé en cours de route, une bonne illustration de l'aspect bancal de cette histoire.
A quoi aurait-elle aurait pu ressembler sous forme de série, avec des épisodes s'intéressant aux nouveaux héros et "méchants" plus en profondeur ? On ne le saura jamais, mais le fait est qu'en raccourcissant un concept sériel en film de moins de deux heures, les coupes sont palpables. A peine a-t-on le temps de s'attacher à la petite sœur de l'héroïne qu'elle doit la laisser à ses parents pour repartir à l'aventure. Une fois son équipage composé -et présenté au public en chanson, évidemment - il passera au second plan quand Maui sera pleinement de retour. La femme chauve-souris aura juste le temps d'interpréter un morceau de motivation à Vaiana qu'elle sera à son tour oubliée... Pour vivre une nouvelle grande aventure de Vaiana, il faudra visiblement patienter jusqu'au n°3.
Vaiana, La Petite Sirène, Aladdin… John Musker et Ron Clements commentent leur filmo
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